1837-38 - La lutte du parti de la majorité n’a rien à voir avec les «distinctions nationales»

Même s’ils ont l’avantage de vendre de la copie, les débats interminables résultent souvent de questions mal posées.

Fête des Patriotes 2008

L'identité québécoise : un faux débat
Même s’ils ont l’avantage de vendre de la copie, les débats interminables
résultent souvent de questions mal posées. Les variations infinies sur le
thème de l’identité québécoise en sont un exemple probant. Les psychiatres
nous diraient peut-être qu’elles confinent au ressassement maniaque. De
quoi en avoir la nausée. Comme on peut le constater, les fédéralistes
québécois participent pleinement de ce phénomène de compulsion, non sans
délectation faut-il ajouter.
Un cas flagrant d’autocensure

Comme antidote, je propose un retour aux sources – le caput Nili de notre
névrose nationale. Il s’agit d’un extrait tiré d’un compte rendu du banquet
organisé par la Société Saint Jean-Baptiste. Il a été publié dans La
Minerve
du 29 juin… 1837. Le document en question serait connu depuis
longtemps si, dans son Histoire de la Société Saint-Jean-Baptiste, Rumilly
n’en avait pas effacé la trace. Cas flagrant d’autocensure que la
connaissance historique a le devoir de corriger.


Une « presse corrompue et corruptrice »
On comprend pourquoi. Non seulement l’orateur en question est un
Britannique, Samuel Revans qui, suite au toast porté en l’honneur des
réformistes anglais, y est allé d’une allocution dans laquelle il se montre
partisan de la « séparation immédiate », mais, en plus, il affirme que le
sens de la lutte du parti de la majorité, contrairement à ce que laisse
entendre une « presse corrompue et corruptrice », n’a rien à voir avec les
« distinctions nationales ».
Clientèle captive
Les Péquistes devraient en prendre bonne note. Tant qu’ils ne feront pas
élire dans des comtés francophones deux ou trois anglophones destinés à des
fauteuils ministériels, le défaut de représentation de nos concitoyens de
langue anglaise à l’Assemblée nationale ne sera jamais surmonté et le parti
libéral continuera à garder cette clientèle captive.
Les lecteurs de Vigile pourront évaluer aussi comment, depuis bientôt
deux siècles, [c’est au fond toujours la même rengaine qui nous casse les
oreilles.->http://archives.vigile.net/3e/irreformable/vadeboncpensee.html]
Allocution de Samuel Revans
L’allusion aux « résolutions monstres » se rapportent au refus du
gouvernement impérial à Londres d’accéder aux demandes contenues dans les
92 résolutions de 1834 ayant valu au parti de la majorité une victoire
électorale éclatante – y compris dans le bastion anglophone du Quartier
ouest à Montréal. Après le libellé du toast se trouve le compte rendu de La
Minerve
que je reproduis tel quel :

« 8. Roebuck, O’Connell, Hume, Leader, Molesworth, Brougham et ces
réformistes qui ont élevé leurs voix éloquentes en faveur des droits de la
colonie.
Dès que ce toast fut porté, le nom de Mr. Revans retentit de toute part
simultanément. Cédant aux vives sollicitations de l’auditoire, il prit la
parole, et dans un discours aussi éloquent qu’énergique, dénonça les
résolutions monstres, en fit sentir tout l’odieux et dit, d’après sir
William Molesworth et tous nos amis en Angleterre, que les Canadiens
étaient moralement tenus de s’opposer à la coërcition dont on les menace.
Il nous est impossible de donner un rapport fidèle de son discours, mais
nous allons en esquisser quelques parties saillantes du mieux qu’il nous
sera possible.
Après avoir parlé des efforts des radicaux anglais en notre faveur
l’orateur dit en se résumant : Ils ont fait pour vous tout ce qu’ils
pouvaient, c’est à vous de faire le reste. Ils s’attendent à vous voir
prendre la position qui convient à des hommes opprimés et qui veulent être
libres. Ils verront si vous faites votre devoir, si vous faites ce que vous
vous devez à vous-mêmes et à votre postérité. Mais avant-tout, calculez
bien l’espace que vous avez à franchir, considérez mûrement ce que vous
avez à faire, et si vous croyez que vous n’êtes pas de la pâte dont on fait
des esclaves, à la bonne heure, essuyez la poussière de vos fronts et
relevez la tête fièrement et dites à vos tyrans qu’ils gardent leurs
chaînes. Mais si, contrairement aux espérances de vos défenseurs et à vos
amis, vous étiez disposés à tendre un cou docile au joug qu’on vous
présente, si, plus complaisans encore, vous alliez baiser le pied qui vous
repousse, alors n’accusez plus la rigueur d’un sort que vous vous serez
préparé vous-mêmes ; dépouillez-vous de tous droits, de toutes prétentions
à la liberté et rivez vous-mêmes vos fers.
Mais heureusement que ceci n’est qu’une hypothèse : je connais trop les
réformistes de ce pays pour leur faire l’injure de croire un instant qu’ils
puissent méconnaître leur devoir. Si tout le monde avait comme moi entendu
le premier discours de lord John Russell dans la chambre des communes
lorsqu’il présenta ses atroces résolutions ; si l’on pouvait éprouver le
sentiment que j’éprouvai alors, on demanderait une séparation immédiate.
Je sais bien, continue M. Revans, que des individus égarés et fanatisés
par une mauvaise presse, une presse corrompue et corruptrice, font tout ce
qu’ils peuvent pour vous nuire. Ces gens se parent effrontément du nom de
constitutionnels, et comme ils se disent d’origine bretonne, ils font
croire à ceux qui ne connaissent pas mieux que la lutte a son principe dans
des distinctions nationales ; c’est là leur seule arme et, il faut le dire,
ils s’en servent courageusement et à tout propos. Les Canadiens ont si
souvent prouvé la fausseté de cette assertion, qu’il n’y a que des hommes
imbus des préjugés les plus enracinés qui puissent y croire. Mais leurs
efforts seront impuissants. Le parti officiel n’est et ne sera jamais
activé que par le même motif, l’intérêt personnel. Si vous montrez de la
fermeté, si vous adhérez strictement aux résolutions prises déjà par une
grande partie du pays, les partisans des abus seront forcés de réunir leurs
voix à la voix du peuple pour demander justice.
Vu l’heure avancée de la soirée, dit-il en terminant, je crois devoir
ici clore mes observations. »

François Deschamps
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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    22 mai 2008

    Les raisons que peut avoir un Russe de Lettonie ou un Britannique de l'Inde, de préférer l'indépendance de tous les peuples, sont pourtant évidentes et nombreuses.
    Il y a eu, durant toute l'histoire de l'impérialisme britannique, des Anglais pour trouver :
    - Qu'en tant qu'Anglais, il y avait plus de fierté à appartenir à un peuple juste qu'à un peuple qui laisse son gouvernement opprimer les autres en son nom.
    - Qu'il était dans l'intérêt du genre humain que les peuples commercent librement sur un pied d'égalité (suivant les croyances économiques des Libéraux de tout temps, que la liberté individuelle favorise l'accroissement de la richesse, etc.)
    Le peuple colonisateur souffre lui aussi de la situation coloniale, car elle implique nécessairement que son gouvernement est corrompu et qu'il ne favorise pas le bien commun de tous les sujets/citoyens de l'Empire. Chez tous les peuples, il y a des gens honnêtes qui ne peuvent supporter cela. Vouloir le bien des siens aux dépends des autres n'est pas exactement honorable. Il est vrai malheureusement que les hommes d'aujourd'hui ont pas mal oublié ce qu'était l'honneur...
    Concernant le cas québécois, il est intéressant de noter qu'une des premières associations de travailleurs de l'Angleterre, la London Working Men's Association de William Lovett, a donné son appui à notre mouvement patriotique d'émancipation coloniale en 1837.
    J'ai traduit l'adresse que Lovett nous a envoyé ici :
    L’Adresse de l’Association des travailleurs de Londres au peuple du Canada
    La réponse de Papineau est disponible ici :
    Réponse du Comité central et permanent du comté de Montréal à l'adresse de l'Association des travailleurs de Londres
    Penser que seul les Québécois francophones peuvent appuyer l'indépendance de notre pays, c'est tomber dans le piège de nos adversaires et les laisser gagner avec des arguments fallacieux exploitant les préjugés des uns envers les autres. Si notre combat est juste et universel, et il l'est, alors il peut être expliqué à n'importe qui, peu importe d'où il vient et quelle langue il parle.

  • Archives de Vigile Répondre

    22 mai 2008

    Sauf exceptions, comment demander à un anglophone issue de l'empire britannique, qui est dans son empire britannique même au Québec, d'y renoncer? Ç'aurait été comme demander à un Russe de Lettonie d'être pour l'indépendance.