Vu du Liban

Hezbollah

Les commentaires faits par [les trois députés d'opposition aux Communes en visite au Liban->1638] ont soulevé une petite tempête à Ottawa. La suggestion de deux d'entre eux, le député libéral Borys Wrzesnewskyj et la néo-démocrate Peggy Nash, de revoir la décision du Canada prise en 2002 de placer le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes a été reçue comme une hérésie. De leur côté, les députés concernés tentaient tant bien que mal de nuancer.
Des nuances de fait s'imposent. Ces députés n'ont pas donné leur appui au Hezbollah, ni entériné ses actions, précisons-le. Confrontés à la réalité du terrain d'action principal de ce mouvement que sont la banlieue de Beyrouth et le sud du Liban, ils ont vu la destruction laissée derrière les raids aérien d'Israël pendant 33 jours d'affrontement. Ils ont aussi constaté que le Hezbollah avait une légitimité populaire parmi les 40 % des Libanais de religion chiite. Leur regard a été transformé, d'où leurs commentaires apparemment positifs envers ce mouvement.
L'histoire même de la communauté chiite du Liban explique la montée du Hezbollah qui a eu pour terreau son sous-développement économique et politique persistant depuis les années 1920. Né dans la foulée de l'opération «Paix en Galilée» qui, en juin 1982, avait amené l'armée israélienne aux portes de Beyrouth, ce mouvement a fédéré les groupes de résistance à la présence d'Israël sur le territoire libanais. Il fait connaître en 1985 son programme politique intitulé «Appel aux déshérités». Le Hezbollah contribue par ses actions de résistance à l'évacuation des troupes israéliennes du sud du Liban en mai 2000. Cette «victoire» en a fait une force que l'on ne peut plus négliger désormais.
Le député Wrzesnewskyj a raison de rappeler que le Hezbollah ne peut être réduit à sa dimension terroriste. Ce serait une erreur que de ne pas tenter de dialoguer avec les politiques de ce mouvement, ne serait-ce qu'informellement. Des canaux existent d'ailleurs, puisque le Hezbollah compte des membres au sein du gouvernement libanais. Un tel dialogue ne peut toutefois autoriser à retirer ce mouvement de la liste des organisations terroristes sur laquelle le gouvernement canadien l'a placé en 2002. Pour cela, il faudrait qu'il renonce à mener des actes terroristes contre Israël et lui reconnaisse le droit d'exister, les deux allant de pair.
Ce serait naïveté que de croire une telle renonciation possible aujourd'hui. Du dernier affrontement avec Israël, le Hezbollah est ressorti militairement affaibli, mais moralement renforcé. Ses parrains iraniens et syriens n'abdiquent surtout pas leur volonté de briser cet ennemi sacré. On peut toutefois croire possible d'y arriver si l'on accepte d'être patient. D'autres y sont arrivés, comme l'IRA et la Grande-Bretagne qui ont fini par trouver une solution pacifique au conflit en Irlande du Nord le jour où ils ont convenu que la solution n'était pas de faire parler les armes. Si le Canada doit être ferme à l'endroit du Hezbollah, il ne doit pas cependant lui fermer la porte à double tour.

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bdescoteaux@ledevoir.ca


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