Québec s’est privé de près de 200 millions $ en subventions fédérales pour le transport en commun après avoir oublié de compter les milliers de personnes qui prennent l’autobus en périphérie de Montréal.
En 2018, au moment de distribuer 28,7 milliards $ de subventions pour le transport en commun, le gouvernement Trudeau a demandé à toutes les provinces de lui fournir les données d’achalandage de ce mode de transport sur leur territoire.
C’est ainsi qu’a été calculée la part de chaque province.
Dans l’entente ratifiée en juin 2018 par les ex-ministres Jean-Marc Fournier et Carlos Leitão – qui étaient alors respectivement responsable des Relations canadiennes et président du Conseil du Trésor –, Québec a dénombré 577 millions de déplacements annuels en transport en commun.
Mais ces chiffres ne sont pas bons, a découvert notre Bureau d’enquête.
Le ministère des Transports du Québec (MTQ) n’a pas pris en compte les 23 millions de passages annuels dans les autobus des banlieues autres que Laval et Longueuil, comme Terrebonne, Vaudreuil, Chambly et Saint-Jean-sur-Richelieu.
La société de transport exo, qui assure ces services, reconnaît que cet « oubli » prive les Québécois d’une somme importante.
Pas consulté
« Ils n’ont pris que les données d’achalandage du train et ont exclu les autobus, qui représentent plus de 50 % de notre achalandage. Ça nous fait perdre un montant de subvention qu’on évalue à 200 M$ sur 10 ans », explique la conseillère en communications à exo, Catherine Maurice.
Le transporteur dit ne pas avoir été consulté par Québec pour fournir des données d’achalandage.
« On ne sait pas où Québec a pris ses données. Dès qu’on a pris connaissance de l’entente, on a tout de suite fait part de notre étonnement au gouvernement », explique Catherine Maurice.
Aucune explication quant à l’origine de l’oubli n’a été fournie à exo, rapporte-t-elle.
Vérifications faites, le MTQ a bêtement transmis à Ottawa les chiffres d’achalandage pour l’année 2015 d’exo (qui s’appelait auparavant l’Agence métropolitaine de transport).
Les données de... 2015
Or, en 2015, les autobus n’étaient pas encore intégrés aux statistiques d’exo. Ils étaient alors exploités par plusieurs petites sociétés qu’on appelait conseils intermunicipaux de transport (CIT).
Le MTQ, via sa porte-parole Sarah Bensadoun, se défend d’avoir fait une erreur et prétend avoir fourni des « données exactes »... soit celles de 2015.
Mme Bensadoun n’a pas pu expliquer pourquoi les données des CIT n’ont pas été prises en compte.
Joint à l’étranger, l’ex-ministre Fournier n’a pas souhaité répondre à nos questions, disant ne plus se souvenir des chiffres.
Cet oubli n’est pas banal. L’ensemble des défuntes CIT assurent autant de déplacements en un an que la Société de transport de Laval.
L’Ontario, de son côté, a comptabilisé les chiffres pour tous ses organismes de transport, même ceux qui comptent moins de 2000 déplacements par année.
Combler le manque
Exo espère que cet oubli ne nuira pas à son développement.
« Pour nous, ce qui est important est d’avoir les moyens de réaliser les projets, peu importe le moyen qui est trouvé pour combler ce manque à gagner », souligne Catherine Maurice.
« Il y a toujours des échanges en cours avec le gouvernement [pour trouver une solution] », ajoute-t-elle.
– Avec la collaboration de Jean-François Gibeault
200 M$ d’écart
Ce que Québec a obtenu 5,182 G$ pour 577 millions de passages (chiffres erronés fournis par Québec)
Ce que Québec aurait pu obtenir 5,388 G$ pour 600 millions de passages (vrais chiffres)
*L’estimation du manque à gagner de 200 m$ est calculée par exo en se basant sur le montant par trajet octroyé au gouvernement du Québec par Ottawa, qui est d’environ 9 $.