Arrière-fond historique aux accommodements raisonnables

C’est toujours ce même relent accusatoire et méprisant que je discerne quand je lis le Globe & Mail ou le National Post.

Tribune libre - 2007


Avant que le déluge interprétatif de nos scribes ne s’abatte sur nous, cette semaine de fous qui s’annonce, je me permets deux trois petites observations sur le thème des accommodements plus ou moins raisonnables.
Le problème de l’émigration est un dossier qui nous ramène aux sources des institutions politiques québécoises, du moins à partir du passage sous l’autorité britannique, et, en particulier, aux relations la plupart du temps inamicales et conflictuelles entre un peuple majoritaire de « natifs » francophones resserrés le long des rives du Saint-Laurent et du Richelieu à qui s’est greffée progressivement une petite mais puissante minorité de « transplantés » anglo-saxons, dont le sentiment d’appartenance envers la mère patrie prendra quelques générations avant de se fixer sur l’identité canadienne actuelle.
Certains des rejetons de ces deux groupes partagent aujourd’hui le même syndrome du minoritaire, le premier par rapport au ROC, le second, comme la déclaration opportune de madame Marois au sujet du « nous » l’a montré, une minorité d’anglophones qui s’obstinent à ne pas s’y inclure en dépit des dénégations massives des rapports tout à fait sains et normaux qu’ils entretiennent dans la société civile avec leurs concitoyens francophones – relations sur lesquelles aucun média naturellement n’attire l’attention.
Un exemple entre cent : la tuerie à Dawson a montré à quel point les représentants des deux groupes n’ont pas hésité un millième de seconde avant de collaborer à tous les niveaux d’intervention dans cette situation d’urgence. C’est une bonne nouvelle : à Montréal, la société civile est toujours en avance au moins d’une génération sur nos institutions politiques sclérosées par le même bon vieux clivage politique.
Dans la polémique qui n’a cessé d’être alimentée depuis le début XIXe siècle, il est intéressant de noter que le même reproche plus ou moins feutré de xénophobie a prévalu de la part de certains porte-parole de la communauté anglaise à l’endroit des leaders du groupe majoritaire, accusés en Chambre et dans les journaux de détourner les vagues incessantes d’émigrants en provenance du Royaume-Uni hors du territoire.
La question dans les années 1830 revêtait une importance capitale dans la mesure où l’establishment tory de Montréal comptait justement sur cette émigration pour augmenter ses effectifs et espérer jouir d’une représentation plus adéquate au parlement. Malgré les prétentions des tories de parler au nom de tous, le fait est que même parmi les électeurs anglo-saxons, comme l’élection de 1834 l’a révélé d’une manière irrécusable, une majorité d’entre eux appuyait malgré tout le parti de Papineau.

Aujourd’hui, compte tenu du taux actuel de natalité, le contrôle de l’immigration constitue le même enjeu pour les deux mêmes groupes rivaux.
Le débat, comme on sait, a conduit à une petite guerre civile, incluant entre autres la criminalisation des députés patriotes et de leurs supporteurs, la suppression du parlement de Québec pendant trente ans, l’instauration d’une junte militaire sous laquelle a été votée par une poignée d’individus triés sur le volet la fusion forcée avec l’Ontario actuelle, étape préparatoire avant le régime célébré de la confédération en 1867.
Or, fait intéressant, les militaires et l’establishment tory de Montréal n’avaient pas prévu le support massif des « enfants du sol » (nos glorieux « Habs » d’alors) dans la vallée du Richelieu et les comtés de l’Acadie, Beauharnois et Deux-Montagnes notamment, si bien que le reproche de xénophobie s’est élargi à l’ensemble du peuple.
C’est toujours ce même relent accusatoire et méprisant que je discerne quand je lis le Globe & Mail ou le National Post. Message non-dit : c’est une bénédiction que le multiculturalisme officiel, que proclame la Chartre à Trudeau, soit toujours là et exerce une influence correctrice sur cette peuplade xénophobe d’outre-Outaouais, sinon l’État fédéral ne pourrait garantir les libertés civiles et religieuses des citoyens provenant des quatre coins du globe.
Et derrière ce reproche se dissimule, on l’aura deviné, le même déni que la « nation » québécoise, en 1837 comme aujourd’hui, puisse un jour, au terme d’un long processus d’action démocratique, proclamer son indépendance.


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