Alexandre Cloutier contre Jean-François Lisée : ouverture contre fermeture?

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La paranoïa des inclusifs à la Cloutier

Alexandre Cloutier déclarait ceci dans le cadre de la course à la direction du PQ :



le PQ doit à tout prix s’ouvrir à l’immigration.



Cette déclaration a de quoi surprendre quand on l’analyse en profondeur. Il faut le spécifier, le problème n’a jamais été de s’ouvrir ou non à l’immigration, puisque se fermer à l’immigration, ça serait l’empêcher totalement. Pour y aller d’un truisme volontaire : on ferme une lumière ou on l’allume. Sinon, il y a des gradateurs… À ce que je sache, pour les prétendants au trône dans cette course, et même pour toute la classe politique, il n’a jamais été question de vouloir totalement l’empêcher. La réalité, c’est qu’il y a une position de contentement, de statu quo envers la question de l’immigration (celle de Cloutier, de Couillard et de Trudeau) et une autre qui regarde les problématiques en lien avec la société d’accueil et les immigrants eux-mêmes (francisation, bienfaits économiques, emploi, etc.) et qui propose un remaniement des politiques pour en ralentir les effets négatifs. Donc, un gradateur, de la nuance. Et, avant de poursuivre, il est bon de rappeler que la solution d’abaisser le nombre d’immigrants à accueillir ne concerne aucunement les immigrants qui sont déjà ici, donc qu’il faut vraiment une bonne dose de paranoïa dans la grille d’analyse pour y voir plus amplement un rejet de l’Autre qu’un moyen rationnel de mieux s’occuper de ceux que l’on accueillera et de ceux qui sont déjà ici.


La dynamique fédéraliste s’invite


Que l’on regarde la question de l’immigration de n’importe quel angle, force est d’admettre que le PLQ au pouvoir a été un cancre depuis le début de son règne. Coupes sauvages dans les programmes de francisation, bilan inquiétant en ce qui a trait au taux de chômage énorme des gens issus de l’immigration : on ne peut pas dire que les libéraux se sont bien occupés de ceux pour qui leurs votes leur sont majoritairement gagnés. Le secret de leur réussite, c’est que la propagande fédéraliste réussit tout à fait bien à nourrir la peur du référendum, de la catastrophe annoncée si le Québec devenait un pays. À partir de cette base, le moindre bémol concernant un sujet lié à l’immigration de la part d’un indépendantiste devient une bombe qui rend le débat franchement malsain. L’indépendantiste qui critique quoi que ce soit en lien avec l’immigration est alors le mal incarné, l’identitaire nationaliste qui ne mérite que le goudron et les plumes. C’est une occasion en or pour les fédéralistes et visiblement, même des indépendantistes tombent dans le panneau.


La tactique de la radicalisation du débat


À la base, je pense que c’est une grande erreur d’analyse et d’accusation de mettre dans un même panier diabolisé – sous la dénomination « identitaire » – quiconque a une vision critique des sujets importants que sont la laïcité, le fait français et l’immigration. Alors, en prenant pour acquis que le danger de l’identitaire nationaliste est réel et non seulement une accumulation d’exagérations et de culpabilisations tendancieuses, Alexandre Cloutier a choisi la tactique de la radicalisation du débat pour gagner des appuis (tactique aussi bien utilisée par tous les autres nouveaux bien-pensants de la gauche vertueuse) : affirmer que sa propre position est sans conteste équivalente à l’ouverture induit clairement que ceux qui ne sont pas en accord avec cette position autoproclamée sont par définition pour la fermeture, le repli identitaire… Autrement dit : je dis haut et fort que je suis ouvert, donc tu es fermé! On a malheureusement toujours en tête que le même jeu a été joué avec l’adjectif « inclusif » pour induire que les adversaires de cette idée de « laïcité ouverte », justement, sont simplement pour l’exclusion. Jean-François Lisée en a été bien sûr la victime principale dans cette course, comme de se faire accuser de jouer la « carte identitaire », par stratégie. Ce qui vaut pour l’un vaut pour l’autre : la politique est un jeu stratégique.


Ici, il n’est pas question de prendre la défense de Jean-François Lisée. Il est amplement capable de le faire lui-même, même avec brio, comme on la vu devant Michel C. Auger très récemment. Plutôt, il est question de montrer qu’Alexandre Cloutier, tout comme ses compagnons idéologiques, travaille à disqualifier l’adversaire au lieu de se concentrer sur des arguments basés sur la raison. Pourtant, il y a de quoi débattre intelligemment de ces questions. Au-delà de se construire une aura inclusive en lançant des slogans diversitaires, pourquoi choisir le statu quo? Et si l’argument économique est la raison principale de ce statu quo, ou même d’une augmentation de l’immigration, pourquoi y répondre avec d’autres arguments économiques est-il assimilé à la « question identitaire »? Réduire ces questions à un choix binaire entre ouverture ou fermeture à l’immigration est malhonnête intellectuellement et franchement insultant pour ceux qui, comme moi, ont a coeur le débat public et son caractère, idéalement, démocratique.


L’importance de préserver les apparences au lieu de plonger dans le fond du débat


Cet épisode – tout comme l’apparition de l’initiative « Faut qu’on se parle », qui opère de la même manière par le chantage émotif pour prendre le contrôle du débat au niveau moral – est emblématique de ce qui empêche le Québec d’avancer. Le débat public est encroûté dans les apparences, dans un concours d’égoportrait de convictions. Moi-même je n’y échappe pas puisque je passe beaucoup trop de temps à mon goût à essayer de me laver les éclaboussures de cette accusation à outrance d’identitaire nationaliste, qui bien sûr regroupe en son sein tout ce qu’il y a de plus vil : exclusion, racisme, fermeture d’esprit, xénophobie, haine de l’autre, etc. Mais comment ne pas avoir tendance à vouloir réparer les perceptions dans ce monde où elles sont si importantes, a contrario des questions de fond? Et comment trouver le temps de parler de solutions quand tout le temps est imparti à l’accusation et à la défense, même pas tellement des idées, mais bien plus des personnalités? Pourquoi le débat entre Alexandre Cloutier et Jean-François Lisée est-il autant réduit à l’examen de leurs postures apparentes respectives?


Parce que la partisanerie nous fait oublier qu’à la base nous sommes tous une partie de la solution et que le débat public devrait tous nous relier au lieu de nous scléroser en groupes d’intérêts, en communautés culturelles, en corporations religieuses et en clans idéologiques. À mon sens, le progrès ne passe pas par le rejet d’une tendance sociale ou d’une autre, mais par l’équilibre des forces et de la compréhension du point de vue de chacun. Sinon, c’est de la tyrannie. Je ne veux pas plus d’une tyrannie de gauche que d’une tyrannie de droite.


Le cancer social actuel est la diabolisation des individus et des groupes au nom d’une vérité autoproclamée, qu’elle soit que nous devons être tolérants ou intolérants selon des règles précises et immuables, en dehors de l’éthique. Il n’y a pas de grande différence entre rejeter l’immigration, les immigrants et les étrangers et rejeter l’idée même de discuter des questions que tout cela suscite autrement que par la positive.


L’humain politique devra s’extirper de son état orgueilleux originel pour avancer rationnellement vers des solutions. Et passer le plus clair de son temps à chercher à débusquer les supposés mal-pensants n’en fait partie.



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