Wikifuites

17. Actualité archives 2007




L'ère des enveloppes brunes tire à sa fin. Les fonctionnaires n'auront bientôt plus besoin de les utiliser pour refiler des dossiers compromettants aux journalistes. Ils pourront les afficher directement sur Internet sans crainte d'être identifiés. C'est du moins ce que promet Wikileaks, un site qui pourrait entrer en activité dans un ou deux mois.
Inspirés par la célèbre encyclopédie en ligne Wikipedia, ses concepteurs veulent mettre un espace et des outils d'encryption faciles à utiliser à la disposition du monde entier. On est pris de vertige devant le potentiel, et les risques de dérapage, d'un tel projet.
Pour l'instant, rien ne garantit que le site entre un jour en service. Ses fondateurs, qui refusent de s'identifier, n'ont pas encore démontré sa faisabilité. Certains se demandent même s'il ne s'agirait pas d'une arnaque. Wikileaks, de toute évidence, devra faire ses preuves.
Un de ses plus grands défis sera d'authentifier l'information divulguée. Les concepteurs misent sur le même système d'autorégulation qui a favorisé l'essor de Wikipedia: la vigilance des internautes. Ça ne sera peut-être pas suffisant. Sur Wikipedia, il peut s'écouler un certain temps avant qu'une information biaisée soit rectifiée, mais les dommages demeurent assez limités. Un faux document gouvernemental risque d'avoir autrement plus d'effet. D'abord, le plus vigoureux des démentis ne réussit jamais à dissiper complètement une première impression. Et dans certains coins du globe, il n'en faut pas beaucoup pour déclencher une émeute. Le potentiel de manipulation est donc énorme.
L'autre difficulté sera de protéger l'anonymat des contributeurs. Selon certains experts, les technologies de cryptage proposées ne sont pas à toute épreuve. Or, si vous vivez sous une dictature, ce n'est pas seulement votre boulot qui est en un jeu, mais votre vie. Et comment être sûr que Wikileaks n'est pas une façade pour des services de renseignement qui cherchent à pincer des dénonciateurs? Les promoteurs du site affirment qu'ils détiennent déjà beaucoup de documents stratégiques. Cette mise de fond initiale les aidera peut-être à établir leur crédibilité.
Même si Wikileaks finit par voir le jour, la controverse ne s'éteindra pas de sitôt. Son existence soulèverait en effet une foule d'autres questions éthiques.
Le site a beau viser les régimes totalitaires à l'extérieur de l'Occident, il serait probablement inondé de contributions de pays industrialisés, car c'est là que la pénétration d'Internet est la plus élevée. Or, si on peut déplorer que de nombreux pays démocratiques, y compris le Canada, ne protègent pas efficacement les dénonciateurs au sein de l'appareil de l'État (whistleblowers), il n'est pas évident que la dissémination par Internet soit la voie à privilégier. Les possibilités d'abus et de manipulation sont, encore une fois, considérables.
Les grands médias, par contre, effectuent généralement des vérifications très minutieuses avant de diffuser une information compromettante. C'est encore, jusqu'à preuve du contraire, le meilleur moyen de dénoncer ce qui cloche dans une administration démocratique.
akrol@lapresse.ca


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé