Vous. Oui, vous qui utilisez Internet. Êtes-vous conscient de votre importance? Le Time Magazine, lui, vient de la reconnaître en vous décernant son titre très convoité de personnalité de l'année. Le Time, qui n'est pas exactement une publication d'avant-garde, ne fait que répéter ce que des millions de gens savent déjà: les utilisateurs du Web sont en train de redéfinir les règles du jeu dans tous les domaines.
Les industries du voyage et de la musique ont été les premières à écoper, mais toutes les autres devront se réinventer si elles ne veulent pas finir dans un musée. Éduqués, allumés, les citoyens du Web sont allergiques au format unique. Ils veulent du sur-mesure, maintenant. Et si ça n'existe pas, ils le bricolent eux-mêmes et l'offrent gratuitement au monde entier. Systèmes d'exploitation, encyclopédies, communautés virtuelles, univers parallèles, rien n'est trop gros ni trop complexe pour leur force collaborative. C'est l'Internet qui a permis de lancer des projets délirants comme Linux, Wikipedia, MySpace et Second Life, mais ce sont les internautes qui en ont fait les méga-succès que l'on connaît.


Les grands groupes ont beau essayer de s'adapter, ils commettent encore beaucoup d'erreurs. Même Sony, un pionnier de la techno, vient de se casser le nez avec son "flogue" néologisme dérivé de l'expression faux blogue. Indignés que le géant japonais ait tenté de les berner en créant un blogue pour mousser la vente de sa console PSP, les amateurs ont démoli la marque dans les sites consacrés aux jeux vidéo. Avis aux entreprises de la "vieille" économie: s'il y a une chose que le citoyen du Web déteste, c'est qu'on emprunte les avenues qu'il a défrichées pour le prendre en embuscade.
Si un événement se déroule à proximité d'un lieu habité, vous êtes assuré de l'apprendre sur Internet dans les minutes qui suivent. Les simples témoins, qui n'ont pas à se soucier de considérations comme l'exactitude des faits ou la qualité de l'image, sont souvent les premiers à relayer la nouvelle au reste de la planète. Et que dire de ces inconnus qui deviennent des vedettes en bloguant sur leur couple ou leurs expériences culinaires? Pas étonnant que les grands médias fassent de plus en plus de place au grand public sur leurs sites. Et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Au moment où vous lisez ces lignes, on débat sur le Web d'une foule d'enjeux ignorés dans les forums traditionnels. Plusieurs relèvent de l'utopie ou de la théorie du complot, mais certains, bien fondés, finiront par faire surface. Parlez-en à l'ex-représentant républicain Mark Foley, qui a dû démissionner après qu'un blogueur ait publié les courriels dans lesquels il courtisait des pages du Congrès...
Cependant, il faut bien reconnaître que l'influence d'Internet sur la sphère politique est encore très limitée. Les décisions continuent à se prendre en dehors de l'univers virtuel, avec l'argent bien réel de vos impôts. Si les citoyens numériques veulent que le monde ressemble un jour à l'idéal qu'ils s'affairent à créer sur le Web, ils devront réinvestir ce vieil espace démocratique qu'est l'isoloir et exercer leur droit de vote aussi souvent que possible.