Une souveraineté bien réelle !

Actualité québécoise - vers une « insurrection électorale »?



Dans une opinion publiée dans Le Devoir de mercredi, M. Mario Polèse soutient que la souveraineté du Québec serait imaginaire, inutile et même nocive au fait français en Amérique. Voici pourquoi je pense exactement le contraire.
D'abord, mettons-nous d'accord sur un fait : la souveraineté souhaitée par le Québec n'est pas celle qui prévalait au 19e siècle, mais une souveraineté moderne qui rapproche les nations plutôt que de les séparer. C'est la souveraineté de la France et du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne et celle du Brésil et de l'Argentine au sein du Mercosur. Cette souveraineté n'est pas absolue, mais elle est bien réelle. A-t-on, d'ailleurs, jamais entendu quelqu'un qualifier d'imaginaire la souveraineté de la France ou de l'Angleterre ?
La souveraineté, prétend-il, serait inutile puisque que le Québec a réussi à se développer à l'intérieur de la fédération canadienne pour devenir l'un des peuples les plus prospères et créateurs de la planète. La réponse est pourtant simple : au cours des cinquante dernières années, le Québec est allé au bout de ce qu'il est possible d'accomplir dans le cadre constitutionnel actuel. Ayant atteint cette limite, il a tenté, à de multiples reprises, d'élargir ce cadre en revendiquant une révision constitutionnelle. Toujours sans succès. Aujourd'hui la réalité est claire pour tous ceux qui refusent de se cacher la tête dans le sable: le fédéralisme canadien est coulé dans le béton et, s'il veut aller plus loin, le Québec n'a d’autre choix que d'en sortir.
Or le Québec a besoin d'aller plus loin, car le grand élan d'émancipation dans lequel il est engagé depuis la Révolution tranquille reste inachevé. Des pouvoirs et instruments de développement essentiels lui font encore défaut qui empêchent la nation québécoise d'atteindre son plein potentiel.
Le plus évident - et M. Polèse le concède d'emblée - est celui de la personnalité internationale : s'il était souverain, dit-il, « le Québec aurait son siège à l'ONU ». Mais ce dont il s'agit, en réalité, c’est beaucoup plus que d'avoir un siège à New-York. C’est d'assurer la présence du Québec aux multiples forums internationaux où se discutent de plus en plus de questions qui concernent directement notre avenir et nos intérêts. C'est également d'exercer notre capacité d'avoir des relations bilatérales ou multilatérales avec les autres pays. C'est enfin d'assumer notre part dans l'atteinte des Objectifs de développement du millénaire et dans l'aide aux pays moins nantis. C'est, en somme, de jouer pleinement notre rôle de membre à part entière de la communauté des nations.
Mais il y a également plusieurs autres pouvoirs importants qui, dans la fédération actuelle, échappent au Québec et qui sont essentiels au développement de sa personnalité propre. Je ne donnerai que quelques exemples. Comment se sentir maitre chez soi quand son Parlement ne peut pas légiférer sur des questions comme l'euthanasie, l'avortement, le crime organisé, le commerce des drogues, la délinquance juvénile et autres matières du droit criminel qui touchent intimement les valeurs de la nation ? Ou quand des questions aussi essentielles à la culture que la radio et la télévision sont du ressort exclusif d'institutions qui nous échappent ? Ou quand nous sommes menacés de perdre une compétence aussi importante pour notre développement économique que celle du contrôle des valeurs mobilières ?
Mais parlons de la langue française. Malgré la Loi 101, le Québec reste une province bilingue et ne pourra devenir un pays français que lorsqu'il sera souverain. L'immigrant qui arrive chez nous a toujours le loisir de s'adresser en anglais aux institutions fédérales de qui dépend son droit de séjour et qui lui attribueront la citoyenneté, qui sera non pas québécoise mais canadienne. Il est libre de déménager dans une autre province sans rien perdre de son statut d'immigrant reçu. Comment pourrait-il sentir toute la force de la pression sociale qui, dans les autres pays, incite l'immigrant à s'intégrer à la majorité ? Et que dire du refus d'Ottawa, conservateurs et libéraux réunis, d'astreindre le gouvernement fédéral et les institutions et entreprises qui en dépendent aux prescriptions de la Charte de la langue française ?
Enfin soutenir que le fédéralisme a contribué au développement des communautés francophones des autres provinces, c'est méconnaitre complètement notre histoire puisque c’est exactement le contraire qui s'est produit. L'avenir du français en Amérique dépend essentiellement de l'avenir du français au Québec et c'est en assurant sa vigueur et sa pérennité ici au moyen de la souveraineté que nous pourrons le mieux aider à son rayonnement autour de nous.
Malheureusement, le Québec reste, pour le moment, une entreprise inachevée. Plaider le chemin parcouru pour l'arrêter dans son cheminement, c'est ne rien comprendre à la dynamique québécoise. Au contraire, c'est le succès déjà obtenu qui nous justifie d'aller plus loin. C'est précisément parce que nous sommes devenus aussi capables que les autres de mener nos propres affaires que nous voulons conquérir les pouvoirs qui nous manquent pour compléter l’oeuvre entreprise par nos ancêtres il y a quatre cents ans.
Ce texte sera publié dans Le Devoir du 9 juillet 2009.


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