L'auteur en parlant du cours Éthique et Culture religieuse : «Certains éléments sont intéressants, mais le tout projette l'image d'un fouillis où s'entremêlent les bonnes intentions et la confusion. L'ensemble est gentil, sirupeux, un peu gnagnan.» - Photothèque Le Soleil
Le nouveau cours Éthique et Culture religieuse n'a pas fini d'étonner. Qu'on se rappelle à titre d'exemple le cas de cet enseignant qui a demandé à ses élèves de dessiner un nouveau drapeau du Québec parce qu'il estimait que le fleurdelisé ne convenait plus puisqu'on y discerne l'effigie d'une croix. L'enseignant zélé croyait déceler là une atteinte à la laïcité.
Le cours réserve d'autres surprises. C'est ainsi qu'on trouve une perle bizarre dissimulée dans un cahier d'activités destiné aux élèves de premier cycle du secondaire et dont le titre est: Partons à l'aventure! La perle se nomme «Youpi ma religion à moi!». Comme aventure, c'est du vrai de vrai.
On invite les jeunes (12-13 ans) à créer leur propre religion «comme moyen pour vérifier leur capacité à saisir les multiples facettes des mouvements religieux». On précise: «À partir des multiples exemples vus en classe dans le chapitre 1, tu décides de fonder ton propre mouvement religieux pour répondre à ta quête de sens. Ce mouvement doit naître de ton imaginaire». Production attendue : une description détaillée d'une religion inventée respectant la structure exigée.
Regroupés dans des équipes de quatre les écoliers doivent donc faire appel à leur imaginaire pour réaliser le projet suivant :
- inventer un fondateur et un mythe fondateur;
- inventer un Dieu ou des dieux et en nommer les attributs;
- inventer un code moral;
- inventer un livre sacré;
- inventer quelques rituels;
- inventer quelques objets de culte.
On nous dit que ce cahier d'activités n'a pas été officiellement approuvé, donc qu'on ne doit pas prendre l'affaire trop au sérieux. Pourtant, il s'agit bien d'un outil de travail reconnu que l'on met à la disposition des enseignants et des jeunes.
Fouillis de bonnes intentions
On y trouve un tas de trucs sur le vivre-ensemble et le dialogue. Certains éléments sont intéressants, mais le tout projette l'image d'un fouillis où s'entremêlent les bonnes intentions et la confusion. On ne réussit pas à retracer le fil conducteur qui assure l'unité de l'oeuvre. L'ensemble est gentil, sirupeux, un peu gnagnan.
Quant à la perle bizarre, elle suscite une interrogation bien particulière puisqu'elle équivaut à un affront atteignant toutes les religions. Pourtant un des objectifs du cours est, nous dit-on, d'encourager une approche inclusive et tolérante envers les croyances. Or, pour en arriver à inventer une bizarrerie pareille il faut au moins implicitement avoir assumé les trois postulats suivants: 1) toutes les religions se valent; 2) mises ensemble, elles ne valent pas grand-chose; 3) aussi bien s'en moquer et en tirer un passe-temps.
Brouillard et confusion
Voyons la pratique et tâchons d'imaginer d'éventuelles conséquences. A quatre participants par équipe, il serait possible d'inventer cinq ou six religions par classe, chacune avec son ou ses dieux, son code moral, ses rituels. Des centaines de nouvelles religions pourraient ainsi émerger à l'échelle du Québec. Un vrai déferlement de religiosité. Même les adeptes du relativisme et du pluralisme normatif risqueraient d'être emportés par le courant. Les enseignants n'y pourraient rien, car il leur est interdit d'exprimer une opinion personnelle. Brouillard et confusion. Montée prévisible d'un sentiment de mépris envers tout ce qui est religieux. Est-ce là le but recherché ?
On peut heureusement prévoir que le déferlement n'aura pas lieu, car les jeunes sont capables de faire preuve de sens commun, plus que ceux qui ont inventé ce jeu. On peut aussi faire confiance au sens critique de parents qui sauront faire oeuvre d'intelligence et de discernement. Il demeure qu'un dérapage aussi grossier sème l'inquiétude. Des parents se demandent si la potion magique qu'on fait ingurgiter à leurs enfants au nom du vivre-ensemble ne serait pas toxique. Ce qui incite certains d'entre eux à invoquer le droit d'exemption pour les jeunes dont ils ont la charge. Ils appliquent le principe de précaution. C'est une saine prudence qui les incite à agir ainsi.
L'un des grands esprits qui ont concocté le nouveau cours a affirmé avec assurance qu'on ne trouve nulle part ailleurs dans le monde l'équivalent d'un tel produit pédagogique. En découvrant le jeu Youpi ma religion à moi!, je suis enclin à croire qu'il a raison. Car il est sûrement hors du commun d'inventer pareil passe-temps dans le domaine religieux. C'est «le bout du bout», comme m'a dit l'un de mes amis, pédagogue renommé qui fut longtemps enseignant et directeur d'école.
Louis O'Neill, Québec
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