Le premier ministre Justin Trudeau se défend d’avoir fait obstruction à la justice dans le dossier SNC-Lavalin, malgré une demande d’enquête criminelle réclamée par Andrew Scheer.
«C’est le rôle de tout premier ministre de défendre les intérêts des Canadiens, de défendre les emplois : c’est exactement ce que j’ai fait. On l’a fait tout en respectant l’indépendance et l’intégrité de notre système judiciaire», a assuré M. Trudeau lundi, en marge de l’annonce du financement fédéral pour le tramway de Québec.
Un peu plus tôt dans la journée, le chef de l’opposition officielle, le conservateur Andrew Scheer, avait demandé à la Gendarmerie royale du Canada d’enquêter sur Justin Trudeau, à la suite du dépôt d’un rapport du Commissaire à l’éthique l’accusant d’avoir violé la loi sur les conflits d’intérêts.
M. Scheer estime que le premier ministre s’est possiblement rendu coupable d’« obstruction de justice ».
Justin Trudeau rejette cette lecture des événements, même s’il reconnaît que « la situation au cours de la dernière année aurait dû se passer différemment ».
Il estime que les recommandations d’un rapport de l’ancienne procureure générale Anne McLellan permettront aux futurs gouvernements d’éviter de répéter ces « erreurs ».
Un crime?
Le Commissaire à l’éthique a conclu mercredi dernier que le premier ministre avait enfreint la loi sur les conflits d’intérêts en faisant pression sur sa ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, pour qu’elle intercède en faveur de la firme d’ingénierie SNC-Lavalin, afin de lui permettre de bénéficier d’un accord de réparation et ainsi éviter un procès criminel pour corruption.
«Nous savons qu’il a violé la loi» sur les conflits d’intérêts, a déclaré Andrew Scheer en conférence de presse. «Nous devons à présent savoir s’il a commis un crime.»
La fin de semaine dernière, Mme Wilson-Raybould a de son côté indiqué que la GRC l’avait contactée en début d’année dans le cadre de cette affaire.
«Aujourd’hui, à la lumière des conclusions du Commissaire à l’éthique et des révélations d’une précédente implication de la GRC, j’ai formellement demandé à la GRC de réexaminer» ce cas, a déclaré le chef conservateur, qui avait déjà réclamé une telle enquête de la GRC, en vain.
Pots-de-vin à l’étranger
SNC-Lavalin, qui emploie quelque 9000 personnes au Canada, a été accusée en 2015 d’avoir payé 47 millions de dollars en pots-de-vin entre 2001 et 2011 pour obtenir des contrats en Libye pendant le régime Kadhafi.
Fin mai, un juge a statué qu’il existait suffisamment d’éléments à charge pour citer l’entreprise à comparaître.
—Avec l’AFP
L’affaire SNC-Lavalin en bref
♦ L’ex-procureure générale du Canada, Jody Wilson-Raybould, affirme avoir subi des «pressions constantes et soutenues de la part de membres du gouvernement» pour permettre à SNC-Lavalin d’obtenir un accord de réparation.
♦ Cette pression du premier ministre et de son entourage allait à l’encontre de la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire.
♦ En obtenant un accord de réparation, SNC-Lavalin aurait pu éviter un procès au criminel, en échange d’une amende et d’une série de conditions.
♦ Une condamnation au criminel empêcherait la firme d’ingénierie d’obtenir des contrats publics pendant une période de dix ans.