Assurance-emploi - Plaidoyers pour une réforme de la réforme

Les dizaines de mémoires présentés à la commission Duceppe sont quasi unanimes

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Aux poubelles, la réforme !

Les deux mois de consultations publiques de la Commission nationale d’examen sur l’assurance-emploi serviront beaucoup à entendre des plaidoyers pour une réforme de la réforme. La consultation des 60 mémoires déposés jusqu’ici montre en effet qu’il y a quasi-unanimité chez les intervenants. Et les critiques excèdent largement le champ des groupes de défenseurs des chômeurs.
À quelques exceptions près (surtout l’Institut économique de Montréal), tous ceux qui ont déposé des mémoires à la commission cet été estiment que les modifications apportées au régime d’assurance-emploi auront des conséquences négatives pour les travailleurs et les employeurs québécois. Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) et des chambres de commerce font partie de ceux qui suggèrent plusieurs changements.

La commission, présidée par Gilles Duceppe et Rita Dionne-Marsolais, amorce ce lundi soir à Gaspé la portion publique de ses travaux. Une vingtaine de séances sont prévues à travers le Québec jusqu’au 10 octobre. La plupart des mémoires qui seront présentés sont déjà en ligne sur le site de la commission.

Pour sa part, le CPQ rappelle qu’il a « salué d’emblée la volonté du gouvernement fédéral de réformer le régime et d’améliorer les incitatifs à travailler et à réduire la durée du chômage des prestataires ». Le conseil estime que le marché du travail s’en trouvera amélioré.

Mais le Conseil note aussi que plusieurs employeurs sont préoccupés par le contenu de la réforme, notamment les industries des « jardiniers maraîchers, de la construction, du secteur forestier, du secteur touristique, de la restauration et de l’enseignement ». Beaucoup de gens, donc, qui « font partie du tissu économique et de la réalité du Québec », reconnaît le CPQ.

Celui-ci craint notamment que les modifications « exacerbent le problème » de la rareté de la main-d’oeuvre dans certains secteurs ou certaines régions. Il pense aussi qu’il « peut être inefficace, d’un point de vue économique, d’exiger de personnes qui détiennent certaines qualifications et compétences d’accepter des emplois où les qualifications exigées sont de loin inférieures ».

Le Conseil estime qu’Ottawa ne peut faire le calcul simple que s’il y a des gens au chômage dans une région et des emplois à pourvoir dans cette même région, les chômeurs doivent occuper ces emplois libres. La réalité du marché est plus complexe, laisse-t-on entendre.

Dans une même lignée, la Chambre de commerce de Rivière-du-Loup (et une autre de Gaspésie) s’inquiète des répercussions de la réforme pour les emplois saisonniers. Elle souligne qu’une bonne part de l’économie de la région dépend de ces emplois.

La Chambre adhère à l’idée de « suivre de plus près les démarches des prestataires en vue de retrouver un emploi dans les meilleurs délais », comme le prévoit la réforme. Mais elle dit que « certains agents qui ont pris la réforme un peu trop au pied de la lettre » ont déjà des « pratiques qui frôlent le harcèlement ou l’intimidation ».

Concernant une autre exigence de la réforme - celle qui fait qu’un emploi situé jusqu’à une heure de déplacement est jugé comme étant un emploi convenable -, la Chambre souligne qu’elle pourrait imposer aux travailleurs une facture de près de 100 $ d’essence par semaine. Plusieurs groupes ont fait état de cet élément dans leur mémoire.

Tourisme et éducation

L’Association québécoise de l’industrie touristique et Tourisme Bas-Saint-Laurent ont quant à eux mis en relief les effets de la réforme sur la disponibilité de la main-d’oeuvre dans l’industrie touristique saisonnière. « La réforme donne à l’emploi saisonnier un statut de « prestataires fréquents » qui désavantage ce type d’emploi, en plus de mettre de la pression sur ces travailleurs et les amener à quitter le secteur touristique pour d’autres types d’emplois », dit-on.

La réforme établit notamment trois classes de prestataires. Ceux qui utilisent le système le plus souvent (les travailleurs saisonniers, notamment) sont assujettis à des conditions plus strictes et rapides de retour au travail.

C’est là une disposition qui touche aussi le milieu de l’éducation, font remarquer l’Association des commissions scolaires anglophones du Québec, la Fédération des commissions scolaires du Québec et l’Université de Montréal dans trois textes. L’établissement universitaire prévoit un « roulement encore plus important au sein des chargés de cours » qui voguent de contrat en contrat.

Dans les commissions scolaires, on pense qu’une « application littérale des nouvelles dispositions exposera les commissions scolaires à des difficultés de rétention », à cause de l’interruption des activités pédagogiques pendant la saison estivale.

Aux Conférences régionales des élus du Québec (CRE), on dresse un portrait tout en noir des changements apportés au régime par le gouvernement conservateur. On déplore une réforme préparée sans consultation, sans étude d’impacts, on critique de nouvelles règles qui « instaurent des mesures qui nivellent vers le bas les conditions de travail et de vie des travailleurs » et « dévaluent le travail saisonnier ». Les CRE dénoncent la négation « des réalités régionales » et la probable « perte des compétences ». La réforme « nuit au développement économique du Québec », dit-on.

Plusieurs autres groupes (l’Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, des syndicats, le NPD, les deux regroupements de municipalités du Québec…) abondent en ce sens.

L’IEDM en désaccord

Mais certains ne sont pas d’accord. L’Institut économique de Montréal (IEDM) écrit ainsi que la présence du régime d’assurance-emploi « augmente la fréquence et la durée du chômage » et qu’il encourage « le maintien d’emplois saisonniers en trop grand nombre ». Les nouvelles balises imposées (obligation d’accepter un emploi jusqu’à 30 % moins bien payé et situé à une heure de route) ne font que « préciser » celles existantes.

Quant à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, qui représente 109 000 PME au Canada, elle adopte une position intermédiaire. Le vaste sondage qu’elle a mené auprès de ses membres indique clairement que les PME ne craignent pas la réforme et qu’elles sont majoritairement en faveur des modifications.

Mais la fédération note aussi les préoccupations des entreprises saisonnières et recommande au gouvernement d’effectuer une étude d’impact économique pour répondre aux craintes. Elle suggère aussi d’apporter des changements au régime pour qu’il réponde mieux aux réalités du travail saisonnier.


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