Vous dites, nous ?

"NOUS", Jean-François Lisée

Texte publié dans Le Soleil du 15 janvier 2008 sous le titre "Un stage dans un établissement anglophone?"
Dans son récent essai (Nous, Boréal, 2007), Jean-François Lisée traite de la question de l'identité nationale sous l'angle de l'aménagement linguistique.


Lorsqu'il aborde le sujet de la filière technique en relation avec le marché de l'emploi, Lisée recommande que les francophones effectuent un stage au sein d'une entreprise ou d'un établissement anglophone.
Au moment où il préconise cette idée, a-t-il toujours présente à l'esprit la disparité entre le nombre d'établissements francophones et anglophones au Québec?
J'imagine difficilement les "ruraux", comme les désignent souvent les Montréalais de souche, se déplaçant de la ville de Québec ou d'ailleurs pour aller travailler dans l'ouest de Montréal.
À moins que l'Ontario ne soit dans le coup, ou que l'auteur ne fasse la preuve qu'il y a autant d'entreprises anglophones que francophones au Québec, Lisée commet l'erreur de prendre ses désirs pour la réalité. Il fait une autre faute importante alors qu'il associe le nom de Pauline Marois à son projet de citoyenneté.
Le problème, c'est que la réflexion de l'essayiste repose en bonne partie sur le bilinguisme et que l'actuel chef du Parti québécois n'est pas bilingue. En fait, si le véritable objectif de l'auteur est de plonger madame Marois dans l'embarras, il peut dire: "mission accomplie."
Le coeur de la problématique soulevée par Lisée réside dans les moyens que l'État doit prendre dans le but de recréer un Nouveau Monde.
À mon avis, un tel projet ne peut s'accomplir qu'en abolissant les politiques, les signes et les symboles coloniaux tels le fleurdelisé, l'Union Jack, la Croix latine qui ne correspondent plus à notre réalité présente.
Autrement, nous pouvons laisser aller les choses et recréer Babel; lorsque tout ira de travers, nous ferons appel à Al-Qaïda Démolition, une entreprise de renommée mondiale!
Plus sérieusement, ce à quoi doit correspondre la renaissance du Nouveau Monde, c'est à la reconstruction d'États laïques sur des bases égalitaires tenant compte de l'intégration de la population immigrante.
S'agit-il de ce que pensent aussi nos dirigeants et notre élite, ou ces gens sont-ils plutôt doublement aveuglés, d'une part, par une allégeance traditionnelle à l'Ancien Monde et, d'autre part, par une perspective politique néocoloniale de type fonctionnaliste selon laquelle le Canada ne figure qu'à titre de prolongement de la domination des États-Unis d'Amérique?
Personnellement, je fais davantage confiance aux nouveaux arrivants qui sont plus naturellement et promptement enclins à appliquer les enseignements de Gandhi.
Si leurs élus provinciaux avaient du leadership, sans doute les Québécois n'hésiteraient-ils pas longtemps avant de brûler leur passeport canadien afin de se libérer du colonialisme.
Les Québécois de souche et leurs gouvernements successifs ont déjà amplement eu le temps de poser de tels gestes.
L'Histoire montre cependant qu'après quatre siècles d'asservissement, la nation québécoise traditionnelle préfère la tranquillité à la liberté. Heureux 400e anniversaire, Québec!
Luc Benoit

chargé de cours

UQTR
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