LIBRE OPINION

Voir «Rouges» 150 ans après le Dominion de 1867

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L'idéalisme républicain n'est peut-être pas la meilleure réponse au fédéralisme canadien

Cent cinquante ans après la mise en place du « Dominion » de 1867, les bilans en forme de célébrations se multiplient. On oublie néanmoins trop souvent le fait que, dès le départ, l’idée d’une union canadienne suscitait une vive opposition au Bas-Canada de l’époque, comme du reste dans le Haut-Canada et les Maritimes. Devant les belles promesses, devant l’aplomb sinon l’arrogance des promoteurs du Dominion qui étaient très près des intérêts de la finance et du rail, le parti des « Rouges » s’est illustré par son combat politique contre une « Confédération bâclée », pour reprendre les mots de Louis-Joseph Papineau, prononcés au soir de sa vie.


 Or, au cours des derniers mois, des professeurs de plusieurs disciplines et universités se sont rassemblés en collectif pour jeter un regard critique sur les fondements et le fonctionnement du régime constitutionnel canadien depuis 1867. Sans reprendre dans les mêmes termes les objections et les récriminations des « Rouges » à l’encontre du projet d’union fédérale concocté aux conférences intercoloniales de Québec et de Charlottetown en 1864-1865, ce collectif aimerait faire entendre, à nouveau, une voix d’opposition parmi le concert d’éloges et de hourras que ce cent cinquantième anniversaire du « Dominion » s’est jusqu’ici attiré. Si beaucoup des anciennes critiques des « Rouges » ont conservé toute leur pertinence et leur fraîcheur aujourd’hui, il en est d’autres, inimaginables à leur époque, qu’il revient aux universitaires de notre génération de formuler et de porter à l’attention du public.


 Les « rouges » d’hier à aujourd’hui


 Considérés justement comme les héritiers des Patriotes de la révolution avortée de 1837-1838, les « Rouges » d’hier s’étaient récriés, au parlement du Canada-Uni et dans des assemblées publiques, contre un projet contraire aux intérêts nationaux du Canada français et aux droits démocratiques les plus fondamentaux. Ils ne manquèrent pas non plus de souligner les accointances des promoteurs de l’union avec les sudistes américains. Dirigés alors par Antoine-Aimé Dorion, les « Rouges » regroupaient l’essentiel de ce que le Bas-Canada comptait de républicains, de libéraux progressistes et de démocrates radicaux. Les protestations des « Rouges » ont retenti dans une société sous l’emprise de l’Église, dans un contexte colonial où moins de 15 % de la population jouissait du droit de vote et où les peuples premiers étaient relégués en tant que « Sauvages » dans d’étroites réserves.


 Même si, après la fondation du Dominion canadien, le parti des « Rouges » s’est défait, nous croyons néanmoins que leur esprit leur a survécu.


 Beaucoup des critiques que les « Rouges » ont formulées à l’encontre du projet canadien de 1867 ont continué de vivre, sous de nouvelles tournures, portées par d’autres figures publiques. C’est avec cet esprit que notre collectif cherche à souligner les visages multiples d’une « confédération » à bien des égards bâclée. Pour ce faire, il faut d’abord approfondir la question du colonialisme comme esprit fondateur et persistant de l’ordre constitutionnel à l’égard aussi bien des peuples autochtones que du Québec, toujours aussi résolument marginalisé dans l’ordre constitutionnel canadien. On pourra se demander si, marqué par l’expérience impériale britannique, le Canada ne présente pas lui-même plusieurs des traits d’un empire libéral, façonné par de puissantes mythologies collectives depuis sa fondation. En outre, le texte de la Constitution de 1867 étant à la fois incomplet et dépassé, les conséquences débilitantes de l’art canadien de la désuétude méritent une attention particulière de même que celles du gouffre croissant entre le modèle de 1867 et les impératifs de la société contemporaine, notamment pour la question de la justice environnementale.


 L’union de 1867 a aussi laissé un héritage d’injustice à l’encontre des francophones vivant à l’extérieur du Québec et de résistance linguistique fluctuante au Québec. Et songeons au fait troublant que la grande majorité des textes qui composent la constitution canadienne n’ont toujours pas de version officielle française. Comment alors se projeter dans l’avenir ? C’est pourquoi nous osons cette question : « faut-il en finir avec la Constitution de 1867 » ?


 Le groupe organisera un colloque à l’UQAM les 26 et 27 octobre. voirrouges.wordpress.com



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