Une politique dépassée

Pour un CQRT


L'annonce des plans des acquéreurs pressentis de TQS met en relief le caractère dépassé de la politique du CRTC en matière d'évaluation publique des propositions de transfert de propriété. Tout se passe comme si les métamorphoses décidées à l'égard de TQS par Remstar avaient un caractère inéluctable. Pourtant, en raison du caractère public des ressources utilisées en radiodiffusion, la réglementation prévoit que tout transfert de propriété n'a effet que sur approbation du CRTC.

Mais en ces matières, le CRTC laisse les entreprises choisir leur acheteur et il se livre ensuite à un exercice au cours duquel tout se passe comme si la seule solution était celle retenue par le vendeur. Par exemple, aux audiences annoncées, le CRTC n'entendra que les propositions de Remstar. Les autres - ceux qui auraient voulu acheter l'entreprise mais qui n'ont pas été retenus par les propriétaires-vendeurs - ne peuvent être entendus qu'à titre d'intervenants.
Contrairement à la situation où une nouvelle licence de radiodiffusion est attribuée, une demande d'approbation de transfert du contrôle d'une entreprise se fait lors d'une audience non concurrentielle. L'entreprise qui désire vendre se présente avec l'acquéreur de son choix devant le Conseil; ce dernier ne peut qu'accepter ou refuser le transfert à cet acheteur choisi par le vendeur. Selon la politique actuelle du Conseil, aucune autre personne ne peut présenter de demandes concurrentes en vue d'obtenir la licence.
Évidemment, le fardeau de démontrer que la transaction proposée répond aux exigences du Conseil repose sur les épaules de la requérante. Elle doit établir que sa proposition est la meilleure dans les circonstances, compte tenu des préoccupations du Conseil à l'égard de la transaction en cause. Mais puisque le Conseil ne se reconnaît que le pouvoir d'approuver ou de refuser le transfert, le processus public d'examen ne permet qu'à la marge d'évaluer de façon comparative les propositions de tous ceux qui auraient souhaité faire l'acquisition de l'entreprise.
Le procédé suivi par le CRTC permet à un propriétaire de choisir la proposition qui l'arrange le plus. La question de savoir si c'est cette proposition ou une autre qui aurait été plus conforme aux exigences de la politique canadienne de radiodiffusion énoncée dans la loi est discutée lors d'une audience où une seule proposition est vraiment sur la table. Comme mécanisme visant à décider du sort d'une ressource publique, c'est très limité!
Inconfortable position
Plutôt que de laisser les propriétaires choisir un acquéreur pour ensuite se placer dans l'inconfortable position d'entériner ou non la transaction sans pouvoir examiner les autres options, le CRTC devrait jouer proactivement le rôle que la loi lui confie. Rien ne l'empêche de modifier ses façons de faire à l'égard des transferts de propriété des entreprises d'une certaine importance. Le CRTC pourrait exiger que tous les proposants-acquéreurs sérieux se présentent à une audience publique.
Au cours d'une telle audience, les proposants auraient la possibilité de faire la démonstration que leur approche est la plus à même de contribuer à la réalisation des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion. Les autres groupes concernés pourraient, comme c'est actuellement le cas, intervenir afin de faire valoir leurs vues. À la lumière de l'ensemble des possibilités, le CRTC pourrait rendre une décision plus éclairée et accorder une licence conditionnelle à ce que la transaction entre le vendeur et l'acquéreur autorisé par le CRTC soit conclue.
Les questions qui sont aujourd'hui posées au sujet de l'avenir de TQS auraient plus de chances de trouver une réponse innovatrice si l'ensemble des options crédibles étaient sur la table de l'instance qui peut effectivement en décider. Le droit d'utiliser une ressource publique a des enjeux qui le distingue des autres «décisions d'affaires». Un tel droit ne devrait pas être cédé au moyen d'un processus laissant toute la place aux intérêts privés pour ensuite placer devant le fait accompli ceux qui sont chargés de s'assurer que les biens publics ne sont pas bazardés.
(Archives La Presse)

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Pierre Trudel
L'auteur est professeur au Centre de recherche en droit public à la faculté de droit de l'Université de Montréal.

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Titulaire de la chaire L. R. Wilson sur le droit des technologies de l'information et du commerce électronique, faculté de droit, Université de Montréal

Professeur de droit de l'information au Centre de recherche en droit public de la faculté de droit de l'Université de Montréal





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