WikiLeaks, et puis après?

WikiLeaks - la grande manipulation



J'ai toujours cru que si, par magie ou par un quelconque tour de passe-passe — le don d'invisibilité, ou encore des complicités extraordinairement bien placées —, je pouvais entendre tout ce qui se dit à la Maison-Blanche, à l'Élysée, au Bureau permanent du Parti communiste chinois, dans ces officines de haut rang où les supposés «grands» font la politique et la diplomatie de ce monde, je serais frappé par la banalité de 99,99 % de ce qui s'y dit.
Par la banalité des propos, mais aussi par l'ignorance qu'ils trahissent souvent. «Quoi? m'exclamerais-je sans doute. Ces gens de pouvoir et de "savoir privilégié", c'est donc ça qu'ils se disent derrière les portes closes du Bureau ovale?» Eh bien, madame! ils n'ont pas l'air d'en savoir tellement plus que vous et moi...
Les mémoires récemment publiés de George W. Bush frappent non par leurs révélations («J'étais sincèrement surpris qu'on ne trouve pas ces fameuses armes de destruction massive irakiennes», affirme-t-il sans rire, et la meilleure, c'est qu'il ne ment probablement pas...), mais plutôt par la candeur et le côté intuitif, extrêmement terre à terre, de son processus de décision. D'accord, le niveau de culture et de curiosité intellectuelle de ce président-là n'était pas celui de Kennedy, de Roosevelt ou de Mitterrand. Mais pourtant...
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C'est un peu dans cet état d'esprit que je me trouvais en commençant à lire les fameuses fuites de WikiLeaks, qui depuis une semaine bouleversent la communauté diplomatique mondiale et font les délices de la presse internationale.
Non, je n'irai pas vous dire: «Il n'y a rien là, on savait déjà tout ça»... C'est en partie vrai, mais ça n'épuise pas le sujet. Il y a là-dedans, pris à la pièce et sur certains dossiers — Corée du Nord, Iran, Afghanistan —, de quoi modifier notre évaluation de telle ou telle situation, et peut-être même de quoi infléchir le jeu futur des acteurs concernés.
L'hystérie des dictatures arabes sunnites autour de la question nucléaire iranienne est une petite révélation. On savait qu'elles n'aimaient pas les mollahs chiites. Mais de les voir demander carrément à Washington de bombarder les installations nucléaires de Téhéran, voilà qui est croustillant... et inquiétant.
Pourtant, on ne peut s'empêcher de penser que si jamais — mais rien dans les filières WikiLeaks ne le laisse entendre, ce qui est en soi significatif — les États-Unis décidaient d'attaquer militairement l'Iran, ou de laisser Israël le faire, les peuples de ces pays arabes n'applaudiraient pas, tout au contraire... Ce qui met les régimes concernés en porte-à-faux, car si on accédait à leur folle «demande», ils se retrouveraient aussitôt face à des populations hurlant leur désaccord dans la rue, et scandant «À bas les États-Unis!»... bien plus fort que «À bas l'Iran!»
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Parlant de duplicité, plusieurs ont été prompts à dénoncer celle des États-Unis eux-mêmes, qui serait aujourd'hui «démasquée» sur différents fronts... En Afghanistan à l'automne 2009, où — alors même que Washington décidait, en se pinçant le nez, de soutenir Hamid Karzaï pour un second mandat — l'ambassadeur à Kaboul décrivait par le menu la corruption endémique et les élections volées. Ou encore, au Yémen où une note diplomatique nous apprend que le président Saleh a dit en décembre 2009 à un haut gradé américain: «Continuez à bombarder [les rebelles], nous, on va continuer à dire que ce sont nos avions qui le font.» Pas mal, celle-là!
Pourtant, il n'y a pas, dans toutes ces notes, de contradiction absolument majeure, de scoop énorme qui nous apprendrait — sur l'Iran, l'Afghanistan, la Corée du Nord ou Taïwan — que les États-Unis de 2009 et 2010 font, ou prévoient bientôt faire, à tel ou tel endroit dans le monde, exactement le contraire de ce qu'ils nous disent.
On trouve plutôt, au fil de ces dépêches, de petites fourberies, condescendances, supériorités, omissions ou mini-révélations, qui sont bien typiques de ce qu'est la diplomatie. On discerne même une politique étrangère américaine qui, au total, se révèle probablement moins autoritaire, arrogante, dirigiste — et moins capable de commander aux événements — qu'elle ne le fut encore dans un passé récent.
On attend maintenant que WikiLeaks — ou ses émules — nous en sorte d'aussi belles... venant de France, de Russie, de Chine ou de Cuba!
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François Brousseau est chroniqueur d'information internationale à Radio-Canada. On peut l'entendre tous les jours à l'émission Désautels à la Première Chaîne radio et lire ses carnets dans www.radio-canada.ca/nouvelles/carnets.
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francobrousso@hotmail.com

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François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.





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