Une entente bâclée

L'entente Canada - États-Unis sur le commerce du bois d'oeuvre

L'entente Canada-États-Unis sur le commerce du bois d'oeuvre prend l'eau. Le 1er juillet dernier, après cinq années de conflit, le gouvernement Harper a accepté des modifications de dernière minute jugées inacceptables par l'industrie. Il y a des limites à faire semblant de gagner une bataille quand on est sur le point de perdre la guerre. Il y a aussi des limites à céder sur toute la ligne pour faire bonne figure devant l'ami Bush.
En avril dernier, le premier ministre Stephen Harper annonçait fièrement que le Canada était parvenu à une entente de principe dans le dossier du bois d'oeuvre. Par cette entente d'une durée de sept ans, le Canada acceptait que ses exportations de bois d'oeuvre ne dépassent pas 34 % du marché américain, l'excédent étant soumis à une taxe canadienne. En contrepartie, les États-Unis s'engageaient à mettre fin à la perception de droits compensatoires sur le bois canadien et à rembourser quatre des cinq milliards de dollars perçus depuis 2001 en contravention des règles internationales.
Loin de répondre entièrement aux attentes de l'industrie canadienne, cette entente de principe a été reçue de façon plutôt favorable parce qu'elle mettait fin, pour sept ans, à une bataille qui a acculé des dizaines d'entreprises à la faillite et coûté des milliers d'emplois. Libre-échangistes quand ça leur convient et protectionnistes le reste du temps, les Américains ont fait la preuve qu'en commerce comme à la guerre, c'est la force et non le droit qui prime quand leurs intérêts sont en cause.
Devant l'incapacité du Canada de faire entendre raison à son voisin, l'entente de principe d'avril dernier serait donc entrée en vigueur d'ici quelques mois n'eût été du résultat des négociations subséquentes, qui portaient sur les modalités d'application de l'entente. Or, le 1er juillet dernier, on a appris qu'Ottawa avait fait des concessions de dernière minute qui donnent une toute autre allure au texte. Entre autres, le gouvernement Harper a accepté que l'une ou l'autre des parties puisse mettre fin à l'entente de sept ans... après seulement 24 mois !
«C'est hypothétique», a-t-on commenté au bureau du ministre du Commerce international, David Emerson. Hypothétique ? Au contraire, c'est très probable, croit avec raison l'industrie canadienne. À quoi bon avoir laissé un milliard de dollars sur la table pour acheter sept années de paix si l'entente ne dure que deux ans ? Et s'il faut recommencer dans deux ans, pourquoi abandonner toutes les procédures juridiques que le Canada est assuré de remporter un jour ou l'autre, ce qu'exige l'entente ?
Autres détails croustillants : le gouvernement Harper a accepté que les fameux quotas à l'exportation soient calculés sur une base mensuelle, moins avantageuse pour une industrie soumise aux conditions climatiques et de transport, et qu'ils touchent aussi l'industrie de deuxième transformation (portes et fenêtres de bois, par exemple), jusqu'ici exemptée.
À cause de ces concessions de dernière heure, l'entente d'avril, qui était assimilable à un compromis du désespoir, se transforme en preuve de l'à-plat-ventrisme le plus méprisable.
Pourquoi cela ? On se rappellera qu'en décembre 2003, du temps des libéraux, les négociateurs canadiens en étaient aussi venus à une entente de principe dans le même dossier. On avait alors dit que Paul Martin tenait à ce qu'on règle le problème avant son entrée en fonction dans le but d'établir de meilleures relations que son prédécesseur avec le président George W. Bush. Mais devant le désaccord de l'industrie, l'entente était tombée à l'eau.
Aujourd'hui, c'est au tour de Stephen Harper de rencontrer le président Bush, et M. Harper aussi aurait bien aimé passer à autre chose. Fallait-il pour autant servir l'industrie canadienne du bois en hors-d'oeuvre au président américain ?


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