En réaction à un [récent éditorial de Bernard Descôteaux->13878], voici les commentaires que la Coalition Eau Secours! souhaite faire par rapport à la lecture du projet de loi sur l'eau.
La Coalition Eau Secours! est bien d'accord sur le principe d'une loi sur la protection de l'eau, mais dans le projet de loi 92, il n'y a rien pour définir le concept abstrait et politique de «patrimoine collectif», qui n'a aucun contenu juridique. Les énoncés de principe n'ont aucun effet déclaratoire:
- le statut «juridique» de l'eau ne peut, dans le cadre constitutionnel canadien actuel, faire l'objet d'une loi provinciale puisque la compétence se limite aux cas de «prospection» des ressources naturelles «non renouvelables» (art. 92A AANB);
- la notion de «patrimoine» est incompatible avec celle de «chose commune;
- de plus, on nage en plein virtuel; que signifie au juste «patrimoine commun» (sans définition) de la «nation québécoise» (motion vide de sens juridique);
- la loi ne pourrait viser que le domaine public, sur lequel l'État a déjà pleine juridiction; pour le reste, la loi pourrait consacrer le principe de la propriété privée de l'eau «dans les conditions définies par la loi, dont le Code civil» (art. 1).
Ce qui déçoit surtout la Coalition, c'est que le projet de loi ne vise pas la protection des ressources, mais les conditions nouvelles de leur exploitation selon les orientations ponctuelles futures du gouvernement.
Par exemple, le projet pose quelques principes imprécis et incompréhensibles sur le statut collectif des eaux «dans leur état naturel», sur la réparation des dommages «causés à l'eau» et sur la nécessité d'obtenir un prix à son exploitation, mais l'essentiel de la loi proposée vise à conférer au seul ministre le pouvoir exclusif de réglementer, au gré des politiques de l'heure, les modalités économiques de l'exploitation. Ce qui constitue une délégation de pouvoir totale et discrétionnaire à la ministre.
D'autre part, en donnant au ministre un droit exclusif d'action civile plutôt qu'en permettant des poursuites par les citoyens, la loi privilégie l'arbitraire de la décision ministérielle partisane dans tous les cas. Par exemple, des citoyens ne pourraient pas s'opposer à l'installation d'une usine de prélèvement avec cette loi.
Malgré l'exposé tendancieux des «notes explicatives», le projet ne prévoit pas l'intervention obligatoire en cas de risque, mais plutôt la discrétion ministérielle de ne pas agir, selon les intérêts en cause.
Cette loi qui vise à déléguer au ministre la totalité des futures politiques sur la gestion de l'eau n'établit pas des normes d'intervention de l'État. L'aspect le plus évident de ce projet, c'est qu'il n'y a pas encore de loi dans le projet de loi. Tout demeure à la discrétion de la ministre de l'Environnement ou de son successeur, qui pourra appliquer la loi selon l'inspiration des situations ponctuelles à venir.
Ainsi, on n'y trouve aucun indice qui permettrait de soutenir l'imposition d'une redevance sur les prélèvements d'eau, malgré les déclarations officielles de la ministre. Le projet de loi n'énonce que des intentions vagues qui manquent de précisions et qui laissent la place à des interprétations de toutes sortes.
De plus, la loi ouvre la porte à l'exportation d'eau en vrac pour des motifs jugés d'intérêt public par le gouvernement (est-ce à dire que cela pourrait aller jusqu'à la vente de notre eau aux États-Unis pour garnir un tant soit peu les coffres de l'État?) et donne une bénédiction pour dix ans à tous les prélèvements actuels.
Alors, M. Descôteaux, avant d'accorder à ce projet de loi toutes les vertus, il faudrait le lire dans le détail pour vous apercevoir de la contradiction entre la présentation de la ministre et le contenu du projet, car ce qui a été dit et ce qui est écrit ne concordent pas.
Ce qui fait dire à la Coalition Eau Secours! que ce projet de loi censé protéger notre eau ne nous fait pas avancer mais nous fait plutôt perdre du terrain. Il semble s'agir d'une opération essentiellement de relations publiques, qui, si la loi est adoptée, permettrait simplement d'élargir les conditions d'exploitation de la ressource.
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Martine Ouellet, Vice-présidente de la Coalition Eau Secours!
Une fumisterie
EAU - Commerce de l'eau
Martine Ouellet29 articles
Députée de Vachon à l'Assemblée nationale du Québec depuis 2010. Elle est la cheffe du Bloc québécois depuis 2017. Elle est ingénieure mécanicienne. Elle a été Ministre des Ressources naturelles dans le gouvernement de Pauline Marois de 2012 et 2014.
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Députée de Vachon à l'Assemblée nationale du Québec depuis 2010. Elle est la cheffe du Bloc québécois depuis 2017. Elle est ingénieure mécanicienne. Elle a été Ministre des Ressources naturelles dans le gouvernement de Pauline Marois de 2012 et 2014.
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