Une affaire d'hommes

Tous les écrits à l'origine des religions actuelles, y compris la Bible, ont été traduits et interprétés par des hommes.

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Questions de société

Archives AFP
Elle revenait seule de l'école la première fois que je l'ai aperçue, le front, la tête et le cou sanglés comme une momie. Elle n'a pas 10 ans, ou à peine, on lui a déjà appris à se cacher! Déjà contrainte dans la camisole de force de son statut, symbole de son abaissement dont elle ignore le sens véritable.


Comment peut-on s'arroger le droit d'une telle mainmise sur l'âme et la vie d'une enfant? (J'éprouve la même colère au sujet du baptême - le Christ s'est fait baptiser adulte -, de la circoncision et que dire de l'excision?) Mon regard a croisé le sien, l'espace d'une seconde, et notre histoire à toutes deux a ressurgi en moi depuis les tout premiers dérapages.
Si la tolérance s'impose face à l'expression des diverses pratiques supposément religieuses dans notre espace public, on ne saurait envisager l'enseignement de l'histoire des religions (éthique des religions ou cultures religieuses, peu importe) en passant sous silence qu'elles ont toutes, dès l'origine, fondé le pouvoir politico-religieux des hommes sur les femmes et consacré l'exclusion de celles-ci du sacré, mais surtout de leur propre vie. La présence accrue du religieux, dans notre société, et la montée inquiétante de l'intégrisme, dans notre monde en crise, incitent à revisiter l'histoire des religions, dans l'intérêt des femmes, de nos filles, et dans l'intérêt des hommes également.
Je préviens d'entrée de jeu: ma colère ne s'inscrit pas sous la bannière féministe, je suis d'abord et avant tout une femme à part entière, une femme libre et je vis dans une société où la plupart des hommes ont contribué à l'émancipation de la femme ainsi qu'à l'affirmation de l'égalité des sexes dans cette société. Ce n'est pas par hasard, d'ailleurs, que l'institution religieuse ait, du même coup, perdu son emprise sur celle-ci. Mais il existe encore beaucoup d'hommes préhistoriques sur cette planète, il y en a parmi nous. Il y a aussi trop de femmes qui assument leur aliénation et surtout l'imposent à leurs filles, sans même réaliser que leur complicité est inhérente à leur position de victimes. Les religions et les idéologies ont ceci en commun qu'elles empêchent de réfléchir et, très souvent, l'interdisent.
Créées dans la peur
Les religions ont été créées dans la peur, la peur face aux mystères de la vie et de la mort et la peur de la femme à laquelle ces mystères ont, très tôt, été associés. La peur de la différence qu'il faut justifier par l'impureté de l'autre. Dans les rituels primitifs, dans la Bible, le Coran, le Lévitique, le bouddhisme, etc., la femme est décrétée souillée, donc impure, à cause de ses menstruations; chez les pères de l'Église ce fut, dans le passé, la raison pour laquelle la femme devait être écartée du sacerdoce. Il faut croire que cet argument est encore valide! Il y a aussi la peur du corps féminin face auquel l'homme échappe au contrôle de son sexe et se sent si vulnérable - l'érection n'obéit pas à sa volonté -; il suffit qu'une femme apparaisse il faut donc la faire disparaître! - Cachez ce corps féminin que je ne saurais voir de peur de le désirer ou, pire encore, qu'un autre le désire. La peur niée engendre le mépris et le contrôle et l'estime de soi se nourrit alors du mépris et du contrôle de l'autre. Mais l'estime de soi est ici bien illusoire, car la négation de la peur et le refus de la différence témoignent au fond du mépris de soi.
Créées par et pour les hommes, toutes les religions ont institutionnalisé l'exclusion et le contrôle des femmes. Pour justifier une telle exclusion, les femmes ont été décrétées inférieures, impures et porteuses de la faute originelle.
Toutes les religions, pour ce faire, ont émasculé les textes mythiques millénaires; elles en ont éliminé toute trace de l'existence essentielle et égalitaire de la femme. Tous les écrits à l'origine des religions actuelles (Bible, Évangiles, Torah, Coran, etc.) ont été traduits et interprétés par des hommes. Elles ont institutionnalisé le mépris du corps et de la sexualité des femmes, l'exaltation de la pureté et le culte de la vierge. Et l'intégrisme fait partie de l'histoire des religions; l'intégriste veut épurer la société de tout ce qu'il perçoit comme étant étranger à soi.
Alors, il faut cacher les femmes, sous leurs perruques, le crâne rasé, sous leurs robes et leurs manches trop longues avec leur teint blafard. Elles doivent se dissimuler sous des voiles et affirmer ainsi leur soumission à l'homme. Les hommes peuvent exhiber en paix les symboles de leur pouvoir et surtout de leur virilité sous leurs grands chapeaux bien poilus, leurs barbes touffues, leurs kirpans à la ceinture. (…)
Tous ces chefs religieux se prétendent porteurs de la volonté de leurs dieux. Tous, dans l'élaboration de leurs religions avec leurs lois et leurs dogmes, ont dénaturé, falsifié les textes anciens. La traduction juste de l'Ancien Testament n'a rien à voir avec les histoires infantilisantes et surtout erronées dont on nous a bourré le crâne.
L'Église catholique a surtout trahi le message du Christ, personnage exceptionnel, un être de lumière sur le chemin de l'humanité et le plus féministe des prophètes. (…)
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Denise R. Robert
L'auteure est psychologue.
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