Un procès politique

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L'impréparation catalane était évidente selon Facal



C’est aujourd’hui, à Madrid, que s’ouvre le procès de 12 dirigeants indépendantistes catalans pour leur rôle dans l’organisation du référendum du 1er octobre 2017 et leur vaine déclaration de souveraineté du 27 octobre.




Le Journal m’avait envoyé couvrir l’affaire.




On n’oubliera pas de sitôt ces policiers matraquant et traînant au sol des gens qui ne voulaient que voter pacifiquement.




Faire peur




L’État espagnol requiert des peines de 7 à 25 ans de prison pour rébellion, sédition et malversation.



Carles Puigdemont, exilé en Belgique

Photo AFP

Carles Puigdemont, exilé en Belgique






Le grand absent sera Carles Puigdemont, exilé en Belgique, chef du gouvernement catalan au moment des faits.




En droit espagnol, pour être coupable de « rébellion », il faut prouver l’existence d’un « soulèvement violent ».




« Violent » ? La seule violence fut celle des policiers faisant irruption dans les lieux de votation.




Les militaires d’extrême droite qui, le 23 février 1981, tentèrent un coup d’État et furent effectivement condamnés pour rébellion avaient, eux, carrément tiré des coups de feu dans l’enceinte du Parlement.




La vraie faute des indépendantistes catalans fut de se lancer dans une démarche très improvisée.




Quand j’interrogeais des gens là-bas et que je comparais au degré de préparation du référendum québécois de 1995, je me grattais la tête.




Cela dit, de grâce, n’ayons pas la naïveté de croire que ces accusés seront jugés avec les garanties d’impartialité qu’un État de droit offre habituellement.




Neuf des accusés sont en détention provisoire depuis neuf mois. Certains ont fait une grève de la faim pour protester contre la lenteur et l’iniquité des procédures.




Il crève les yeux que le rouleau compresseur judiciaire veut, par des peines exemplaires, faire peur.




Est-ce que cela calmera ou durcira le mouvement indépendantiste ? Nul ne le sait, mais si des élections avaient lieu en Catalogne aujourd’hui, les indépendantistes seraient encore majoritaires.




Le plus bel indice de ce que pensent les juristes des autres pays de la justice espagnole fut le refus sec des tribunaux belges et allemands d’accéder à la demande de l’Espagne d’extrader Puigdemont sur la base d’accusations de rébellion et sédition.




Cul-de-sac



Pedro Sánchez, chef du gouvernement espagnol

Photo AFP

Pedro Sánchez, chef du gouvernement espagnol






Un autre facteur qui complexifie l’affaire est qu’entre le dépôt des accusations et aujourd’hui, la gauche de Pedro Sánchez a chassé la droite de Mariano Rajoy du pouvoir à Madrid.




Or, les socialistes ont eu besoin de l’appui des députés indépendantistes catalans pour dégager une courte majorité parlementaire et se hisser au pouvoir.




Ils ont encore besoin d’eux pour faire adopter le budget. Sans budget, le gouvernement tombe et on repart en campagne électorale à travers toute l’Espagne.




Sánchez avait promis l’ouverture d’un dialogue avec les indépendantistes catalans.




Chacun reste campé sur sa position : le gouvernement espagnol propose un référendum sur plus d’autonomie, alors que le gouvernement catalan veut un référendum sur la souveraineté.




Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il y a maintenant des prisonniers politiques dans une des nations phares de l’Union européenne et de l’Occident.




L’Espagne, la patrie de mes grands-parents, se déshonore.