Mario Dumont a démontré encore une fois, en fin de semaine, qu'il peut effectuer des virages à 180 degrés sans rire, et sans faire rire de lui.
"L'environnement ne doit pas servir de frein pour ne rien faire ou de prétexte pour reporter des projets à l'infini", a-t-il déclaré hier, 24 heures après avoir longuement applaudi le discours inquiétant de Steven Guilbeault sur le réchauffement climatique. En moins d'une minute et en conclusion au Conseil général de l'ADQ sur l'environnement, M. Dumont a ramené tout le monde à l'ordre : bien d'accord pour l'environnement, mais pas au détriment de l'économie. Comment défendre une telle position dans un contexte de gaz à effet de serre et de fonte de la calotte glaciaire ? Bien simplement : en jouant sur la fierté des Québécois et en leur rappelant la belle époque où ils se lançaient dans les grands chantiers comme Manic et la Baie-James, sans trop se soucier des peurs et des conséquences. "Le Québec est un peuple de bâtisseurs. On se croyait bon, on se croyait fort, puis on l'est devenu", a-t-il lancé, en déplorant les craintes et les hésitations qui dominent le paysage médiatique et retardent les grands projets depuis quelques années.
Admettez que c'est un peu surprenant de la part d'un chef politique qui a contribué à bloquer le projet du Suroît. Hier, M. Dumont a dit préférer la vision énergétique "régionale" d'André Caillé, l'ancien président d'Hydro-Québec, par opposition à une vision "locale". Cette vision nous amène à comprendre qu'un projet gazier au Québec, par exemple, contribuera à l'émission globale de gaz à effet de serre parce qu'il permettra aux Américains de fermer de vieilles centrales au charbon ou au mazout. Or c'est précisément les raisons que donnait M. Caillé pour construire la centrale du Suroît, condamnée malgré tout par l'ADQ.
Remarquez que M. Dumont n'en est pas à une contradiction près, mais il faut lui reconnaître un grand talent politique dans ses virages. Ainsi, au moment même où le gouvernement Charest se prépare à donner le feu vert à Rabaska malgré les craintes des environnementalistes, Mario Dumont se fait le capitaine des grands chantiers. Opportuniste, dites-vous ? Habile, surtout. Très habile.
L'autre fait marquant de cette réunion de la fin de semaine est la mise en place d'une campagne visant à convaincre les Québécois qu'il sera bientôt nécessaire de retourner aux urnes.
Même si les sondages sont catastrophiques pour Jean Charest, Mario Dumont sait que les électeurs n'ont pas le goût d'une nouvelle campagne électorale. Il lui faut donc créer un besoin de changement au sein de la population. Il a commencé en fin de semaine en martelant que son parti est le "véhicule du changement" par rapport aux "forces de l'immobilisme" du PQ et du PLQ. Son pari est simple : à force de se faire dire que le Québec est paralysé, les Québécois finiront par réclamer du changement, donc des élections.
Les élections, c'est une chose, mais un gouvernement majoritaire, c'en est une autre. Mario Dumont a encore besoin de démontrer qu'il a l'expérience voulue pour gouverner. Or, il fallait voir André Caillé entouré de journalistes après son discours devant l'ADQ, samedi midi, pour comprendre à quel point l'ancien patron d'Hydro-Québec serait un atout de taille autant pour ce parti que pour Stephen Harper. Même s'il a échoué dans le projet du Suroît et mis le gouvernement Charest dans l'embarras sur la sécurité des grands barrages, l'homme jouit d'une crédibilité et d'un talent de communicateur hors pair.
Ira ou n'ira pas ? À Québec ou à Ottawa ? M. Caillé se laisse courtiser et garde toutes ses options ouvertes. Samedi, il a voué son admiration pour Mario Dumont et fait une croix sur son ancien credo souverainiste. La table est mise pour un mariage, mais la fiancée n'a pas encore choisi son conjoint.
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