Le Québec court-il à sa perte ?

La Dépossession tranquille

Le Québec court il à sa perte ?C’est une vraie bombe que lance le Conference Board. Dans une première étude prospective sur les finances publiques des différentes provinces, l’organisme affirme que le déficit du Québec atteindra 45 milliards de dollars dans 20 ans. Pour résorber un tel déficit, le gouvernement devrait faire passer la TVQ à 19,5 %.
Comment le Conference Board arrive-t-il à ces prévisions ? Il prend d’abord pour acquis que le Québec voudra offrir le même niveau de programmes et de transferts à ses citoyens. Il intègre les deux prochaines augmentations de la TVQ et les mesures annoncées dans le dernier budget, mais sans plus. Il présume aussi que les transferts fédéraux vont continuer de croître de 3 % tout au long de la période, indépendamment de la situation budgétaire du gouvernement central et des autres provinces.
Enfin, il tient compte d’une démographie particulièrement ingrate : le taux annuel de la croissance de la population sera de 0,7 % en moyenne au cours des 20 prochaines années et sera même de 0,5 % au cours des quatre dernières années de la période analysée.
Ce scénario démographique est celui de Statistique Canada. Le scénario de référence de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) est encore plus pessimiste avec une croissance moyenne de 1,6% jusqu’en 2031 et de seulement 0,3 % au cours des quatre dernières années. En clair, Statistique Canada prévoit 227 000 Québécois de plus que l’ISQ en 2031. Prions pour que les statisticiens fédéraux aient raison.
Vous me direz que le Québec est en plein baby boom et que nous accueillons un nombre record d’immigrants. Oui, et tout cela est considéré dans les projections démographiques. Le taux actuel (2009) est de 0,8 % et il baissera parce que d’ici 20 ans il y aura plus de décès. C’est ça le vieillissement de la population. (source : entretien avec Dominique André, responsable des Perspectives démographiques à l’ISQ)
cboc f Le Québec court il à sa perte ?Cette situation engendre deux phénomènes. Premièrement, le rythme de croissance de l’économie diminuera à cause d’une baisse des dépenses de consommation et de la demande des logements. Il atteindra 1,6 % en moyenne pendant 20 ans, mais il sera sous les 1,5 % pendant les dix dernières années de la période. Cette plus faible croissance implique une croissance plus modeste des revenus gouvernementaux, qui atteindront en moyenne 4 % par année et seulement 3,5 % pour les cinq dernières années de la période. Ce qui tombe mal, parce qu’une population plus âgée nécessite plus de soins.
On parle donc de revenus budgétaires en hausse de 4%, mais de dépenses qui vont croître au rythme de 5,1 % par année. On argumentera que le ministre des Finances Raymond Bachand entend limiter l’augmentation à 2,9 % cette année et à 2,2 % au cours des trois années qui suivront.
Le Conference Board soutient que les dépenses dans le domaine de la santé augmenteront en moyenne de 5,9 % par année. Il établit sa prévision à partir des coûts par personne et par tranches d’âge. Il attribue 2,5 % de l’augmentation de l’inflation, 1,7 % pour l’amélioration du réseau et les technologies de pointe, 1,1 % au vieillissement de la population et 0,7 % à sa croissance. Le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans augmentera en effet de 3 % par année, passant de 14,9 % de la population en 2009 à 24 % en 2030.
La santé, qui représentait 43,1 % des dépenses du gouvernement en 2009-2010, en accaparera 63,4 % en 2030-31. On passera de 27 milliards de dollars à 90 milliards de dollars.
Mon retour à L’actualité m’a fait redécouvrir les joies des discussions avec les endettos-sceptiques, les personnes qui considèrent qu’il n’y a pas de problèmes d’endettement au Québec. Que c’est une lubie « de droite » et que cela représente tout au plus que « des pinottes ». Tout un sac de pinottes !
Les déficits accumulés au cours de la période alourdiront une dette déjà bien pesante. Au point que le service de la dette – les intérêts que nous payons chaque année à nos créanciers – devraient croître de 8,2 % par année en moyenne. Cela fera quelque 32 milliards de dollars d’intérêts à rembourser pour l’exercice budgétaire 2030-31, en présumant que les taux d’intérêts restent à leur niveau exceptionnellement bas d’aujourd’hui. Ce représentera 22,5 % des revenus totaux du Québec de 2030-2031. La dette constituera le deuxième poste en importante dans le budget, derrière la santé, mais devant l’éducation.
Ah oui, quelle devrait être déjà l’ampleur de cette dette en 2030-2031 ? La dette brute atteindrait 620 milliards de dollars. Vous préférez la dette nette ? 577 milliards de dollars.
Juste la dette et la santé représenteront dans 20 ans près du triple des dépenses gouvernementales d’aujourd’hui.
Tout cela reste de la fiction. On peut changer le cours des choses, faire des choix et concevoir les choses autrement. Ces prévisions constituent néanmoins une sévère mise en garde contre le mur que nous frapperons si rien ne change.
Je trouve que les Québécois ont une drôle de relation avec le crédit. Une étude nous apprenait hier que nous n’avions aucune inquiétude avec notre niveau d’endettement sur notre carte de crédit alors le taux d’endettement des ménages québécois a atteint 147 % en 2009 et que notre taux d’épargne est beaucoup plus faible que celui de l’ensemble du Canada (3,6 % au 2e trimestre contre 5,9 %).
J’ai une question pour les endettos-sceptiques. À partir de quel moment la « joie de vivre » et une foi inébranlable dans l’État-miracle québécois deviennent-elle de l’insouciance ?


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