Avec l'arrivée récente d'un gouvernement minoritaire dans le paysage politique à Québec, les citoyens doivent maintenant composer avec un exécutif qui ne peut plus, entre deux élections, agir seul et sans tenir compte de l'opposition. Le premier ministre "minoritaire" n'est donc plus, comme en période majoritaire, un "monarque électif" qui tient seul les ficelles du programme politique.
Conséquemment, le gouvernement doit écouter les différentes revendications des formations politiques représentées au Parlement. Cette situation, prétend-on parfois, serait favorable à la démocratie parce qu'elle met fin aux excès de la pratique majoritaire, valorise le rôle du Parlement et encourage l'adoption d'un menu législatif qui reflète davantage les intérêts de la population. Cependant, à la lumière des récentes informations contenues dans le rapport annuel de l'Assemblée nationale, force est de constater qu'il s'agit là d'un mythe à déconstruire.
Une souveraineté populaire confisquée
En période majoritaire, le Parlement fonctionne au rythme d'un gouvernement surpuissant qui domine sans conteste le pouvoir législatif. C'est que, assuré de la majorité, le gouvernement n'a pas à craindre une fronde parlementaire susceptible de mener à son renversement. Dans un tel contexte, le Parlement devient une chambre d'enregistrement qui sert à cautionner l'action gouvernementale dirigée et animée par le premier ministre. Les partis de l'opposition sont donc relégués au rôle, plus symbolique, de critique du gouvernement et de gardien de la démocratie.
S'il ne fait pas de doute que cette situation n'est pas idéale, elle a cependant l'avantage de fixer des règles du jeu claires, laissant peu de place aux louvoiements partisans. Le gouvernement peut se concentrer sur son rôle principal en appliquant le programme politique pour lequel il a été élu; les partis de l'opposition, eux, remplissent leur mandat parlementaire sans se soucier des stratégies et préparatifs qu'impose une élection imminente.
En période minoritaire, il en va tout autrement. Loin d'entraîner une valorisation de la démocratie, cette situation favorise au contraire une puissance excessive du Parlement. Cette force s'exprime d'abord par une exacerbation des tensions parlementaires en raison de la volonté des partis de l'opposition de participer davantage à l'exercice du pouvoir et des difficultés d'un gouvernement, même minoritaire, à associer l'opposition à l'action gouvernementale. Dans ce contexte, les parlementaires perdent de vue l'intérêt général de leurs commettants et favorisent une politique partisane à courte vue. Plus question pour l'opposition de jouer son rôle symbolique de gardien de la démocratie. En effet, les yeux rivés sur les sondages d'opinion, elle ne cherche qu'à miner le gouvernement en attendant impatiemment le moment opportun de le renverser.
Le gouvernement, de son côté, par crainte de fragiliser une situation déjà précaire, préfère reporter les projets de réforme, excluant ainsi du menu législatif les projets de loi susceptibles de soulever la controverse. C'est donc dire qu'en période minoritaire, le concept de souveraineté populaire se trouve confisqué par le Parlement qui devient maître du jeu politique et l'instrument des partis, au détriment de l'exécutif et du peuple lui-même.
Un gouvernement improductif
Comme en fait écho le rapport annuel de l'Assemblée nationale, les parlementaires passent moins de temps au parlement en période minoritaire qu'en période majoritaire. Cette caractéristique laisse croire qu'une situation minoritaire n'entraîne donc pas nécessairement une augmentation du travail législatif. Pourtant, en situation minoritaire, la logique voudrait qu'au contraire le travail législatif soit plus consistant.
Si le Parlement n'est plus, comme en période majoritaire, une simple chambre d'enregistrement au service du gouvernement, il est de toute évidence le reflet d'un gouvernement improductif, paralysé par la crainte de devoir négocier le menu législatif avec une opposition plus puissante. ()
Déclencher des élections
Le gouvernement atteindra, dans le courant de l'été, la courte espérance de vie d'un gouvernement minoritaire, qui ne survit généralement guère plus de 18 mois. De toute évidence, le travail de nos parlementaires tend à démontrer que la pratique minoritaire, depuis mars 2007, ne favorise ni le gouvernement ni les partis de l'opposition. Le moteur gouvernemental fonctionne au ralenti, l'opposition ne remplit pas véritablement son rôle et l'intérêt des citoyens est relégué au second rang.
Dans un tel contexte, le gouvernement pourrait profiter de sa récente embellie dans les sondages d'opinion pour prendre la décision, justifiée, de déclencher des élections afin de redonner au gouvernement un Parlement qui puisse mettre en oeuvre le programme politique qu'aura choisi la population.
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Fournier, Antonin-Xavier
L'auteur est professeur de science politique au cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu.
Un mythe à déconstruire
Il est faux de penser que la démocratie est mieux servie en période de gouvernement minoritaire
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