Voiture électrique - Toujours un mythe

Braderie technique : Auto électrique - Brevets - moteur-roue



Depuis quelques jours, gouvernement et opposition au Québec jouent à qui soutiendra le plus la voiture électrique, solution miracle à la montée des prix de l'essence. Le gouvernement de Jean Charest devrait annoncer la mise en place de programmes pilotes qui permettront à des voiturettes et à des camions électriques roulant à basse vitesse (50 km/h ou moins) de prendre la route dans certaines municipalités au Québec. De son côté l'Action démocratique du Québec délibère, tandis que le Parti québécois vient de proposer un programme ambitieux de développement de l'industrie de la voiture électrique au Québec.
Personne ne peut être contre la vertu, mais la voiture électrique sauvera-t-elle vraiment le Québec? Puisque souvent la course politique et médiatique réduit le débat à une série d'affirmations dont les fondements sont pour le moins fragiles, il peut être utile de remettre les pendules à l'heure.
Technologie à parfaire
En dépit des nombreuses rumeurs qui circulent sur la conspiration de l'industrie automobile, la principale raison pour laquelle les voitures électriques sont absentes de nos routes est que la technologie n'est pas au rendez-vous. Si on fait le tour des véhicules électriques proposés par la grande et la petite entreprises, on découvre que la plupart de ceux-ci ont une autonomie de 100 km ou moins tout en roulant à des vitesses souvent inférieures à 50 km/h.
Puisque les accumulateurs utilisés sont généralement des batteries au plomb, la recharge est lente et exige de 8 à 12 heures. Quant aux économies à faire, l'essence doit dépasser le 1,50 à 1,80 $ le litre avant que le passage à l'électrique ne soit rentable, sans compter que ces voitures sont inutilisables pour les transports interurbains. En résumé, bien que la technologie des batteries ait progressé considérablement ces dernières années, grâce surtout aux téléphones cellulaires et aux ordinateurs portatifs, le coût des piles à forte densité énergétique est encore bien trop élevé pour l'industrie automobile.
Les véhicules électriques peuvent certainement satisfaire aux besoins d'une petite partie de la population, mais ils sont loin d'être en mesure de remplacer au pied levé une partie importante du parc automobile: si une majorité des déplacements se font sur des distances de moins de 25 km (50 km aller-retour), la faible autonomie des batteries exige que l'on ne parte jamais le matin avec une charge partielle si on ne veut pas se retrouver en panne sèche au retour. Les voitures électriques actuelles restent donc avant tout l'apanage des citadins se déplaçant localement, des passionnés et de l'industrie -- qui peut compter sur des employés affectés à la prise en charge de ce matériel.
Hybride
Aujourd'hui, l'automobile hybride représente la meilleure avenue vers la voiture tout électrique pour le consommateur moyen. Même de ce côté, toutefois, il reste encore beaucoup de progrès à faire. Ainsi, la nouvelle Prius de Toyota, qui offre probablement la technologie hybride la plus efficace sur le marché, a une autonomie de 2 km en mode purement électrique!
Il faudra donc encore augmenter la taille des batteries sur ces voitures et favoriser la mise en place de technologies dites sérielles où le moteur à essence ne sert que de génératrice permettant de recharger les accumulateurs au vol lors des déplacements sur de longues distances. Si l'on en croit GM, les premiers modèles hydrides intégrant ces développements devraient être disponible dans quatre ans. Il faut donc compter au moins une décennie avant que ces hybrides performants ne représentent une fraction importante du parc automobile. Que coûtera alors le litre d'essence, 5 ou 6 $?
Oui, la voiture électrique fait rêver, surtout dans un Québec qui s'est modernisé grâce à l'hydroélectricité. Ce n'est pas une raison pour perdre de vue la dure réalité technologique: nous ne savons pas construire à un prix raisonnable une voiture électrique qui puisse remplacer l'automobile actuelle. Dans un monde où le pétrole se fera de plus en plus rare, le Québec ne peut pas se payer le luxe d'attendre que cette technologie soit disponible.
Adopter un plan
Afin de réduire notre dépendance au pétrole, il nous faut dès à présent adopter un plan à long terme à multiples facettes qui tienne compte de l'omniprésence du pétrole dans notre société. Ce plan ne peut se contenter de solutions simplistes, il doit intégrer l'économie d'énergie, l'abandon du mazout pour le chauffage, le transport en commun, les voitures à faible consommation -- hybrides et électriques -- et l'aménagement urbain, forçant une révision profonde de nos habitudes de consommateur.
Prétendre que l'on peut régler le problème de la pénurie grandissante de pétrole en remplaçant simplement notre automobile à essence par une voiture électrique relève de la pensée magique. Le défi est beaucoup plus grand: il exige une vision complexe et ambitieuse qui sache utiliser la crise énergétique pour propulser le Québec dans le monde de l'après-pétrole.
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Normand Mousseau, Professeur au département de physique de l'Université de Montréal et auteur d'Au bout du pétrole, tout ce que vous devez savoir sur la crise énergétique (Éditions Multimondes)

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Normand Mousseau est professeur de physique à l’Université de Montréal et chercheur de renommée internationale. Il nourrit une grande passion pour la vulgarisation scientifique. Il est l’auteur du livre "Au bout du pétrole, tout ce que vous devez savoir sur la crise énergétique" publié en 2008 et de plusieurs articles dans la revue "Québec Science". Il a rédigé le blogue de physique sur le site "Science, on blogue !" de l’Agence Science-Presse de septembre 2005 à mars 2008.





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