Les contribuables et l’État

Ce rythme d’augmentation des dépenses et de la taxation est intenable

Faut-il plus d’État, plus de services publics et plus de redistribution des revenus par une fiscalité «progressive» ? Ou devrait-on plutôt limiter ou alléger le fardeau fiscal des particuliers et des entreprises pour leur permettre de dépenser, d’épargner ou d’investir davantage ?


Les discussions pré et postbudgétaires tournent autour de ces deux grandes questions.


Pour certains, les diminutions d’impôt réduisent la marge de l’État et lui enlèvent des moyens. En diminuant la facture des contribuables, l’État se prive de précieux dollars qu’il pourrait dépenser pour mieux payer ses employés, augmenter les paiements de transferts aux particuliers, préserver les services à la population ou subventionner les entreprises.


Une variante de ce thème veut que ce soit les diminutions d’impôt accordées il y a quelques années qui ont causé les déficits budgétaires des six dernières années.


Le gouvernement a donc un problème de revenus, et il suffit de les accroître pour tout régler.


L’Institut de recherche sur l’économie contemporaine (IREC) évalue que l’État québécois s’est privé de 4,5 milliards de dollars en octroyant des diminutions d’impôt entre 1997 et 2013. Pour être juste, l’Institut ajoute que durant la même période, la bonification des paiements de transfert et des crédits d’impôt (crédit d’impôt pour le soutien aux enfants, crédit d’impôt à la solidarité…) a ajouté 4,1 milliards à ses dépenses. Le tout a eu des répercussions négatives de 8,4 milliards de dollars sur le budget du gouvernement.


J’ai quand même des problèmes avec cette idée d’un État québécois atrophié et rendu impuissant à cause de gouvernements qui le privent de ses moyens. Pour reprendre les années de référence de l’IREC, les revenus du gouvernement québécois sont passés de 38 milliards de dollars en 1997-1998 à 93,6 milliards en 2013-2014. Évidemment, il faut tenir compte de l’inflation, et l’on observe pendant cette période une forte hausse des transferts fédéraux — qui passent de 5,8 milliards de dollars à 18,8 milliards.


L’augmentation reste toute de même costaude, et c’est nous qui l’avons payée.


Le Québec avait la taxe de vente provinciale la plus faible au pays, après l’Alberta en 1997-1998. Notre TVQ est aujourd’hui la plus élevée au pays, collée à celle de la Nouvelle-Écosse. Le fardeau fiscal global du Québec est le plus élevé au Canada, et il est supérieur à la moyenne des grands pays industrialisés. Sans compter la dette, qui est la plus lourde au pays. Dire que nous nourrissons mal notre État m’apparaît une proposition à la fois injuste et erronée.


Les dépenses budgétées sont passées de 40,2 milliards de dollars en 1997-1998 à 95,6 milliards en 2013-2014, puis à 97,4 milliards en 2014-2015. Cet État ne me semble vraiment pas en phase anorexique, et j’ai plutôt une autre image en tête quand je pense aux diverses augmentations de taxes, de droits et de cotisations des dernières années.


Ce fardeau fiscal plus élevé se traduit aussi par un revenu disponible des ménages (après impôt) qui n’a crû que de 0,5 % en 2013 (sa plus faible croissance depuis 1997), ainsi que par un taux d’épargne moins élevé et bien en deçà de la moyenne canadienne. Les coûts de production des entreprises sont plus élevés à cause des impôts et, surtout, des prélèvements sur la masse salariale, pour lesquels nous sommes les champions nord-américains.


Cette défense absolue et sans compromis de l’État et des ponctions fiscales nécessaires à son développement a des conséquences importantes sur l’activité économique. Elle explique en partie les retards du Québec face à ses concurrents continentaux.


Ce rythme d’augmentation des dépenses et de la taxation est intenable, d’où la nécessité du redressement budgétaire.


C’était aussi le thème du budget de 1997-1998 du gouvernement de l’époque, qui cheminait lui aussi vers le déficit zéro. On promettait alors une lutte à l’évasion fiscale et on trouvait que l’impôt sur le revenu des Québécois pesait trop lourd. Le gouvernement voulait plus de PME exportatrices et entendait réduire le fardeau réglementaire des entreprises.


Plus ça change…


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