Un nécessaire exutoire

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La goutte qui a fait déborder le vase

En se lançant dans la course à la succession de Jean Charest, Philippe Couillard s’est présenté d’entrée de jeu comme l’héritier spirituel de Robert Bourassa. « Ce grand Québécois qui a inspiré nos vies », disait-il. Deux ans après la victoire libérale du 7 avril 2014, on a cependant bien du mal à voir en quoi il s’est inspiré de son prédécesseur. À voir la maladresse avec laquelle l’affaire Hamad a été gérée, plusieurs députés libéraux doivent se poser la même question.

Le chef de cabinet de M. Couillard, Jean-Louis Dufresne, qui a été à l’école de M. Bourassa, aurait dû le sensibiliser davantage au triangle qui servait de guide à l’ancien premier ministre et dont chacune des pointes correspondait aux grandes priorités qu’il ne fallait jamais perdre de vue, sous peine de se retrouver dans un sérieux pétrin.

La première de ces priorités était le développement économique, dont le PLQ avait fait sa marque de commerce. M. Couillard ne peut pas être tenu responsable de la morosité qui touche toute la planète, mais la déception n’en est pas moins réelle. Non seulement les emplois promis ne sont pas au rendez-vous, mais son attitude de laisser-faire quand des entreprises aussi emblématiques que Rona et Saint-Hubert ont été vendues à des intérêts étrangers a créé une désagréable impression d’impuissance, sinon de je-m’en-foutisme.

La deuxième pointe du triangle correspondait à la défense de l’identité québécoise et des intérêts du Québec au sein de la fédération. Là encore, le premier ministre semble indifférent à la situation préoccupante du français, notamment dans les milieux de travail, et ne donne pas l’impression de mesurer l’ampleur du défi que représente la francisation d’un nombre grandissant d’immigrants. Pire, ceux qui s’en inquiètent sont taxés d’intolérance, voire de racisme. Quant au statut du Québec dans la fédération, sa seule politique est de brandir l’épouvantail de la séparation.

La troisième pointe renvoyait au maintien de la paix sociale. À ce chapitre, il faut reconnaître que deux ans d’austérité n’ont pas provoqué l’explosion que plusieurs appréhendaient. La facilité avec laquelle le gouvernement a réussi à s’entendre avec le Front commun des syndicats du secteur public en a même étonné plus d’un.

Au centre du triangle, condition essentielle à l’équilibre de l’ensemble, M. Bourassa avait placé l’intégrité. Il avait retenu de son premier règne, dont il était sorti meurtri en 1976, que même un succès économique aussi éclatant que celui de la baie James, la proclamation du français comme seule langue officielle ou encore la quête d’une « souveraineté culturelle » ne pouvaient servir de succédané à l’intégrité. Peu après son retour au pouvoir en 1985, il n’a pas hésité à expulser un de ses ministres, en l’occurrence Gérard Latulippe, qui avait prêté flanc à des accusations de conflit d’intérêts.

Après l’avoir autorisé à se réfugier en Floride, M. Couillard semble finalement avoir réalisé à quel point la conduite troublante de Sam Hamad a choqué la population et qu’il risque lui-même d’être entraîné dans la tourmente. Reconnaître que son ministre avait manqué de prudence en frayant avec un homme aussi toxique que Marc-Yvan Côté relevait de l’euphémisme.

Après avoir plaidé pendant des jours la présomption d’innocence, puis la justice naturelle, le premier ministre pouvait difficilement manquer à la règle du audi alteram partem, mais les explications de M. Hamad devront être très convaincantes pour lui éviter une exclusion formelle du cabinet, qui semble devenue inévitable, qu’elle lui soit imposée ou qu’il décide de se mettre lui-même en retrait.


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