Libérons-nous du pétrole!

Le Québec possède tous les atouts pour devenir un leader nord-américain dans la course vers l'économie sans pétrole.

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Braderie technique : Auto électrique - Brevets - moteur-roue

«J’imagine très bien le Québec ajouter la fabrication d’automobiles électriques à celle des trains et des avions, où nous sommes déjà des leaders mondiaux. Rien ne nous empêche d’imaginer le Québec, dans 10 ou dans 20 ans, comme l’un des endroits les plus prospères en Amérique du Nord.» (Archives La Presse)

(Texte publié dans Le Devoir du vendredi 13 juin 2008 sous le titre "Pour l'indépendance politique et pétrolière")
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Au cours des 50 dernières années, il m'est arrivé à deux occasions d'assister et de participer à une vaste mobilisation de la société québécoise ayant permis à notre nation de redonner un souffle nouveau à son économie: la nationalisation de l'électricité et les grands travaux hydroélectriques dans les années 60 et 70, puis le virage technologique, amorcé dans les années 80 et complété dans les années 90.

Il est temps, pour le Québec, d'y aller d'une troisième grande mobilisation pour redonner du souffle à notre économie pour une génération ou deux. Cette fois, il s'agit de libérer le Québec de sa dépendance au pétrole. En plus de permettre l'enrichissement collectif de la nation québécoise, cette vaste corvée nationale nous permettra également de contribuer puissamment à la lutte contre le réchauffement climatique.
Au moment où j'écris ces lignes, le baril de pétrole se vendait à 139$ sur les marchés. À ce prix, le pétrole devient ruineux pour l'économie québécoise, creusant un déficit commercial abyssal. Certains analystes, dont Jeff Rubin de la CIBC, nous annoncent un prix de 200$ le baril d'ici 2010. À ce prix, ce sont plus de 50 milliards de dollars qui sortiront du Québec. Il s'agit là d'une perte sèche pour l'économie québécoise, une véritable saignée! Il nous faut y mettre fin et réagir sans tarder.
Le Québec n'est d'ailleurs pas seul à souffrir d'une telle flambée des prix, comme en font foi les désordres sociaux en Europe et l'inquiétude grandissante aux États-Unis. Le pétrole étant une ressource épuisable, tous les pays du monde devront un jour ou l'autre s'en passer. Il est donc impératif de commencer le plus tôt possible à réduire notre dépendance.
Avantage unique
Or, le Québec a un avantage que les autres n'ont pas: nous sommes l'endroit dans le monde, avec la Norvège, dont le pétrole est la composante la moins importante du bilan énergétique. Autrement dit, le Québec est déjà la société la moins dépendante du pétrole dans le monde occidental. Sans même tenir compte des ressources potentielles de gaz naturel, le Québec dispose d'énormes ressources énergétiques propres, comme l'hydraulique et l'éolien. Ces ressources nous permettent d'envisager une économie sans pétrole.
Le Québec possède tous les atouts pour devenir un leader nord-américain dans la course vers l'économie sans pétrole. Que ce soit en matière de ressources énergétiques, de technologies électriques ou des matériaux, notre nation a tous les ingrédients pour contribuer à transformer le monde et pour s'enrichir. J'imagine très bien le Québec ajouter la fabrication d'automobiles électriques à celle des trains et des avions, où nous sommes déjà des leaders mondiaux. Rien ne nous empêche d'imaginer le Québec, dans 10 ou dans 20 ans, comme l'un des endroits les plus prospères en Amérique du Nord.
Devant cette ambition légitime et réaliste se dresse par ailleurs un obstacle majeur: les intérêts divergents du Canada. En effet, si le pétrole appauvrit le Québec, il a beaucoup enrichi le Canada ces dernières années. Le Canada est en quelque sorte devenu un pays pétrolier, comme en fait foi la valeur du dollar canadien qui est largement déterminée par le prix du brut. Cela fait en sorte que les politiques du gouvernement fédéral - et a fortiori d'un gouvernement Harper inféodé à l'industrie des sables bitumineux - sont élaborées en fonction des intérêts pétroliers.
Alors que les intérêts stratégiques du Québec l'amènent à se diriger vers une économie sans pétrole, les intérêts stratégiques du Canada l'amènent sur le chemin opposé. Si on ajoute à ce constat les ravages que fera inévitablement le déséquilibre fiscal sur la capacité financière de notre État national, nous devons conclure que jamais les intérêts économiques de chacune des deux nations n'ont été aussi divergents.
La course contre la montre est lancée. Soit le Québec amorce rapidement cette grande mobilisation pour nous défaire du pétrole et il se donne une occasion formidable d'enrichissement collectif. Soit il se laisse guider par l'inertie qui le fait demeurer dans le giron pétrolier du Canada.
La souveraineté, qui est la réponse inéluctable à nos aspirations et à notre volonté de participer au concert des nations, est également le chemin le plus sûr d'un Québec à la fois prospère et exemplaire en matière de lutte contre les changements climatiques. Plus que jamais, l'heure est à l'indépendance politique et pétrolière!
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Bernard Landry
L'auteur est un ancien premier ministre du Québec. Demain, Bernard Landry participera au «Forum public sur les perspectives économiques et financières du Québec» organisé par l'Institut de recherche sur le Québec.
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L'heure est à l'indépendance politique... et pétrolière!
La Tribune, vendredi 13 juin 2008

NDLR: Cette lettre de l'ex-premier ministre Bernard Landry précède l'intervention qu'il fera demain au "Forum public sur les perspectives économiques et financières du Québec " organisé par l'Institut de recherche sur le Québec.
Au cours des 50 dernières années, il m'est arrivé à deux occasions d'assister et de participer à une vaste mobilisation de la société québécoise ayant permis à notre nation de redonner un souffle nouveau à son économie: la nationalisation de l'électricité et les grands travaux hydroélectriques, puis le virage technologique, amorcé dans les années 1980 et complété dans les années 1990.
Il est temps, pour le Québec, d'y aller d'une troisième grande mobilisation pour redonner du souffle à notre économie pour une génération ou deux. Cette fois, il s'agit de libérer le Québec de sa dépendance au pétrole. En plus de permettre l'enrichissement collectif, cette vaste corvée nationale nous permettra de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique.
Au moment où j'écris ces lignes, le baril de pétrole se vend à 139 $ sur les marchés. À ce prix, le pétrole devient ruineux pour l'économie québécoise. Certains analystes nous annoncent un prix de 200 $ le baril d'ici 2010. À ce prix, ce sont plus de 50 milliards de dollars qui sortiront du Québec. Il s'agit là d'une perte sèche pour l'économie québécoise, une véritable saignée!
Le Québec n'est pas seul à souffrir d'une telle flambée des prix. Le pétrole étant une ressource épuisable, tous les pays du monde devront un jour ou l'autre s'en passer.
Le Québec a un avantage que les autres n'ont pas: nous sommes l'endroit dans le monde, avec la Norvège, dont le pétrole est la composante la moins importante du bilan énergétique. Le Québec est déjà la société la moins dépendante du pétrole dans le monde occidental. Sans même tenir compte des ressources potentielles de gaz naturel, le Québec dispose d'énormes ressources énergétiques propres, comme l'hydraulique et l'éolien. Ces ressources nous permettent d'envisager une économie sans pétrole.
Le Québec possède tous les atouts pour devenir un leader nord-américain dans la course vers l'économie sans pétrole. J'imagine très bien le Québec ajouter la fabrication d'automobiles électriques à celles des trains et des avions, où nous sommes déjà des leaders mondiaux.
Devant cette ambition légitime et réaliste se dresse par ailleurs un obstacle majeur: les intérêts divergents du Canada. Si le pétrole appauvrit le Québec, il a beaucoup enrichi le Canada ces dernières années. Le Canada est en quelque sorte devenu un pays pétrolier, comme en fait foi la valeur du dollar canadien qui est largement déterminée par le prix du brut. Cela fait en sorte que les politiques du gouvernement fédéral et a fortiori d'un gouvernement Harper inféodé à l'industrie des sables bitumineux sont élaborées en fonction des intérêts pétroliers.
Alors que les intérêts stratégiques du Québec l'amènent à se diriger vers une économie sans pétrole, les intérêts stratégiques du Canada l'amènent sur le chemin opposé. Si on ajoute à ce constat les ravages que fera inévitablement le déséquilibre fiscal sur la capacité financière de notre État national, nous devons conclure que jamais les intérêts économiques de chacune des deux nations n'ont été aussi divergents.
La course contre la montre est lancée. Soit le Québec amorce rapidement cette grande mobilisation pour nous défaire du pétrole et il se donne une occasion formidable d'enrichissement collectif. Soit il se laisse guider par l'inertie qui le fait demeurer dans le giron pétrolier du Canada (...)
Bernard Landry


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