1968: pendant ce temps, au Québec...

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Mai 68 - mai 2008


(Photo Archives La Presse)

Il faisait déjà noir, en ce 24 juin 1968, quand le premier ministre Pierre Elliott Trudeau s'est approché de l'estrade dressée devant la Bibliothèque de Montréal, en face du parc La Fontaine.

Quelques centaines de manifestants entouraient Pierre Bourgault à l'orée du parc. «Trudeau, vendu!» «Les travailleurs au pouvoir!», criaient des voix dans la foule.
«L'atmosphère était électrisante», se souvient l'ancien journaliste de Radio-Canada Claude Jean Devirieux, qui observait la scène, grimpé dans une tour d'éclairage.
Soudain, tout dérape. La police arrête Pierre Bourgault, des bouteilles et des pavés pleuvent sur l'estrade où le premier ministre du Canada trône en compagnie du maire Jean Drapeau et de quelques autres dignitaires. Ceux-ci se précipitent à l'intérieur du bâtiment. Seul Pierre Elliott Trudeau demeure sur l'estrade. Dans la rue, c'est le chaos.
«Mal équipés, les policiers ont été d'une brutalité invraisemblable. J'en ai vu qui tiraient une jeune femme par les pieds dans la rue pleine de tessons de bouteilles», se souvient l'ancien journaliste.
C'est lui qui, lors de sa présentation au bulletin d'information de 23h, décrira l'événement comme «le lundi de la matraque».
La direction de Radio-Canada juge que le journaliste a dépassé les limites de l'objectivité et lui inflige une suspension. Solidaires, ses collègues refusent de couvrir la soirée électorale du lendemain.
Le jour du scrutin, des journaux anglophones titrent: «Trudeau défie les séparatistes». Et le premier ministre libéral est réélu haut la main.
Modernisation
Mais surtout, le «lundi de la matraque» est entré dans l'histoire comme l'un des événements les plus spectaculaires d'une année que l'historien Jacques Lacoursière décrit comme cruciale pour le Québec. «Après quelques années de bouillonnement, c'est en 1967-1968 que tout explose au Québec», souligne l'historien, qui vient de publier un nouveau volet de son histoire du Québec, consacré justement aux années 60.
Car 1968, c'est l'année où Michèle Lalonde écrit Speak White, celle où Henry Morgentaler ouvre sa première clinique d'avortement, l'année où le gouvernement du Québec crée l'Université du Québec, celle de l'Ostidcho et de la première des Belles-Soeurs.
Des bouleversements touchent toutes les sphères d'activité. Il y a les attentats du FLQ. Le Parti québécois tient son congrès de fondation. C'est en 1968 que Montréal obtient une franchise de baseball majeur. Et même le Canadien se met de la partie en remportant la Coupe Stanley!
«Ce qui se préparait depuis le début des années 60 arrive à maturité en 1968. Le Québec moderne éclate en plein jour», note Jacques Lacoursière.
Cette éclosion n'était pas étrangère aux événements ailleurs sur la planète, constate l'historien, qui avait passé le mois de mai à Paris. Au Québec et ailleurs, c'est toute une génération qui cherchait sa place au soleil, souligne M. Lacoursière, qui ne regrette qu'une chose: que les jeunes Québécois, aujourd'hui, connaissent si mal cette époque qui a forgé la leur.


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