Caisse de dépôt et de placement

Une comédie des ombres

Que se cache-t-il derrière le refus de donner toute explication ?

Chronique de Richard Le Hir



Si les dirigeants de la Caisse de dépôt et de placement pensaient pouvoir tourner la page sur le passé avec leur témoignage d’hier en commission parlementaire, ils se leurraient complètement. En fait, leur obstination, de même que celle du ministre Bachand, à refuser que ne soit jetée la moindre lumière sur les pertes très anormalement élevées subies par la Caisse lors de la crise financière de 2008 contribue à alimenter l’idée qu’il s’est passé quelque chose de très grave, ayant peut-être même un caractère criminel, et que le scandale qui résulterait de la divulgation des faits aurait des conséquences épouvantables pour certains responsables, voire même certaines institutions ou entreprises, le premier ministre, son parti, et le gouvernement en place.
Ce n’est pas rien ! C’est même un tour de force. Jamais auparavant dans toute l’histoire du Québec un gouvernement n’est-il parvenu à alimenter en même temps autant de doutes sur autant de fronts quant à l’intégrité de ses pratiques. Même les garderies y sont passées ! On souhaiterait quasiment que la maladresse ait été seule en cause. Hélas, vient un moment où cette hypothèse ne constitue plus qu’une tentative de se voiler les yeux par refus d’affronter la réalité.
Dans des circonstances normales, le déficit de légitimité ainsi accumulé suffirait à faire tomber le gouvernement sous son propre poids. Force est de constater que ce n’est pas le cas. Alors quoi ? Pourquoi ? Pourquoi ce qui serait parfaitement normal dans n’importe quel régime comme le nôtre ne se produit-il pas ici ? Sommes-nous moins évolués, moins exigeants, plus cyniques ? Autrement dit, moins bons que les autres ? Sûrement pas.
Alors la réponse est ailleurs. Elle est certainement, pour une partie, dans l’inefficacité de l’Opposition qui ne se montre pas à la hauteur des circonstances, et je ne parle pas ici seulement du PQ. Dans le contexte actuel, on s’attendrait à voir l’opposition déchaînée. Au lieu de cela quoi ? Une photo de graduation sur le perron de l’Assemblée nationale où le foulard blanc remplace la toge traditionnelle ! Si le ridicule tuait, les morts seraient légion. Comprenons nous bien : ce n’est pas le foulard blanc qui est ridicule, c’est la disjonction entre la situation qu’on cherche à dénoncer et la stratégie employée pour le faire.
Alors de deux choses l’une. Ou bien tout ce monde-là a les sens à zéro, et alors on se demande bien ce qu’ils font là, ou bien il se joue présentement devant tous les Québécois une comédie des ombres dont seuls les acteurs ont la clé. Dans un cas comme dans l’autre, la démocratie québécoise en prend pour son grade.


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11 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    27 mai 2010

    M. LE HIR,
    Bravo pour vos interventions pertinentes et musclées, non seulement sur le Caisse, mais sur Hydro-Québec et d'autres sujets de brûlante actualité nationale !
    Pour ce qui est de la Caisse de dépôt, il est clair que le refus catégorique de Charest au printemps 2009 de lancer une enquête publique sur les pertes catastrophiques - et scandaleuses - de la Caisse déjà fort révélateur, c'est-à-dire très louche. D'ailleurs, je vous rappelle que notre establishment financier-gouvernemental avait littéralement paniqué à la sortie de mon livre "La Caisse dans tous ses états", le 14 mai l'an dernier. La Caisse avait fait émettre une mise en demeure et réussi à le faire retirer du marché au moment où Henri-Paul Rousseau allait être interrogé en commission parlementaire. Vous savez que le livre contenait une critique sévère de l'administration Rousseau, en montrant comment les politiques mises en place par cette administration avaient abouti aux pertes historiques de 40 milliards en 2008. Ce n'est pas un hasard si la personne qui avait fait émettre cette mise en demeure n'était nulle autre que l'ancienne adjointe (et femme de confiance, si on peut dire) de Rousseau, Suzanne Masson. Comme quoi, même retiré de la Caisse, HPR continuait de tirer les ficelles. On l'a bien vu, d'ailleurs, quand Sabia s'est empressé d'aller le rencontrer au siège de son nouveau patron, Power Corporation. Et c'est pourquoi d'ailleurs notre presse nationale, soviétisée par Power, s'est empressé de couler mon livre dans le béton du silence absolue. Ils ont bien réussi, car aujourd'hui, un an après, c'est comme si ce livre n'avait jamais existé. Pourtant, il est revenu presque tout de suite sur les tablettes des libraires, où il est encore. Mais il est difficile de percer le monolithisme qui règne actuellement dans les grands médias québécois... et qui s'accorde bien avec le gouvernement arrogant et quasi inexpugnable que l'establishment financier a installé aux commandes à Québec.

  • Archives de Vigile Répondre

    27 mai 2010

    "Quoiqu’en dise Jacques Parizeau, soyez assuré qu’on ne se poserait pas de questions s’il n’y avait pas de problèmes, et le fait que personne ne veuille répondre à ces questions n’a rien pour rassurer qui que ce soit."Richard Le Hir
    Quoiqu'en dise Jacques Parizeau ? Il me semble que s'il y a un économiste indépendantiste qui mérite d'être écouté, c'est bien lui !
    Qui sont ceux-là qui posent les questions ? Et de qui au juste s'attendent'ils des réponses si ce n'est pas du plus important économiste indépendantiste ?
    Si M. Parizeau voyait un avantage à chercher malversation dans cette affaire il n'aurait pas déclaré ce qu'il a déclaré.
    Nous voyons aujourd'hui où mène la campagne de "pureté blanche" du PQ au lieu de s'occuper de la cause essentielle.

  • @ Richard Le Hir Répondre

    27 mai 2010

    Réponse @ Gébé Tremblay
    Quoiqu'en dise Jacques Parizeau, soyez assuré qu'on ne se poserait pas de questions s'il n'y avait pas de problèmes, et le fait que personne ne veuille répondre à ces questions n'a rien pour rassurer qui que ce soit. Au contraire, ce refus de répondre contribue à alimenter les pires soupçons. En vertu de quel principe la CDP échapperait-elle à la règle de la transparence qui s'applique à toutes les institutions qui gèrent des fonds pour autrui ? Hormi l'État lui-même, aucune institution québécoise n'a de plus grande obligation de transparence que la Caisse de dépôt.
    Richard Le Hir

  • Jacques Bergeron Répondre

    27 mai 2010

    A-t-on déjà vu un malfrat accepter qu'un procès lui soit fait?
    Poser la même question aux dirigenats de «BP» ou à ceux de «Enron» ou encore à tous ceux qui ont détourné des fonds à leurs avantages et on aurait eu la même réponse:«nous ne voulons pas d'enquête sur nos comportements»!

  • Archives de Vigile Répondre

    27 mai 2010

    Le Parti Québecois et le Bloc doivent promettre une enquête public concernant la loi Charest qui a permis ce désastre à la Caisse

  • Archives de Vigile Répondre

    26 mai 2010

    Même le patriote Parizeau nous dit qu'il n'y a rien de malhonnête dans les pertes de la caisse :
    http://www.radio-canada.ca/audio-video/pop.shtml#urlMedia=http://www.radio-canada.ca/Medianet/2009/RDI2/24HeuresEn60Minutes200905191902_1.asx&epr=true

  • Archives de Vigile Répondre

    26 mai 2010

    Monsieur Le Hir
    À la page 153 du livre: LA TERREUR FABRIQUÉE de Webster G. Tarpley il est écrit ceci: au milieu de la décennie, l'ancien secrétaire au Trésor, Brady, déclara que les spéculations sur les devises atteignaient mille milliards de dollars par jour. Pour une bonne part, cela était dû à une nouvelle forme d'instrument financier, parasitaire et hautement instable: les dérivés. Felix Rohatyn de la banque Lazard Frères, reconnut au printemps 1994 que cette crise des dérivés l'inquiétait "parce que le génie est sorti de la bouteille et pourrait déclencher dans les milieux financiers une réaction nucléaire qui se répandrait sur le monde à la vitesse de la lumière." Vers la fin de l'année, le Comté d'Orange, en Californie, se retrouva en faillite à cause de transactions sur les dérivés et accusa une perte de deux milliards. Mais on n'avait encore rien vu.
    En janvier 1995, le Mexique fit banqueroute, ce qui mit le système banquier et financier mondial à 48 heures d'une désintégration totale; l'enjeu implicite était l'énorme dette des pays en développement qui atteignait 1 600 milliards de dollars. La "crise de la tequila" nécessita un renflouement de 50 milliards de dollars qui furent envoyés "in extremis" par l'administration Clinton etc. Fin de la citation.
    La perte de deux milliards d'Orange County et le renflouement de 50 milliards par l'administration Clinton re: la crise de la téquila au Mexique; est-ce que ça ne vous fait pas penser à la perte de 40 milliards de la Caisse de Dépôt et de Placement au début de l'année 2009? Et Sabia qui demande aux Québécois d'oublier ça et de regarder vers l'avenir; svp expliquez-moi ça, j'en perds mon latin! Je ne pense pas qu'Obama nous remboursera ce 40 milliards de pertes de la CDP. C'est un livre à lire! il m'a fait plaisir.
    André Gignac le 26 mai 2010

  • Archives de Vigile Répondre

    26 mai 2010

    Et si ce n'était qu'une tartufferie d'incompétents...D'ailleurs la plupart ont été foutu à la porte.

  • Archives de Vigile Répondre

    26 mai 2010

    On a appris hier qu’on avait pour 100 millions $ de BP et qu’on venait d’en perdre 30, because les dégats en-dessous de la plate-forme oblige ! Des peanuts a dit en substance le nouveau responsable des placements. Un monsieur qui débarque des Vieux Pays (on n’a pas assez d’experts icite) Lorsque questionné de près, il a dit que ça faisait parti d’un "panier". La Caisse doit avoir du pétrole et BP fait parti du panier!

  • Archives de Vigile Répondre

    26 mai 2010

    On a appris hier qu'on avait pour 100 millions $ de BP et qu'on venait d'en perdre, dégat en-dessous de la plate-forme oblige! Des peanuts a dit en substance le nouveau responsable des placements. Un monsieur qui débarque des Vieux Pays (on n'a pas assez d'experts icite)
    Lorsque que questionné de près, il a dit que ca faisait parti d'un "panier". La question doit avoir du pétrole et BP fait parti du pétrole
    Ca me rappelle toujours l'histoire de BreX. La Caisse en avait pour 70 millions. Tout perdu évidemment. A l'époque le VP était Nadeau. Lorsque questionné sur le pourquoi d'un placement aussi loufoque il avait répondu: "ben on n'a pas le choix, BreX faisait partie du TSX-300"
    Ca donne quoi payer des bolés 100k par année s'ils ne font que suivre l'indice?

  • Archives de Vigile Répondre

    26 mai 2010

    Le problème M. Le Hir, c'est que l'on pensait tous que le PLQ , Jean Charest et son gouvernement craqueraient sous la pression pour soit tenir une enquête publique sur le financement du PLQ ou soit qu'ils démissionneraient, provoquant des élections.
    Or, Charest est téflon et ne bronche pas d'un yota.
    L'appui de l'ADQ au PLQ est circonstanciel. L'ADQ ne veut et surtout ne peut aller en élection pour cause de financement anémique et désorganisation totale qui résulterait à la disparition totale de ce parti.
    Le PQ ne peut donc dépenser toutes ses munitions, sinon le temps fera encore effet contre eux
    Ce n'est maintenant qu'une question de quelques semaines avant que les vacances d'été donnent le temps à la population de penser et entendre autres choses que la corruption libérale. C'est la dessus que Charest targue.
    On sait tous aussi que l'Éverest de dossiers de louches, douteux, de corruptions, de pertes historiques, de magouilles, de collusions qui ont tous les mêmes dénominateurs communs le PLQ, Jean Charest et Paul Desmarais.
    Il reste qu'une seule option à très court terme: Une bombe dans un dossier de corruption ou tout dossier sale....qui implique Jean Charest lui-même, avec preuve béton, qui le forcerait à démissionner illico...
    Si ca ne sort pas...je crois malheureusement qu'on est prit avec Charest pour encore plus de 20 mois