UQTR: la grenouille qui se prenait pour un boeuf

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La constante érosion de la volonté de lutter

Hier, le Nouvelliste nous apprenait que le conseil d’administration de l’Université de Trois-Rivières avait donné son aval à la tenue d’un cours offert strictement en anglais. Créant du fait même une « tempête » linguistique à l’Université.
Je ne suis pas contre les programmes anglophones dans les universités… anglophones. Au Québec, ceux qui veulent étudier en anglais on l’embarras du choix. Énormément de choix pour une nation francophone d’ailleurs. Trois-Rivières n’en fait pas partie. Soyons honnêtes: l’étudiant international sera beaucoup plus tenté par une formation en gestion à McGill ou à Concordia, plutôt qu’à Trois-Rivières.
L’UQTR devrait miser sur ses programmes uniques au Québec tels que son baccalauréat intensif en sciences comptables, son baccalauréat en biophysique, en pratique sage-femme, en loisir, culture et tourisme et même ses programmes uniques au Canada, tel que communication sociale. Elle est aussi la première université nord-américaine, et dans le monde francophone, à offrir un doctorat en chiropratique et doctorat en médecine podiatrique pour attirer une clientèle internationale… francophone. Hélas, pour l’instant, elle se plait à jouer la grenouille qui voulait devenir un boeuf et se bombe le torse comme si elle était Harvard, Yale, Columbia ou McGill. La spécificité de l’UQTR, c’est d’offrir des programmes uniques au Canada, et même en Amérique du Nord, en français. C’est là-dessus qu’elle devrait miser.
Le cas de l’UQTR est fort intéressant pour traiter de l’attitude des institutions en ce qui concerne la norme linguistique. On le sait, les rapports sont complexes entre langue et politique, et la situation de l’Université de Trois-Rivières le démontre bien. La faculté fait donc un choix linguistique politique et administratif en accordant un cours in english only. Ce faisant, l’Université démontre qu’elle accepte une forme de bilinguisme au coeur de sa faculté en acceptant que l’anglais et le français soient utilisés en son territoire sur un même pied d’égalité. Or, la communauté de l’Université de Trois-Rivières est francophone, et la faculté accepte donc une « permutation » du code linguistique, démontrant qu’on y accepte une variation du choix de langue individuel en dépit du statut linguistique de la communauté universitaire
La réalité linguistique du Québec étant ce qu’elle est, la clientèle anglophone ou allophone ou même francophone a le droit de poursuivre ses études supérieures en anglais et d’avoir ses propres institutions, que ce soit pour les établissements d’éducation, la justice ou la santé. Par contre, il ne faut pas oublier que le français incarne la norme québécoise, étant la langue officielle de la nation, et que les institutions qui la représente se devraient, il va sans dire, remplir leurs rôles dans la langue officielle. Et ce, sans offrir un volet anglophone puisque des institutions anglophones existent déjà et tous peuvent en bénéficier.
Déjà, en 1901, William Dwight Whitney écrivait que: « La parole ne constitue pas un bien personnel, mais un bien social, elle appartient non à l’individu, mais au membre de la société. » Comme le Département des sciences de la gestion est une société au sein d’une institution, les membres qui la composent devraient pouvoir user d’un code linguistique commun, soit la langue française. Ses cours se devraient d’être en français, tout en offrant une gamme de cours d’anglais permettant à ceux qui le désirent de maîtriser la langue au niveau requis. Comme Saussure l’affirme dans son Cours de linguistique générale: « La langue représente un fait social, une connaissance impartie à pratiquement tous les membres de la communauté linguistique. » Dommage que le C.A de l’Université de Trois-Rivières, le département de sciences de la gestion et son directeur, Saïd Zouiten, ne le comprenne pas.
l’Université de Trois-Rivières, institution francophone, devrait être à même d’être un modèle de creuset linguistique, celui d’un concept d’identité linguistique commune. Nous n’avons qu’à penser par exemple à HEC Montréal qui avait défrayé les manchettes en annonçant de nouveaux programmes anglophones, en 2012. Ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que le français, utilisé par l’État, le réseau d’écoles et l’ensemble du réseau d’établissements supérieurs francophones contribue au développement du français comme langue commune et normative. Il est donc d’une importance capitale que nos institutions soient des modèles linguistiques afin de faire en sorte que l’importance du français ne soit pas diminuée, et ce, même si la mondialisation fait en sorte que les nécessités linguistiques évoluent.
Fernand Dumont écrivait dans Genèse de la société québécoise que « S’il est vrai que la langue française est devenue la seule référence collective (…) l’éducation devra devenir au premier rang des préoccupations (…) ce sera une heureuse façon de de renouer avec les plus hautes aspirations d’autrefois. » C’est le déploiement des institutions propres aux francophones qui ont fait du français la langue commune des Québécois depuis les années soixante. Ces avancées linguistiques font en sorte que la langue française est le symbole de l’identité québécoise. Nos institutions se doivent donc d’être garantes du statut du français, particulièrement nos établissements d’études supérieures. Ah oui, et la grenouille, à la fin de la fable, elle meurt…


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