IDÉES

Un fleurdelisé trop français, trop catholique, trop royaliste

Dans le Québec d’aujourd’hui, nous ferions mieux avec un drapeau plus rassembleur

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N'importe quoi ! Le fleurdelysé symbolise parfaitement nos racines historiques

Je voudrais profiter de notre Fête nationale pour proposer l’ouverture d’un débat sur l’opportunité de remplacer le fleurdelisé comme drapeau du Québec par celui des patriotes de 1837, auquel on pourrait ajouter en son centre, comme une marque de notre temps, l’iris versicolore, notre emblème floral par décision démocratique. Évidemment, cette proposition inattendue demande des explications que je m’empresse de fournir.

Et d’abord, pourquoi le fleurdelisé ne ferait-il plus l’affaire, pourquoi serait-il devenu suranné ? Tout simplement parce qu’il ne correspond plus au Québec d’aujourd’hui, un Québec qui se construit à la fois sur l’histoire, sur le présent et sur l’avenir. Notre cher fleurdelisé a peut-être de bien belles vertus, mais au regard du Québec de maintenant, je lui trouve de plus en plus de vices, le premier et le plus lourd étant qu’il date. Un peu, pas mal, beaucoup, passionnément ! Il n’est plus capable de dire le Québec d’aujourd’hui. Il nous vient de la France d’avant la révolution de 1789, sans doute en lien avec ce moment d’histoire où nous en étions une colonie. Si j’étais Québécois d’origine chinoise, indonésienne, vietnamienne, indienne, arabe, japonaise ou européenne, si j’étais musulman, bouddhiste, shintoïste ou même protestant, je ne me reconnaîtrais pas du tout dans ce drapeau fait d’une croix chrétienne et de fleurs de lys royales blanches sur fond bleu qui rappelle avec insistance que les pères des pères des pères des pères des Québécois de souche étaient Français, catholiques et royalistes.

Néïcites et Nélabas

Pourtant, aujourd’hui, le Québec n’est plus, faut-il vraiment le rappeler, une ex-colonie d’une France elle-même ex-catholique et ex-monarchie. Dans la conjoncture actuelle, s’il y a un signe ostentatoire d’une appartenance religieuse spécifique et dépassée, c’est bien le fleurdelisé et la croix chrétienne. Passe encore que la croix subsiste en croix de chemin, comme subsisteront d’ailleurs les symboles appropriés au fronton des mosquées, des synagogues, des temples et des églises, mais sur un drapeau national comme symbole rassembleur par excellence d’un pays pluriel, c’est une tout autre histoire.

Accepter de changer de drapeau serait pour les Québécois de souche, que j’aime bien appeler les Néïcites (pour « nés icitte »), une façon de prouver aux autres Québécois, les Nélabas (« nés là-bas »), que le lieu de naissance est une ligne de démarcation qui ne tient plus pour marquer le territoire de notre vouloir vivre ensemble, qu’une page de notre histoire est tournée et que, sans nier les origines des premiers arrivants, le pays à venir sera grâce à eux francophone, mais sera aussi le pays de tous les gens d’ici et maintenant.

Ce serait une merveilleuse façon pour les Néïcites de s’ouvrir aux Nélabas et de les laisser entrer de plein droit dans la marche vers le Pays. Pour moi, il ne fait pas de doute qu’un attachement ringard aux symboles de nos origines nous oblige à faire ces incohérentes et détestables entourloupettes que sont les accommodements raisonnables. En obligeant tout le monde à se rallier aux symboles nationaux des ancêtres des premiers arrivants, on entretient chez les néo-Québécois le besoin de se replier sur leurs propres origines, retardant d’autant leur adhésion à un projet commun auquel ils pourraient mieux s’identifier. On crée ainsi des communautarismes qui tentent de faire contrepoids à notre propre communautarisme fondateur. Les Dessouche devraient donner l’exemple d’ouverture sur le Québec à venir et une façon de le faire serait d’accepter cette mise à jour de nos principaux symboles identitaires.

Changer notre drapeau, ce serait aussi la preuve irréfutable donnée à nos compatriotes que les Néïcites, conscients de leur contribution majeure à travers la langue française et les valeurs communes de notre charte, renoncent à imposer ce qui était l’essence d’une identité historique statutairement révolue comme déterminant hégémonique de l’identité d’un Québec souverain.

Beaucoup plus inclusif

Je propose donc de remplacer le drapeau fleurdelisé par le drapeau des patriotes de 1837-1838, formé des trois bandes horizontales aux couleurs verte, blanche et rouge, auquel nous ajouterions, au centre de la bande blanche, l’iris versicolore, emblème floral contemporain par décision de l’Assemblée nationale. Ce tricolore, qui fit une première apparition en 1832, devint effectivement le drapeau officiel des patriotes en 1837 et fut hissé par Robert Nelson et ses Frères chasseurs lorsqu’ils proclamèrent la République du Bas-Canada en 1838. En ce sens, il est associé à un projet de république laïque très progressiste pour l’époque, à laquelle il ne manquait… que le droit de vote aux femmes ! De ce fait, le drapeau des patriotes a cet autre avantage insurmontable sur le fleurdelisé qu’il est beaucoup plus près, plus représentatif, du projet d’un Québec souverain, démocratique et progressiste.
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