Un Québec éclaté

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Le refus du PQ d'incarner le nationalisme québécois explique l'éclatement de l'électorat francophone

En 1987, Margaret Thatcher prononçait sa fameuse phrase : « La société n’existe pas comme telle. »


« There is no such thing as society », avait-elle dit en version originale. Au sens de la célèbre première ministre britannique décédée en 2013, il n’existait que des individus.


À regarder évoluer le Québec, je me demande parfois s’il ne donne pas raison à Thatcher aujourd’hui.


Commentateurs, sondeurs, conseillers politiques tentent actuellement d’identifier les phénomènes sociaux qui forgeront le scrutin du 1er octobre. Rien de facile : les campagnes électorales contemporaines sont devenues des boîtes à surprise.


2015 : Justin Trudeau part troisième. 2016 : Donald Trump croyait perdre. 2017 ? Un nom : Valérie Plante.


Et si les élections étaient de moins en moins prévisibles parce que les phénomènes sociaux sont moins massifs qu’avant ? Parce qu’on assiste à un éclatement du social ?


Anciens et nouveaux clivages


Le clivage entre souverainistes et fédéralistes a perdu beaucoup de prégnance. Certains disent qu’il est disparu. C’est excessif. La souveraineté motive en priorité une frange – certes déclinante – de l’électorat. Un projet auquel tient quelque 30 % de la population ne peut pas n’avoir aucun effet.


Effets multiples, contradictoires : des souverainistes bouderont le PQ parce que celui-ci ne promet plus de référendum. D’autres lui accorderont leur voix, se disant qu’il est encore le seul qui pourrait en faire un autre un jour.


Du reste, plusieurs fédéralistes voteront encore, en 2018, pour bloquer la souveraineté. Certains s’empêcheront même de voter Legault par crainte qu’une fois au pouvoir, il redevienne « séparatiste ».


Bien sûr, ce clivage est en déclin depuis au moins 25 ans. Depuis qu’au lendemain des référendums de 1992 de 1995, la classe politique a disqualifié toute question constitutionnelle. L’urgence était à rééquilibrer les finances de l’État.


Au Québec, on a eu le débat sur le déficit zéro. Puis, celui sur le « modèle québécois ». Le clivage gauche-droite a tranquillement pris sa place, surtout dans la foulée du choc entre les lucides et les solidaires. Ces derniers ont créé un parti.


Depuis les attentats de 2001, un autre clivage s’est tranquillement taillé une place déterminante : « diversitaires » (multiculturalistes et interculturalistes) et « identitaires ».


Causes médiatiques


Souverainistes-fédéralistes, étatistes-néolibéraux, gauche-droite, diversitaires-identitaires, on aurait besoin d’un graphique à au moins quatre dimensions pour bien illustrer les composantes du débat politique québécois. Et ce n’est rien, d’autres axes viennent se superposer et brouiller encore plus le portrait : montréalistes et régionalistes par exemple.


À chaque époque, les techniques de communication dominantes conditionnent le lien social. Or, l’ère de l’internet, puis celles des médias sociaux, puis celle de l’« intelligence des données » suscitent un éclatement sans précédent.


Chacun se retrouve isolé dans les niches que créent Facebook, Twitter, Instagram. Chaque parti politique segmente ses messages pour tenter d’atteindre chacune des niches.


Or, plusieurs citoyens trouvent à chaque parti un défaut impardonnable. Ils se proclament alors « orphelins politiques ».


Avec tous ces clivages et éclatements, difficile de prévoir la « question de l’urne » qui déterminera tout le reste. Difficile même de dire si la « société » existe encore.