COMMENTAIRE - [Pourquoi désirer, vouloir l'indépendance ?->2000]
John Metcalfe 17 septembre 2006 -
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Après nous être fait dire sans arrêt que le fédéralisme est le système de l'avant-garde humaine, nous pouvions nous attendre à ce que des fédéralistes développent des idées d'une folle audace, comme celle de reconnaître l'existence de la nation québécoise...
Coup sur coup, le congrès du NPD tenu au Québec a abordé le thème, rapidement éclipsé par celui de la guerre en Afghanistan tandis que Michael Ignatieff jonglait avec l'hypothèse contre l'avis de tous les autres candidats à la chefferie lors d'un débat à Québec.
Le terrain a été bien préparé. Michael Ignatieff a soutenu au cours des mois précédents que donner des droits nationaux à toutes les nations mènerait au chaos. Michael Ignatieff veut donc faire du Québec une nation sans droits nationaux et sans représentation nationale spécifique. Si le Québec veut se faire valoir, il pourra toujours recourir à des alliances avec les autres conseils provinciaux. Il n'empêche que les autres candidats libéraux furent effrayés de son extravagance...
Si on reconnaît le Québec comme nation, est-ce que ça ne signifie pas que l'Etat Canadien devra prendre sa défense? Or tout l'édifice de ses lois fut construit pour que le caractère national du Québec ne prévale pas sur l'ordre des choix individuels. Les candidats du Parti Libéral craignent le spectacle que cela donnerait, toute une foule canadienne, son angoisse à la télévision face à l'idée que la reconnaissance du Québec comme nation diminue la capacité des individus de s'en détourner. Et les autres scènes du futur se profilent facilement dans la boule de cristal...
Pour rassurer, Michael Ignatieff répéterait sans doute que, nonobstant cette reconnaissance, le Québec n'aura rien de plus qu'une province alors que les individus conserveront leurs droits et leurs soucis. Le National Post et les autres médias canadiens demanderaient quand même des garanties pour que rien dans cette reconnaissance ne laisse entendre que cette nation québécoise soit une entité auto-existante. Une premier ministre d'une province, redoutant l'échec du processus, ajouterait une clause précisant que le Québec est un groupe membre de l'ensemble multi-national canadien.
Pendant une semaine, on diffuserait des allocutions en haut lieu sur la largeur d'esprit du Canada et son immense souplesse. Le National Post suivi du Globe and Mail publieraient des éditoriaux proposant des méthodes pour faire disparaître les « irritants ». Une reconnaissance du Québec devrait selon eux être précédée d'une motion affirmant l'égalité des groupes nationaux de l'ensemble multi-national et l'obligation de tout faire conformément à l'égalité juridique des provinces.
D'autres groupes nationaux comme les Mohawks et les Acadiens feraient des représentations. Ayant déjà été reconnus comme nations, ils voudraient s'assurer que la reconnaissance du Québec ne crée pas un précédent et qu'ils étaient eux-mêmes dans « le vrai de la chose ». Un autre premier ministre provincial proposerait alors une nouvelle clause signifiant que la nation québécoise entre dans le modèle et les justifications des nations déjà reconnues telles la nation acadienne ou mohawk.
À la Chambre des Communes, Michael Ignatieff dirait que le sauvage festin, les abus autonomistes ne sont guère à craindre. La reconnaissance de la nation québécoise, dans sa formulation initiale soumise au parlement canadien, définissait déjà la « nation » québécoise comme communauté canadienne en accord avec son présent statut de province et la Constitution. Un député de l'opposition noterait que le Québec n'a pas signé la Constitution. Un porte-parole répondrait que la clause de reconnaissance du Québec comme nation doit être conditionnelle à la signature de la Constitution par la « belle province ».
Ces nouveaux débats à la Chambre des Communes attiseraient des passions. Plusieurs journaux canadiens vanteraient le génie politique de Michael Ignatieff. Pour être reconnu comme nation, le Québec devra ratifier son statut de province, confirmant qu'il est à la fois l'un et l'autre strictement à titre de communauté canadienne. Le National Post exprimerait alors des réserves. Selon son éditorialiste, rien n'empêchera le Québec de tourner la chose à son idée. Si la signature du Québec devient une condition, le Canada admet que la signature de la « belle province » signifie quelque chose. Ce serait un recul qui invaliderait les dispositions donnant au Canada le droit de signer pour le Québec.
Le débat avançant, comme au temps de Meech, le Québec aurait de plus en plus l'air d'avoir de faux amis et des ennemis. On comprend donc que Michael Ignatieff soit le seul à vouloir rouvrir la Constitution parmi les candidats à la chefferie. « La solution n'est pas idéale, a expliqué Stéphane Dion, mais ça n'empêche pas le Canada d'être un grand pays. » Comme on sait Stéphane Dion y est allé dans le passé de sa théorie des systèmes sociaux canadiens. Nous étions tous potentiellement multi-identitaires, nous disait-il, un point pour expliquer que l'on a toujours le choix. Ayant toujours le choix, pourquoi rechercher des faveurs honoraires et titulaires? Nous avons la liberté de parole, un droit social, un droit de déplacement. Le Canada est un grand pays parce que chacun peut choisir pour soi-même.
On y devient le concitoyen de ceux qui regardent les nations de haut comme une cause d'inventaire appartenant à tous d'un océan à l'autre.
Quand Michael Ignatieff et Stéphane Dion parlent de réalités nationales, de nombreuses accointances surgissent entre eux. Partant du principe qu'il n'y a pas de conditions normales ou anormales pour les nations, elles peuvent et doivent s'inscrire dans le registre des phénomènes canadiens. Certains aspects feront l'objet d'une attention exclusive, comme le droit de chasse pour certaines peuplades autochtones. La plupart des aspects cependant se rangent très bien dans les mécanismes convergents du Fédéral traitant des problèmes sociaux les plus profonds et les plus importants. On peut accorder un certain nombre de points de gestion qui soient effectivement contrôlés conjointement par le Fédéral, son Sénat Élu, appelé à devenir l'instance de la représentation régionale, et les autres paliers gouvernementaux.
Reconnaître les nations pour mieux moduler les interventions des organes dirigeants, telle est l'essence de la pensée fédéraliste.
Longtemps réprimé, le concept de « nations » employé au pluriel maintenant devient une variante des « communautés canadiennes ». En aucun temps ce n'est une fin en soi. Il n'est pas dit que ce concept devenu pluriel détermine les points de gestion à l'échelle locale ou à l'échelle globale. Il n'est surtout pas dit où et quand le pouvoir local doit se standardiser pour se conformer au programme du pays. Avec ces nations, synonymes de communautés locales, on reste dans le champ d'action des lois sociales canadiennes.
Michael Ignatieff et Stéphane Dion ne veulent pas partir de la réalité québécoise, du fait que c'est un peuple enraciné, civilisé, avec son Etat, foyer national comptant une majorité linguistique et des minorités.
Michael Ignatieff et Stéphane Dion préfèrent lui faire partager le lot des petites nations, communautés parlant l'hittite ou le cornique, groupements qu'il faut bien situer dans les problèmes touchant la gestion générale du monde. Que ferions-nous si toutes les petites nations voulaient se comporter en république?, nous demande Michael Ignatieff, après Stéphane Dion et Trudeau.
Les petites nations, nous apprennent-ils, avant de préciser leur volonté, doivent se placer au point de vue des fonctions dirigeantes. Il leur incombe la responsabilité de garder la mesure en tenant compte du fait que les petites nations doivent être dirigées dans l'ensemble et pour les détails qui les englobent. En somme, la définition de la volonté nationale requiert une connaissance de la pratique de la gestion venant des échelons supérieurs. Une bonne petite nation, qu'elle compte dix mille, cent mille ou sept millions d'habitants, doit résoudre le paradoxe de son autonomie dans un univers planifié et contrôlé.
Michael Ignatieff veut nous accorder le droit de dire « le Québec est ma nation et le Canada mon pays ». On comprend. Il a précisé au préalable que c'est au pays que revient la mission de rendre tout le système gouvernable. Les fédéralistes, « l'avant-garde humaine » comme ils se perçoivent, envisagent l'existence de la nation québécoise dans l'intention de retrouver les situations acquises.
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