Des événements d'ordre privé se retrouvent désormais dans les pages internationales et politiques des quotidiens. On peut penser, au cours des derniers jours, aux révélations sur les infidélités du sénateur américain John Edwards par sa femme Elizabeth ou encore à la demande de divorce de Veronica Lario à son mari, le président du Conseil italien, Silvio Berlusconi. Le Québec n'est pas en reste avec la médiatisation de l'union entre la vice-première ministre Nathalie Normandeau et le député adéquiste François Bonnardel.
La médiatisation de la vie privée des politiciens n'a rien de surprenant: le politicien n'est plus uniquement présenté à ses citoyens dans son rôle d'homme -- ou de femme, le cas échéant! -- politique. On le présente désormais dans les médias sous de multiples identités, qui n'ont souvent pourtant aucun lien avec sa fonction politique, comme celle de père, de mari, de partisan d'une équipe sportive, etc. Les identités qui relevaient autrefois de la vie privée se retrouvent aujourd'hui dans la vie publique.
La frontière entre l'espace public et le privé n'a cessé d'être bouleversée depuis les années 1970 à cause, notamment et selon divers sociologues, de la télévision comme média de masse, de l'individualisme hédoniste et de la mise en scène de l'intimité. Dans les médias, on assiste à une croissance constante de l'exposition de l'espace privé sur la scène publique.
La télévision permet de regarder ce qui était autrefois caché, car relevant de l'espace privé. En effet, il suffit maintenant d'ouvrir son téléviseur pour voir au quotidien l'intimité d'individus à Loft Story ou encore de voir des invités sur le plateau de Tout le monde en parle raconter leur vécu à la première personne. Il en va de même avec les politiciens.
Le succès du politicien ne se mesure pas uniquement par ses compétences pour résoudre des problèmes sociaux, économiques et politiques, mais aussi par sa notoriété. Le politicien doit passer par les médias pour atteindre le public. En mal de notoriété, les politiciens doivent se plier au jeu des médias et exposer leur vie privée et leur intimité.
Il y a toutefois lieu de se demander si cet effacement des frontières entre l'espace public et l'espace privé est dû à une curiosité de la population envers les politiciens ou à un désir d'exhibition de ces derniers. En effet, le politicien a tout avantage dans sa stratégie de communication à exposer sa vie privée.
Les citoyens préfèrent s'identifier à un politicien plutôt que d'adhérer à ses idées. Pour s'identifier à un politicien, la population a besoin de comprendre qui il est. C'est dans la vie privée que le citoyen retrouve le plus de similitudes entre lui et le politicien.
Avec une bonne stratégie de communication politique, il est possible de prendre avantage de cette confusion qui existe entre l'espace public et l'espace privé. Ainsi, les événements heureux ou malheureux de la vie privée du politicien permettent d'afficher son humanité, de le présenter en tant que femme ou en tant qu'homme plutôt qu'uniquement en tant que politicien. En montrant ses sentiments, le politicien démontre qu'il est comme tout le monde, ce qui favorise le processus d'identification par la population. Il se dégage de cette démarche une apparence de sincérité, ce qui permet au politicien de se construire une image positive. En revanche, c'est la démocratie qui en souffre puisque cette personnification du politicien ne fait qu'éclipser les programmes et les idées politiques.
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Philippe Bernier Arcand, Doctorant en sociologie à l'UQAM
Amour, divorce et politique
Médias et politique
Philippe Bernier Arcand12 articles
Doctorant en sociologie à l’UQAM et auteur de Je vote moi non plus (Amérik Média, 2009).
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