22 juin 1960

50 ans plus tard : l’espoir

Révolution tranquille - 50 ans!




En ce début d’été 2010, nous commémorons une date marquante de l’histoire du Québec. Celle de tous les espoirs.
22 juin 1960 : « l’équipe du tonnerre » remporte les élections au Québec. Pendant les six premières années qu’il sera au pouvoir, le Parti libéral du Québec fera faire de prodigieux bonds à la société québécoise. Espoir par la suite déçu parce qu’étant en grande partie trop redevable à un électorat d’inconditionnels pro-Canada, le PLQ post-équipe du tonnerre allait devenir un frein plutôt qu’un vecteur d’émancipation pour les Québécois.

Déjà, bien avant les années soixante, le Québec bouillonnait souterrainement car nombreux dans l’après-guerre étaient ceux et celles qui luttèrent ardemment contre un cléricalisme excessif qui, depuis la défaite des Patriotes, prévalait au Québec. Mais, au sein de cette avant-garde, personne ne pouvait accéder à une assez vaste tribune pour que son message rejoigne la majorité des citoyens.
La donne change avec l’arrivée de la télévision. Chambardement fondamental car sans s’être d’abord illustré devant les caméras, peut-on penser qu’un René Lévesque aurait fait le saut en politique ? Ou imaginer que les Lise Payette et docteur Laurin auraient autant contribué aux changements des mentalités ?
Les propos de ces fortes personnalités qui, par petits écrans interposés, se faisaient entendre dans nos salons et nos cuisines, étaient fort différents de ceux des politiciens traditionnels. Le premier à s’en émouvoir fut Robert Rumilly. Ami proche et biographe officiel de Duplessis, Rumilly blâma le gouvernement fédéral d’avoir laissé tomber entre des mains gauchisantes ce moyen extraordinaire de rejoindre la population que la télé était devenue. Des craintes qui n’étaient aucunement ressenties à l’ouest de la Main. Au contraire, on s’en félicitait. Bye bye the priest-ridden-society pouvait-on entendre dans les salons cossus de Westmount.
Une quiétude qui fut de courte durée car dès 1962, on en vint vite à regretter les curés, appréciant mal le « Maître chez-nous » choisi par le premier ministre Lesage comme slogan de sa campagne électorale. Et craignant davantage un René Lévesque clamant à tous vents que c’en était fini le temps « des porteurs d’eau » et des « nés pour un p’tit pain ». Crainte passablement justifiée quand on a vu ensuite Donald Gordon être brûlé en effigie. Le président du CN avait dit tout haut ce que de nombreux Wasps pensaient tout bas, à savoir que peu de Canadiens français étaient assez compétents pour faire partie des conseils d’administration des grandes entreprises.
L’histoire a voulu que ce soit un petit entrepreneur franco-ontarien qui devait le plus paniquer face à la nouvelle conjoncture. Tout comme Rumilly, Paul Desmarais s’inquiétait de la tendance gauchisante et nationaliste de notre télé. Mais ce qui surtout le désolait, c’était qu’au Québec bien des journaux québécois avaient tout autant dérivé vers la gauche nationaliste. La coupe était pleine. La nationalisation de la Shawinigan le décida à acheter La Presse. C’est ainsi qu’il devint le king maker des libéraux.
Les récriminations des Rumilly, Desmarais et d’Anglos apeurés avaient suffi pour que la Société Radio-Canada s’assagisse elle aussi et, « finies les folies », ne s’en tienne dorénavant qu’à sa mission de promouvoir l’unité nationale. Il reste que le mouvement d’émancipation des Québécois avait pris un tel essor que, malgré ces avatars, l’astucieux Daniel Johnson sut l’utiliser à ses fins. Il fit mouche aux élections de 1966 avec son ambigüe « Égalité ou indépendance ».
Un an plus tard, l’enthousiasme de la population québécoise pour le président de Gaulle lors de son parcours sur le Chemin du Roi et de son fameux cri du haut du balcon de l’Hôtel de ville de Montréal, avait fait suffisamment paniquer Bay Street pour qu’elle en vienne à penser que, pour remettre le Québec à sa place, valait mieux le bagarreur Trudeau que le pacifiste Pearson. Mais c’est du côté du PLQ que le cri du général a engendré la plus forte commotion. Une grave crise survint quand René Lévesque présenta sa résolution « Souveraineté-Association ». Qui fut rejetée. Lévesque et ses amis n’eurent alors d'autre alternative que de claquer la porte de ce parti qui pourtant avait amorcé le Grand changement sept ans plus tôt.

Les résultats des élections du 29 avril 1970 démontrèrent hors de tout doute que le Parti Québécois avait remplacé l’Union nationale dans le désamour de l’électorat anglophone. Les gens du PLQ venaient de comprendre que, pour prendre le pouvoir et le conserver, il suffirait à l’avenir de continuellement jouer l’atout du risque économique que ferait courir l’indépendance. Ainsi, une proportion suffisante d’électeurs francophones apeurés s’ajouteront à un électorat anglophone inconditionnel.


Une semaine avant le scrutin d’avril 1970, la tactique de la peur fonctionna à plein quand le journal The Gazette s’empressa de placer à sa Une la photo de camions de la Brink’s partant pour Toronto. Autre peur quand, en octobre de la même année, le paniqué Robert Bourassa demanda au gouvernement canadien d’envoyer la troupe au Québec afin, disait-on, de bloquer le putsch d’un quelconque gouvernement provisoire. Ce qui nous donna la promulgation de la Loi des mesures de guerre et l’emprisonnement de quelque cinq cents personnes sans accusation autre que leur allégeance politique.
Ni la peur économique, ni le terrorisme d’État de Trudeau n’empêchera la PQ de gagner les élections de 1976 et de mettre en force sa Loi 101. Or, comme il l’avait fait en 1969 lors des débats en commission parlementaire avant l’adoption de l’exécrable Loi 63, c’est un PLQ entièrement dévoué aux intérêts de « notre minorité historique » qui combattit la Charte de la langue française, ne se sentant aucunement gêné par le fait que d’éminentes personnalités anglophones, qui lui étaient proches, puissent inviter le gouvernement fédéral à exercer contre le Québec un droit de désaveu à partir d’un article du BNA Act qui, avec les années, était tombé en désuétude.
Une telle attitude de la part du PLQ-post-équipe du tonnerre lui venait du traumatisme que, aux élections du 15 novembre, lui avait causé le glissement d’un nombre assez élevé d’électeurs anglophones vers l’Union nationale. Ce qui lui fit perdre le pouvoir. En se bouchant très fort le nez, ceux-ci avaient décidé de punir les libéraux pour avoir, deux ans plus tôt, fait du français la seule langue officielle du Québec.

La leçon de 1976 devait longtemps marquer le PLQ. Il se devait dorénavant d’avoir une constante préoccupation vis-à-vis des exigences de la « minorité historique». Ce qui a fait que, par deux fois, alors que l’avenir de la nation était en jeu, ce parti a cautionné des actes d’une totale illégitimité de la part d’Ottawa. Le non-respect de la Loi des consultations populaires n’a dérangé ni Claude Ryan en 1980, ni  Daniel Johnson fils en 1995.
L’insertion de la clause dérogatoire dans son projet de loi 178 en janvier 1990 afin de contrer un jugement de la Cour suprême concernant la langue d’affichage a été l’unique occasion où le PLQ a vraiment tenu tête à Ottawa. Et il en a payé le prix. Le mécontentement de la minorité historique a fait que Robert Bourassa a eu à subir l’avortement de l’entente du lac Meech. Un Robert Bourassa qui se serait élevé au niveau du Jean Lesage de 1960 si, exactement 30 ans plus tard, il avait fait, par un référendum, appel à la population québécoise afin que celle-ci se déclare elle-même comme étant « une société libre et distincte pour toujours ». Occasion ratée.
Pour se laver de toutes les turpitudes qui l’assaillent actuellement, il suffirait au PLQ qu’il revienne à l’esprit qui animait les Lapalme, Lévesque et Gérin-Lajoie en 1960. Malheureusement, ce parti semble incapable de relever ce défi. Il en est incapable puisqu’il se refuse à créer une commission d’enquête sur l’industrie de la construction qui permettrait de faire la lumière sur comment, avec le temps, a été pervertie la loi sur le financement des partis politiques, loi qui faisait tant la fierté d’un René Lévesque. Et, c’est  en ce mois de juin où l’on commémore le cinquantième anniversaire de la Révolution tranquille que le PLQ des Charest, Courchesne et Saint-Pierre se déshonore comme jamais auparavant avec le dépôt de cet infect et indigeste projet de loi 103. Ne sont définitivement pas au PLQ, les forces progressistes comme celles qui bossèrent pour Barack Obama en 2008. Des forces progressistes qui savent se servir des nouveaux moyens de communication, tels Internet, facebook et twitter, permettant de mobiliser efficacement la population autour de  thèmes qui lui tiennent à cœur. Des thèmes qui, au Québec, sont la langue, la laïcité, la question identitaire, l’indépendance.
Souvenez-vous comment, à la veille des élections de 2008, on a pu faire beaucoup de tort à un Parti conservateur promettant de couper les vivres à nos artistes. Parce qu’en plus de leur art, ceux-ci maîtrisent parfaitement les technologies nouvelles. Il n’a suffi pour eux que de quelques heures pour produire un clip hautement dommageable au clan Harper et qui, grâce à You Tube, a fait le tour de la planète.
Oui, comme il y a cinquante ans, la donne a changé. À nous d’en profiter.


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