CHRONIQUE DE LA CROQUEUSE DE MOTS

Vous avez dit... "laïcité interculturelle" ?

Bien que je partage toujours les valeurs de QS, je quitte ce parti et ne veux plus en être membre pour les raisons suivantes.

Chronique de Thérèse-Isabelle Saulnier

J'attendais avec impatience le mémoire de Québec solidaire, dont le contenu tient en deux mots, "laïcité interculturelle", pour décider si je restais membre de ce parti ou si je revenais dans le bercail du Parti Québécois. Écrirais-je ce texte que j'avais déjà intitulé: "Adieu Françoise, re-bonjour Pauline"? - Peut-être, mais pas comme je l'avais d'abord conçu... Pas un texte, mais deux, car l'honnêteté intellectuelle exige d'examiner les deux mémoires avant de prendre une telle décision. Voici donc le premier.


ADIEU, FRANÇOISE!
Bien que je partage toujours les valeurs de QS, je quitte ce parti et ne veux plus en être membre pour les raisons suivantes.
1- Un parti qui porte bien mal son nom
Depuis près d'un an, Québec solidaire a fait preuve d'un manque flagrant de solidarité envers les Québécois et Québécoises d'origine canadienne française. Depuis le début de la saga des accommodements, en janvier dernier, ses porte-parole, Françoise David et Amir Khadir, ont sans cesse tenu un discours méprisant, pour ne pas dire offensant, sur nous, qui avons osé protester contre des accommodements jugés abusifs et ce, même par QS qui, de surcroit, les qualifie d'inquiétants, pour certains d'entre eux, mais qui n'a jamais eu l'audace d'en nommer un seul, un seul vrai.
Au lieu d'affronter ces accommodements problématiques, QS s'est littéralement caché la tête dans le sable (ce qu'il reproche, en plus, au Gouvernement!) en refusant de les voir, de les nommer et d'en parler. Au lieu de cela, les porte-parole de QS ont dénigré publiquement ces mêmes Québécoises et Québécois en les accusant d'ignorance xénophobe, de racisme et d'intolérance. Au mieux, nous souffririons d'une "faible connaissance" des pays d'origine des immigrants et ne serions pas suffisamment au courant des contributions des immigrés dans les arts, la culture, l'éducation, la politique, les sciences et les technologies, et même dans les sports!!! ... Donc, une campagne de sensibilisation serait nécessaire et même urgente, "parce que plusieurs préjugés résultent d’un manque d’information sur l’apport de l’immigration au Québec et à quel point elle est nécessaire pour le développement de notre société." - Cerise sur le sunday, Monsieur Amir Khadir est allé dire, au forum tenu à Côte-des-neiges, que nous faisions des immigrants les boucs émissaires de nos soi-disant problèmes d'identité nationale...
Cherchez, dans les communiqués de presse ou dans les interventions publiques de QS, une certaine ouverture, une certaine compréhension de nos inquiétudes justifiées, vous n'en trouverez pas. Le discours est toujours le même: une surenchère médiatique a créé de la "confusion" dans la population et soufflé sur les braises de l'intolérance toujours latente au fin fond de notre âme nationale... Au mieux, notre inquiétude s'expliquerait par "l’existence d’une réelle insécurité ressentie profondément par la population. Une insécurité vécue par un peuple minoritaire en Amérique du Nord", devenu "un peu désorienté" face au phénomène d'une immigration diversifiée grandissante...
S'il y eut une "dénationalisation tranquille" au Québec, eh bien, avec Québec solidaire, il faut parler de dénationalisation subite! Mort violente et instantanée! Désormais tabous, les pronoms "nous" et "eux" qui, pourtant, existent bel et bien. (Ils existent à tel point, même, qu'on parle maintenant d'une éthique de l'altérité!) Les mots NOUS et EUX sont des pronoms qui nomment des groupes bien réels, en conflit parfois, mais plus souvent qu'autrement en harmonie, mais que Madame David, dans ses interventions publiques, ne cesse de nier en parlant, plutôt, d'un immense NOUS COLLECTIF indistinct: un seul NOUS, et pas un seul EUX! En dehors de cette vision, tout n'est qu'un "dangereux manichéisme", un "dangereux racolage démagogique" (Lettre ouverte à Mario Dumont, 4 fév 07), et de la pure et simple "ignorance xénophobe"! (Accommodements raisonnables: nous sommes tous et toutes Québécois!, 10 fév 07). - Non merci pour moi, Françoise. J'en ai assez de me faire rabaisser de la sorte, et je quitte ce parti qui se montre aussi méprisant à mon égard et à l'égard de tout ce peuple dont je fais partie.
2 - Faire de la politique autrement?
Et que dire de l'attitude de QS à l'égard du projet Marois! La même que les journalistes et analystes ont eue: n'y voir que l'article concernant l'exigence d'une maîtrise appropriée de la langue française pour obtenir la citoyenneté québécoise, en faisant fi de tout le reste qui, pourtant, est assez proche des idées de QS en tant que parti souverainiste: le français langue de travail, des mesures favorisant l'immigration en régions, un projet de constitution... - A noter que c'est exactement la même attitude qui s'est abattue sur le code de vie d'Hérouxville, dont on n'a retenu que les mots "lapidation" et "excision", sans même se donner la peine de voir de plus près tout ce qu'il contenait d'autre. (J'ai envoyé mon analyse du code de vie d'Hérouxville à QS, mais on n'a pas daigné me répondre là-dessus...) - QS réclame "une politique vigoureuse qui fera réellement du français la langue de travail", tout comme le PQ, mais tout ce qu'il trouve à dire, c'est que ce dernier n'arrive pas à réaliser le projet souverainiste, entre autres à cause de soi-disant "déclarations malheureuses sur une nation québécoise non inclusive"... - Quelle malhonnêteté! Quelle déformation bassement politicienne!
De plus, belle solidarité féminine, on en conviendra, Mme David a accusé Mme Marois d'être une opportuniste en sortant son projet au beau milieu des travaux de la Commission B-T... Au lieu de faire de la petite politicaillerie, n'était-ce pas plutôt le temps de serrer les coudes et de défendre la cause de la souveraineté? N'était-ce pas l'occasion de montrer enfin de l'ouverture et d'au moins accepter de regarder de près ce qu'il en était pour identifier les points de convergence?- Nenni! - Et on r'passera, comme chez le Chinois, pour une "façon de faire de la politique autrement"!
Et cela, c'est sans compter la bonne vieille tactique traditionnelle du dénigrement de la personne, qui a été utilisée envers Mario Dumont, le chef de l'ADQ, qualifié d'opportuniste, de démagogue, de diviseur et d'irresponsable. Au lieu de profiter de l'occasion pour enfin entamer sérieusement le débat, on a encore fait une simple attaque contre la personne, balayant ainsi du revers de la main, comme on le fait d'une mouche importune, ce débat si attendu par une grande majorité de la population.
-- Non merci pour moi, Françoise. J'en ai assez de ces basses tactiques accusatrices et dénigrantes, et je quitte ce parti qui se montre aussi méprisant à l'égard de ses adversaires que peuvent l'être tous les "vieux" partis.
3- Trouver la vraie cause d'un problème à résoudre
Dans son mémoire, QS affirme qu'il faut "comprendre le contexte dans lequel se situe le débat pour y intervenir correctement et trouver des solutions aux questions posées." - Voilà qui est tout à fait juste. Or, qu'est-ce que les penseurs et penseuses de QS identifient comme causes des accommodements problématiques et "inquiétants"? -- Rien de moins que "le contexte économique, culturel, social et politique dans lequel évoluent le Québec et le monde"! Surtout pas le repli identitaire de certains membres de certaines communautés culturelles! Motus et bouche cousue là-dessus, comme sur l'identification des accommodements "inquiétants" qui remettent en question nos valeurs communes et le principe, non négociable, de l'égalité entre les hommes et les femmes.
Même en reconnaissant, et deux fois plutôt qu'une, qu'une part de l'inquiétude concerne "la montée des fondamentalismes dans beaucoup de pays, y compris au Québec", tout ce que QS arrive à dire, c'est que "au nom de la lutte contre une minorité fanatique se réclamant d’une des grandes religions de l’humanité, on caricature toute une civilisation, on tombe dans la xénophobie la plus irrationnelle" -- Et encore haro sur nous, les fautifs eux-mêmes caricaturés! Allons donc! Nous le savons très bien que c'est une minorité de gens qui demandent des accommodements douteux et inquiétants pour motif religieux! Mais ils existent et c'est d'eux dont il faut parler! -- Non merci pour moi, Françoise. J'en ai assez de cette politique de l'autruche, qui refuse de nommer les choses par leur nom, et je quitte ce parti qui se montre aussi méprisant à notre égard. Nous accuser de xénophobie irrationnelle, ÇA VA FAIRE!
4- Pour régler la question des accommodements, vous avez dit ... "laïcité interculturelle" ?
QS propose l'adoption d'une "politique de la laïcité interculturelle". De quoi s'agit-il, et qu'est-ce que cela signifie, concrètement, pour résoudre la question qui nous occupe?
La laïcité signifiant la neutralité de l'Etat vs toutes les religions (c'est-à-dire, dit QS, n'en favorisant aucune), l'espace public doit rester "ouvert et inclusif". Tout individu peut donc y afficher ses croyances et convictions religieuses. Les seules contraintes à une demande d'accommodement pour motif religieux sont: 1) les contraintes excessives et 2) "le fait qu'elle ne brime pas les droits fondamentaux d'une autre personne", particulièrement si cette personne est une femme. Ce type de laïcité permet donc le port de symboles religieux dans toutes les institutions publiques, tant par le personnel que par les bénéficiaires de services. Pour les membres du personnel, trois conditions seraient exigées: 1) le respect des normes de la santé et de la sécurité (allusion au casque protecteur obligatoire, dans la construction), 2) l'interdiction de tout prosélytisme et 3) un devoir de neutralité et de réserve durant l'exercice de ses fonctions (sans doute une allusion à un médecin qui serait contre l'avortement, par exemple.) Donc, la religion fait aussi partie de l'espace public, elle peut s'y exprimer, s'y afficher et s'y pratiquer partout et en tout temps.
Désolée, Françoise, mais je ne partage pas du tout cette vision d'une laïcité dite interculturelle qui, en fait, est une "laïcité interreligieuse", une contradiction dans les termes, un concept qui n'a pas de sens. Dans une société laïque, la religion relève de la sphère privée: elle se pratique dans les églises, les mosquées, les temples, les synagogues, à la maison ou dans le coeur de chaque personne. Quant aux croyances religieuses, elles n'ont pas à s'afficher par le port de symboles. Elles se vivent dans le quotidien, à travers nos actes, notre comportement, notre attitude à l'égard d'autrui.
QS va jusqu'à proposer "des lieux de prière, de recueillement ou de méditation" que la société devrait offrir un peu partout, pour "assurer un accès égal à tous et toutes à la religion et la spiritualité". -- Encore désolée, Françoise, mais cet accès est déjà assuré par l'existence de lieux de culte, qui sont là pour rester et être fréquentés aux heures appropriées pour les rites religieux, lesquels se pratiquent là et non dans l'espace public.
On peut avoir plusieurs allégeances, comme par exemple, être membre de Québec solidaire et du Mouvement laïque québécois, ce qui est mon cas. Or, quand il y a contradiction, il faut trancher, et je le fais en faveur du MLQ, dont les positions correspondent au Québec que je désire. Quant à savoir, maintenant, si je passe de QS au PQ, -- c'est ce que vous saurez la semaine prochaine!


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    1 février 2008

    Chère Thérèse-Isabelle,
    je suis moi aussi déçu par les orientations de QS sur les accomodements et la laïcité.Une réflexion et un débat élargi doivent avoir lieu au sein de QS d'ici à ce que sorte le rapport de la Commission B-T. Je vais y voir à Victo. Pour l' instant, quitter QS me semble un geste excessif et prématuré.Je vais personnellement m'opposer au concept de "laïcité interculturelle" comme tu le démasques si bien en lui donnant sa véritable signification de "laïcité inter-religieuse", contradictoire dans les termes.Dommage que tu ne sois plus là pour le faire mieux que moi.

  • Jacques Deschenes Répondre

    12 janvier 2008

    Bon commentaire Mme Saulnier.
    J'ai eu la mème réaction que vous quand j'ai lu le mémoire de QS. Un goût de tiédeur m'a envahi de la tête aux pieds. Comme si nous ne pouvons pas être inclusif sans mettre nos limites et nos priorités en tant que peuple et société unique. Je connais peu de personnes qui ne sont pas d'accord avec le fait que des gens pratiquent une religion autre que celle que nous avons connu dans le passé. D'un autre coté nous avons fait le choix collectif de ne pas mettre la religion en tête de liste de nos priorités, voilà tout.
    La culpabilité est un sentiment facile à faire revivre aux Québecois et Québécoises vu notre code minoritaire dont nous venons à peine de prendre conscience et d'en sortir péniblement.
    Ouverture: oui Religion en priorité : c'est non.Ce n'est pas difficile à comprendre pourtant
    Faudrait une grande réunion internationale pour réunir les chefs de principales religions et voir comment ils veulent s'y prendre pour amener la paix. Je ne suis pas sur que tous seront aussi conciliants que l'on nous demande de l'être.

  • Raymond Poulin Répondre

    11 janvier 2008

    Votre chronique montre clairement les limites de ce que nous pouvons attendre de QS et comment ces limites circonscrivent le Québec à l'orbite multiculturaliste canadienne. Elle éclaire la rectitude politique d'un parti qui s'en tient à un moralisme abstrait, naïf et bigot, aveugle au contexte et à la situation. Malgré cet idéalisme ou à cause de lui, QS utilise contre ses adversaires la même démagogie et le même sophisme ad hominem que les pires d'entre eux. QS voit le peuple comme des ouailles pécheresses qui ne suivent pas le bon chemin tracé par sa cléricature inspirée. Bref, QS cumule les défauts consubstantiels aux esprits sectaires.