6 mythes sur les finances publiques

Budget Québec 2010



1. La dette disparaîtra d’elle-même
Certains prétendent qu’on ne devrait pas s’inquiéter outre mesure de la dette de l’État. Continuons à dépenser sans retenue, car le poids relatif de la dette va diminuer avec la croissance de l’économie. La dette du Québec n’est-elle pas passée de 52,2 % du PIB en 1998 à 42,7 % en 2008 sans le moindre remboursement de capital ?
Je vois deux gros problèmes avec ce raisonnement. Premièrement, il faut payer chaque année des intérêts de plusieurs milliards de dollars à nos prêteurs. Le service de la dette est d’ailleurs le troisième poste en importance dans les dépenses de l’État après la santé et l’éducation. Ces paiements d’intérêts sont autant de milliards de dollars qui ne peuvent pas être consacrés aux hôpitaux, aux écoles ou à l’entretien des routes.
Deuxièmement, cela suppose que l’économie québécoise performe particulièrement bien au cours des prochaines années. Or, le potentiel de croissance de l’économie québécoise est sérieusement limité par le vieillissement de sa population.
2. Le Québec est riche
On peut mesurer la richesse d’une population soit pas la valeur de sa production (PIB) ou par les revenus de sa population. Choisissez n’importe quel indicateur, le Québec est un des endroits les plus pauvres au Canada.
Le PIB par habitant du Québec est de 6000 dollars de moins que celui de l’Ontario et près de 9000 dollars de moins que celui des autres Canadiens. Quant au revenu personnel disponible réel par habitant (tous les revenus moins tous les impôts), il est de 23 324 dollars au Québec, soit 3477 dollars de moins que la moyenne des autres Canadiens.
3. Le Québec peut tout se payer
Même si le Québec est plus pauvre, notre gouvernement dépense 2503 dollars de plus par habitant que la moyenne des autres provinces. Cela est possible parce que les Québécois sont plus endettés que les autres Canadiens. La dette nette par habitant des Québécois était de 16 336 dollars par habitant en 2008, contre 9759 dollars pour les citoyens des autres provinces. Une différence de 67 %.
4. Ce sont les pauvres qui finissent toujours par payer
C’est plutôt le contraire grâce à une fiscalité très progressive. Entre 1980 et 2006, le nombre de contribuables non imposables a crû trois fois plus rapidement que le nombre de contribuables imposables. Ainsi, 41,4 % des Québécois n’ont pas payé d’impôt en 2006.
3,2 % des Québécois ont déclaré des revenus de 100 000 dollars et plus en 2006. À eux seuls, ils ont payé presque autant d’impôts que 81,1% des contribuables, c’est-à-dire tous ceux qui ont gagné moins de 50 000 dollars. La classe moyenne, dont les revenus vont de 50 000 à 100 000 dollars, constituent 15,7 % des contribuables et ont payé 39,7 % des impôts.
5. La situation actuelle est temporaire et s’explique par la crise
Au contraire, le temps presse pour mettre de l’ordre dans les finances publiques. Les dépenses en santé sont passées de 15 milliards de dollars à 27 milliards de dollars depuis 10 ans et nous n’avons encore rien vu.
Dans 20 ans, le nombre de Québécois âgé de 65 ans et plus passera de 1,2 million à 2,1 millions. Le seul effet du vieillissement engendrera des coûts supplémentaires de 19 milliards de dollars pour les soins de santé des Québécois. En effet, une personne de moins de 65 ans coûte à l’État 1 600 dollars par année en moyenne, contre 15 000 dollars pour quelqu’un de plus de 65 ans.
6. L’argent est à Ottawa
C’est le fonds de commerce historique des gouvernements du Québec et des deux partis voués à l’indépendance. Je ne veux pas commenter un dossier en particulier et je suis le premier à admettre que la question de la rentabilité ou non rentabilité du fédéralisme canadien est d’une complexité inouïe. Cependant, je serais extrêmement surpris si le Québec ne tirerait pas profit de la situation depuis quelques années.
D’abord, l’Institut de la statistique du Québec évalue à 51 milliards de dollars les dépenses en biens et services et en programmes du fédéral au Québec. Par contre, Ottawa ne récolterait que 43 milliards de dollars en revenus fiscaux dans la province.
Deuxièmement, le gouvernement fédéral a augmenté ces dernières années de 5 milliards de dollars les paiements de transfert au Québec.C’est substantiellement plus que le coût du déficit fiscal estimé à 2,5 milliards de dollars dans le rapport Séguin (2002) et substantiellement plus que le milliard de dollars qui serait économisé par un Québec indépendant selon le budget de l’an 1 de l’ancien député François Legault publié en 2005.
Enfin, si le Québec était vraiment la vache à lait du gouvernement fédéral, comme semble le croire bien des Québécois, comment se fait-il qu’il n’a même pas les ressources pour équilibrer ses budgets et diminuer sa propre dette. Les Albertains, deux fois moins nombreux que les Québécois, versent autant d’argent en impôts au gouvernement fédéral.


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