Une commission d'enquête sans enquêteurs !

Rabaska

La commission conjointe d'enquête du Bape sur Rabaska n'a fait aucune enquête et n'a commandé aucune étude indépendante.
Pourquoi? Selon M. Pierre Béland, qui a participé à sept commissions d'enquête, la réponse est à chercher dans «un budget qui se rétrécit comme une peau de chagrin». «Comment, dans ces conditions, ajoute-t-il, s'assurer le soutien d'experts externes, faire réaliser des études indépendantes et faire autrement qu'en assignant le personnel interne» (Site du BAPE, Opinion, le samedi 14 juillet 2007).
En conséquence, la commission Samak du Bape s'est contentée de reconduire ce que le gouvernement Charest avait proposé dans Stratégie énergétique du Québec, (assez fidèle à ce que Gaz Métro avait écrit dans son mémoire à la commission parlementaire).
La commission a endossé l'argument majeur de Gaz Métro, qui fondait la légitimité de Rabaska sur l'épuisement des ressources de l'ouest, qu'il estimait de 4 à 9 ans, comme l'affirmait l'Association québécoise du gaz naturel, dont il faisait lui-même partie.
Pourtant, L'Association canadienne du gaz a assuré la commission que la réserve de l'ouest est de 70 ans et plus (Audiences du Bape, 9 février 2007). La commission n'en a tenu aucun compte.
D'ailleurs, Jean Charest, dans son discours du 4 mai 2006 disait : «Nous disposons d'un potentiel hydroélectrique capable d'assurer notre sécurité énergétique».
Les opposants ont eu recours à divers experts, dont ceux-ci :
1- M. Denis Latrémouille qui a fait carrière dans le domaine maritime et qui a occupé de nombreux postes pendant 35 ans, tels celui de directeur régional de la flotte maritime de la Garde côtière, et directeur régional de la sécurité maritime à Transports Canada. Il a recommandé, entre autres, de «garder l'opération de méthanier en aval de la traverse nord» (p. 60) .
2- Pierre-Paul Sénéchal, économiste, s'inquiète également de cette traverse pour atteindre le site du terminal méthanier de Rabaska, «le seul au monde à être implanté aussi loin à l'intérieur d'un continent (1200 km de la mer)»
3- Marie-Julie Roux, biologiste, spécialiste de la faune marine, qui s'inquiète vivement du rejet de l'effluent des vaporisateurs au fleuve Saint-Laurent. Contrairement à ce que soutient Rabaska, ce rejet est «à une température de beaucoup supérieure au milieu ambiant, et dont les concentrations en produits azotés sont de beaucoup supérieures aux critères de toxicité chronique et aiguë pour la vie aquatique».
4- Lyne Gosselin, ingénieure forestière, trouve que «le projet Rabaska ne répond pas à une vision à long terme d'un développement industriel qui contribuera à la vitalité économique du territoire» (DM 584, p. 6).
5- Normand Gagnon, chimiste, qui a examiné l'analyse des risques faite par le promoteur et a rejeté «l'approche probabiliste utilisée par le promoteur» qui lui permet de parler de «risque acceptable». (DM 155, p. 12)
6- Marcel Junius, ex-président de la Commission des biens culturels, et M. Marcel Masse, ancien président de la même commission, qui soutiennent qu'il y a un devoir de protection rattaché à l'Île d'Orléans. «Ce qui est d'intérêt public, c'est que l'Île, pour garder intact ce pourquoi elle a été déclarée arrondissement historique, doit conserver ses valeurs» .
La commission n'en a nullement tenu compte. Encore moins des mémoires sur la qualité de vie, l'intégrité du patrimoine, l'héritage à transmettre, les échappées paysagères et les érosions, jugées sans doute futiles. Les commissaires se sont montrés insensibles à notre histoire et au statut particulier de la ville de Québec, capitale nationale de la province, classée dans le patrimoine mondial.
Il semble y avoir eu un certain lobbying en exercice dans le projet d'implanter le terminal méthanier Rabaska, à Lévis. Gaz Métro a créé un réseau de relations politiques assez serré.
1- Gaz Métro a établi des partenariats avec des institutions publiques importantes : La Caisse de dépôt et placement, le Fonds en efficacité énergétique (FEÉ) des milieux socio-économiques, le Fonds de solidarité des travailleurs de la FTQ (150 millions de dollars).
2- Gaz Métro a été présidé par Robert Tessier de 1997 à 2007. Il était auparavant secrétaire du Conseil du trésor du Québec, sous-ministre au ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles et vice-président exécutif de la Société générale de financement. Stéphane Bertrand, chef de cabinet de Jean Charest ces quatre dernières années, est un ancien de Gaz Métro. Il aurait été à l'origine de la démission fracassante de Thomas Mulcair, qui s'opposait à Rabaska.
3- Gaz Métro a été prise en défaut pour avoir contrevenu à la loi sur le financement des partis politiques.
La commission du Bape a produit un rapport quelconque, soumis, asservi. Ce rapport est-il digne de crédibilité ? Nullement.
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Joseph Melançon
Membre de la Société Royale du Canada

Sainte-Pétronille, I.-O.
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