La décentralisation n'a pas freiné l'élan d'émancipation écossais. Pourquoi ?
La "dévolution" n'a ni freiné ni stimulé l'aspiration à l'indépendance. Environ 30 % des Ecossais y sont favorables. C'est la même proportion qu'avant 1999. C'est une minorité substantielle à partir de laquelle le SNP, partisan de l'indépendance, a pu se développer.
L'élan en faveur de l'autonomie régionale date du tournant des années 1980-1990. Dans l'esprit du New Labour, la "dévolution" devait permettre de répondre aux voeux et aux besoins propres des Ecossais tout en leur permettant de rester unis au reste du royaume.
Que s'est-il passé depuis 1999 ?
La dévolution a offert au SNP un contexte politique où il a pu élargir sa base électorale. D'emblée, les Ecossais ont estimé que le SNP était mieux qualifié pour défendre leurs intérêts spécifiques que les travaillistes.
En outre, le mode de scrutin, en partie proportionnel, joue en faveur du SNP. Il obtient de bien meilleurs résultats dans les élections écossaises que lors des élections législatives britanniques, où il est pénalisé par le scrutin majoritaire à un tour.
Pourquoi le Labour est-il en si mauvaise posture ?
Tony Blair est très impopulaire, en Ecosse comme ailleurs. L'Irak, l'affaire du financement douteux du Labour, la volonté de poursuivre le programme nucléaire Trident, installé en Ecosse, ont détourné des travaillistes une partie de ses électeurs traditionnels. La mauvaise image de Blair, s'ajoutant aux doutes, plus anciens, sur la politique travailliste en Ecosse, a formé un cocktail dangereux pour le Labour.
Alex Salmond, le chef du SNP, a aussi changé de style et de discours.
Il a compris qu'il fallait se montrer moins agressif. Il se comporte moins en chef de l'opposition et plus en homme d'Etat. Le SNP a aussi changé de nature. Il a toujours mêlé des gens de centre droit et de centre gauche. Aujourd'hui le centre droit domine. Lorsque Alex Salmond mentionne l'Ecosse indépendante dont il rêve, il la compare autant à des petits pays à l'économie libérale, comme la République d'Irlande, qu'à une social-démocratie comme la Norvège.
Où en est le SNP sur la question centrale de l'indépendance ?
Il fait du rétropédalage. Le 3 mai, le SNP deviendra probablement le premier parti en Ecosse. Mais il sera loin d'obtenir la majorité au Parlement. Il lui faudra former une coalition, donc négocier avec le parti libéral démocrate. Or ce dernier est "unioniste", hostile à l'indépendance. Le SNP a donc exclu d'organiser rapidement un référendum d'autodétermination comme il l'avait promis naguère. Bien plus : ce référendum, s'il a lieu un jour, ne portera pas seulement sur l'indépendance. Il offrira à la population plusieurs options, par exemple, le statu quo, l'indépendance, ou le renforcement des pouvoirs du Parlement régional. Deux Ecossais sur trois souhaitent cette "dévolution" renforcée qui donnerait, notamment, à l'Ecosse une plus grande autonomie budgétaire et fiscale.
Propos recueillis par Jean-Pierre Langellier
John Curtice, professeur de sciences politiques à l'université Strathclyde de Glasgow
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