Lundi, le jour même où le ministre Raymond Bachand et le premier ministre Jean Charest dévoilaient leur Stratégie québécoise de la recherche et de l'innovation, l'Organisation de coopération et de développement économique rendait publique une volumineuse étude sur l'état de la recherche dans le monde.
On y apprend que la recherche est en croissance dans le monde, que la Chine passera cette année au deuxième rang mondial pour son effort de recherche, derrière les États-Unis mais devant le Japon, que l'effort en recherche du secteur privé s'accélère, que les pays industrialisés se fixent des cibles de recherche de plus en plus ambitieuses.
"Un nombre croissant de pays élaborent des stratégies et des plans officiels en faveur de la science, de la technologie et de l'innovation et ils les appuient par des financements accrus et des refontes des structures institutionnelles", note le document, Science, technologie et innovation. Pourquoi tous ces efforts? Parce que la recherche et l'innovation sont la clé du succès pour résister à la concurrence et pour progresser.
Voilà pourquoi il faut saluer la stratégie présentée par le ministre du Développement économique, de l'innovation et de l'exportation, Raymond Bachand. Le fait qu'on consacrera des sommes importantes à la recherche et l'innovation, 888 millions sur trois ans, qui s'ajoutent aux 278 millions du dernier budget, envoie un message clair sur l'intention du gouvernement du Québec d'en faire vraiment une priorité. Cela exige un certain courage politique, car il n'est pas évident qu'une intervention dans un domaine pointu comme celui-là aide beaucoup à remonter une cote de popularité.
Et pourtant, ce n'est pas un luxe. Le grand objectif qui sous-tend la stratégie consiste à porter l'effort de R&tD de 2,72% du PIB actuellement à 3% en 2010. C'est la cible que s'est fixée l'Union européenne, c'est déjà un niveau atteint par des pays performants, comme la Finlande et le Japon. Sans cet effort, le Québec serait déclassé.
Le gouvernement du Québec met donc ses priorités au bon endroit. Et manifestement, il l'a fait d'une façon très convaincante, car les milieux associés à la recherche ont très bien accueilli la politique. Dans le document, le ministre refuse de voir cette nouvelle politique comme une remise en question des efforts précédents.
Mais on peut y voir un virage, important, en raison de l'intensité de l'effort, mais aussi parce que la stratégie s'attaque à des problèmes du système d'innovation de recherche au Québec, que l'on n'a pas encore réussi à résoudre. Sur papier, la performance québécoise est bonne. Avec une intensité de recherche qui atteint 2,72% du PIB, le Québec dépasse le Canada et la moyenne de l'OCDE.
Ce succès réel cache deux lacunes. La première, c'est l'insuffisance de la recherche privée, 1,63% du PIB, en dessous de la moyenne des pays industrialisés. À peine 3% des entreprises québécoises sont actives en recherche, nous rappelle le document, et leurs dépenses n'équivalent qu'à 48% des entreprises ontariennes. La stratégie s'y attaque, en cherchant à porter l'effort privé à 2% du PIB.
L'autre lacune, c'est que les efforts de recherche ne se traduisent pas en résultats concrets. On compte moins d'entreprises dérivées de la recherche universitaire, moins d'inventions, de licences ou de brevets. Or, pour que la recherche puisse créer de la richesse, il faut qu'elle ait des retombées, qu'elle mène à des idées, des procédés, des technologies, qui se traduiront en activité économique, qui créeront des emplois, qui rendront les entreprises plus compétitives.
Le grand intérêt de la stratégie, c'est qu'elle propose des interventions concrètes sur l'ensemble de la chaîne de la recherche et de l'innovation: des mesures pour la recherche publique, pour les chercheurs et les étudiants, mais aussi pour aider les entreprises à développer l'innovation, pour assurer la valorisation et le transfert des résultats de la recherche. Bref, une politique qui part des universités et qui se rend jusqu'au plancher des PME.
Cela ne convaincra pas tout le monde. Bien des gens se demanderont pourquoi consacrer presque 1,2 milliard à la recherche quand il y a des besoins criants à combler, comme en santé. C'est, en fait, poser la question à l'envers.
Pourquoi le Québec est-il incapable de payer correctement ses médecins spécialistes et de financer ses hôpitaux? Parce qu'il n'a pas d'argent. Et pourquoi n'a-t-il pas d'argent? Parce qu'il ne réussit pas à créer assez de richesse. Si on veut pouvoir financer de façon décente notre système de santé, maintenant, et encore plus dans l'avenir, il faut absolument donner un nouvel élan à notre économie. Et pour y parvenir, il faut absolument que le Québec devienne une société innovante.
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