Pour les affairistes, il faudrait privatiser tous les services publics, sauf ceux qui ne sont pas rentables et que l’État devrait selon eux conserver (par exemple pour continuer de s'occuper, en santé, des maladies trop coûteuses et des malades pauvres ou, en éducation, des enfants à problèmes et pas riches, ou encore des routes, des ponts et du transport ferroviaire ou aérien dans les régions peu denses), et privatiser également tous nos instruments collectifs (Hydro-Québec, SAQ, Loto-Québec, etc.) non déficitaires.
Ah, oui, le patronat accepterait de se voir larguer des domaines publics peu ou pas profitables, mais il faudrait que les gouvernements allongent des milliards de dollars en subventions publiques, comme c’est le cas actuellement pour Air Canada et le CN (deux anciens joyaux publics privatisés pour des «pinottes») afin qu’ils daignent aller en région, et aussi pour les écoles et les garderies privées, afin qu’elles acceptent des enfants avec de légers handicaps. Privatiser nos programmes sociaux et nos biens publics (comme ce fut le cas pour les éoliennes), souvent à des étrangers, constitue la meilleure façon de nous appauvrir collectivement au profit de quelques arrivistes. Et voguent les inégalités économiques. Ainsi le pays ou la province perd de sa souveraineté économique et même politique. L’argent versé par les contribuables constitue alors des impôts et des taxes versés au privé (santé, éducation, garderies, routes, aqueducs et eau, etc.) au lieu d’être payés à l’État, mais qui n’entrent pas dans le calcul des impôts payés par les individus. Il suffit de penser aux milliers de dollars déboursés chaque année par les Américains et versés à des compagnies pour la santé, l’éducation et les garderies privées, qui constituent bel et bien des impôts, mais cette fois allongés au privé. Si on considère ces véritables impôts payés par les Américains à des firmes pour des services publics privatisés, les particuliers aux États-Unis ont alors un taux d’impôt sur le revenu réel plus élevé qu’au Québec.
Prenons le cas de l’autoroute 407 et de SNC-Lavalin
À l’aide d’un exemple concret, on peut constater à qui profite le démantèlement de l’État. C’est facile à comprendre lorsqu’on lit l’article du 8 août 2019 publié dans Le Journal de Montréal, intitulé: «SNC-Lavalin obtient 3 milliards $ et peut mieux respirer. La firme sera enfin en mesure de renflouer son coffre».
SNC-Lavalin peut, comme toujours, mieux respirer et renflouer ses coffres grâce à la main «visible» de l’État, qui est censée être invisible selon les préceptes de l’économie de marché.
On apprend dans cet article que SNC-Lavalin vient de vendre 10% des actions qu’elle détenait dans une autoroute privée (elle possède 16,8% du contrôle total) pour la coquette somme de 3,250 milliards de dollars. L’autoroute 407 est située au nord de Toronto et fait seulement 108 km de longueur. En 2018, l’autoroute privée a généré des revenus bruts de 1,4 milliard de dollars et un bénéfice net de 539 millions de dollars, soit une marge nette extraordinaire de 38,5% sur les ventes brutes. Payants, payants, les autoroutes et ponts privés, tellement difficiles à gérer. L’autoroute 407 en Ontario et l'A-30 ou l'A-25 au Québec sont des monopoles privés. Les monopoles privés, c’est tout simplement merveilleux pour le patronat. Seuls les monopoles publics sont à proscrire et à céder aux opportunistes qui s’en mettent alors plein les poches.
La 407 vaut donc au moins 32 milliards de dollars
Si SNC-Lavalin a obtenu 3,250 milliards de dollars pour 10% des actions totales, cela veut donc dire que l’autoroute privée 407, en Ontario, vaut globalement au moins 32,5 milliards de dollars, et même beaucoup plus, car la vente du bloc de contrôle légal de toute compagnie (50% des actions en circulation plus une) vaut beaucoup plus que la simple vente d’une participation minoritaire. Imaginez, 32,5 milliards de dollars pour une autoroute de seulement 108 kilomètres avec, au menu, de gros frais de péage quotidiens fixés par les propriétaires en présence de clients captifs. Et on appelle ça l’économie de marché avec ses supposées lois naturelles. Ai-je besoin de vous faire un dessin pour vous faire comprendre pourquoi les affairistes et leurs universitaires affranchis prônent la privatisation de la production et du transport de l’électricité (Hydro-Québec), des éoliennes, des routes et des ponts, des aqueducs et de l’eau, du transport ferroviaire (CN), du transport aérien (Air Canada), des aéroports (comme celui de Montréal), des garderies, de la santé, de l’éducation et j’en passe?
Si une petite autoroute de 108 kilomètres vaut 32,5 G$, combien vaut alors l’ensemble de nos ponts, routes et autoroutes publics au Québec? Et l’ensemble de notre système d’éducation, hospitalier, d’aqueducs et autres? Si, par honnêteté, le patronat et ses universitaires connectés évaluaient tous les actifs du Québec à leur valeur réelle et actuelle, comme il se doit (incluant Hydro-Québec), le coefficient d’endettement véritable de la province serait dérisoire. Juste la valeur marchande d’Hydro-Québec (elle vaudrait beaucoup plus si nos élus n’avaient pas privatisé l’éolien à des firmes étrangères au gros prix et arrêtaient d’accorder des tarifs bonbon à des milliers d’entreprises comme celles dans l’aluminium et le centre de données) équivaut pratiquement à la dette globale publique de la province. Mais le patronat et sa suite royale exagèrent l’ampleur de notre dette publique afin de vous faire peur, pour mieux suggérer qu’il faut varger et couper dans tous les programmes sociaux, comme l’a fait le Parti libéral du Québec avec ses draconiennes mesures d’austérité.
Maintenant, répondez à la question: à qui profite le bradage de nos biens et services publics et de nos instruments collectifs?
Deuxième question: à qui a profité la privatisation du CN, d’Air Canada et de Petro-Canada?
À ne pas oublier que ces autoroutes privées n’ont de privé que le nom, ayant été massivement financées par des fonds publics: «Le pont de l’autoroute, les contribuables en paieront la moitié».