Une manchette qui cache (mal) de grandes vérités

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Le coup bas de la semaine de Radio-Canada

Cette semaine, nous avons eu droit à une triste leçon de journalisme typiquement radio-canadien. Michel Lacombe a interviewé Jacques Parizeau. L'entrevue avec l'ex-premier ministre du Québec, un fait rarissime car M. Parizeau n'accorde pas souvent d'entrevue, a été faite en février dernier mais elle n'a été diffusée qu'au début du mois d'avril, soit près de deux mois plus tard. On ne sait pas trop pourquoi avoir tant tardé à le faire mais la société d'État a sûrement ses raisons. D'une durée de près de cinquante-quatre minutes, elle a été diffusée dans le cadre de l'émission Le 21e, à la radio de Radio-Canada, alors que les sondages donnaient le Parti québécois en avance s'il était dirigé par Pierre Karl Péladeau. Ça craint, doivent-ils dire.
Aussitôt après la diffusion de l'entrevue, Radio-Canada a fait «spinner» un court extrait à chaque bulletin de nouvelles, pendant plus de vingt-quatre heures, celui que la direction du service des nouvelles jugeait très certainement le plus de nature à nuire au Parti québécois. Qu'avait-on retenu de l'entrevue de près d'une heure? Que le Parti québécois avait perdu son âme et qu'il était devenu un vaste champ de ruines. Cette nouvelle a été reprise par la suite dans de nombreux autres médias. Y compris sur Facebook où plusieurs, qui n'avaient de toute évidence pas écouté l'entrevue mais se fiaient à ce que Radio-Canada diffusait toutes les heures et même dans ses émissions régulières, n'ont pas caché leur déception d'entendre cet ex-premier ministre s'en prendre en de tels termes à cette formation politique à laquelle il est identifié.
Or, l'entrevue dure environ cinquante-quatre minutes, je le répète, et Jacques Parizeau parle de nombreux autres sujets beaucoup plus intéressants que cette boutade lancée à la toute fin de l'entrevue. D'ailleurs, c'est le journaliste Lacombe qui lui rappelle qu'il avait déjà dit, à propos du PQ, à la fin de l'été 2014, qu'il n'était plus qu'un vaste champ de ruines. Et Parizeau en profite pour réitérer que toutes les discussions autour de la date du prochain référendum et du moment propice sont stériles et ont terriblement nui au parti souverainiste.
Or, pendant cette entrevue, M. Parizeau nous donne un merveilleux cours d'histoire 101 sur les quarante ou cinquante dernières années au Québec. Le plus beau moment, selon moi: D'où vient l'esprit de la Révolution tranquille? demande Jacques Parizeau à son intervieweur. C'est venu, répond-il, des chansonniers puis des poètes, «ce sont eux qui dès le début des années soixante ont complètement transformé la société québécoise». C'est lumineux.
Puis il affirme sa confiance dans la génération des trente-quarante ans, qui n'ont pas une mentalité de perdants et qui sont ambitieux. Ce sont eux qui doivent et peuvent faire bouger les choses, comme cela s'est produit précédemment, en rappelant qu'en 1976, la jeunesse dominait le premier gouvernement péquiste de René Lévesque. Et que la meilleure façon d'y parvenir, c'est de faire de la politique. Un véritable coup de pied au cynisme ambiant.
Michel Lacombe lui demande aussi s'il a été le premier ministre qu'il a voulu être. Parizeau lui répond: Non, puisqu'il n'a pas gagné son pari de faire du Québec un pays. Mais Lacombe insiste: Oui, mais en dehors de la question de la souveraineté... Comme si on pouvait faire abstraction de son engagement en faveur de la souveraineté dans sa carrière en politique. Et Parizeau lui répond du tac au tac: «Pas en dehors de la souveraineté» car c'est la raison pour laquelle il est entré en politique. Et il le répète une autre fois au cas où Michel Lacombe n'aurait pas bien compris le message.
Vous ne trouvez pas que cette courte mais grande phrase nous est devenue familière depuis quelques mois? C'est ce que répète Pierre Karl Péladeau sur toutes les tribunes: «Je me suis engagé en politique pour faire du Québec un pays». Et PKP risque fort de devenir le prochain chef du Parti québécois, puis le prochain premier ministre du Québec, comme les sondages ne cessent de le démontrer. Mais cela ne plaît certainement pas aux grands patrons de la société d'État. C'est, de toute évidence, la raison pour laquelle ils ont décidé de faire «spinner» ce petit extrait - celui où le Parti québécois aurait perdu son âme - de la grande entrevue, somme toute stimulante, que Jacques Parizeau accordait à l'un de ses journalistes. Ce doit être pour cette raison également qu'ils ont tant tardé à diffuser l'entrevue.


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