Un fantasme

Actualité québécoise - vers une « insurrection électorale »?


Au début des années 1970, l'entrée en scène du PQ avait eu pour effet de semer la zizanie au sein de la gauche québécoise. Dénonçant le «cul-de-sac nationaliste», Charles Gagnon avait rejeté catégoriquement l'appel à l'unité lancé par Pierre Vallières dans L'Urgence de choisir.
En 1991, le dernier président du Mouvement socialiste, Germain Gauvin, avait tiré la conclusion de vingt ans de piétinement: «Tant que la question nationale ne sera pas réglée, il sera extrêmement difficile de mettre sur pied une organisation axée sur des intérêts sociaux, parce que la souveraineté finit toujours par monopoliser les débats.»
Rien n'a changé depuis. Même si les membres du SPQ Libre continueront à défendre un point de vue de gauche au sein du PQ, ceux de Québec solidaire le tiennent pour un parti indécrottablement «bourgeois».
La droite est plus pragmatique que la gauche, croit-on généralement. Certains peuvent bien fantasmer, mais la création d'un parti de «lucides», où fédéralistes et souverainistes cohabiteraient en harmonie, se heurterait sans doute au même écueil.
En octobre 2005, les douze signataires du manifeste Pour un Québec lucide s'étaient entendus pour laisser la question nationale de côté. «Certains membres de notre groupe sont favorables à la souveraineté, d'autres pensent que l'avenir du Québec sera mieux assuré au sein du Canada, pouvait-on y lire. Les uns estiment leur option préférable à celle des autres, mais nous avons tous la certitude que, quel que soit le choix des Québécois, les défis qui confrontent le Québec resteront entiers.»
Dans un document de dix pages, il est possible de ne pas tenir compte d'une question qui est au coeur du débat politique québécois depuis 250 ans. Transposer cette neutralité dans la réalité est une autre affaire.
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En août 2008, bien avant que Lucien Bouchard ne renvoie à son tour la souveraineté aux calendes grecques, François Legault avait causé un émoi au PQ en déclarant que le niveau de cynisme envers la classe politique en rendait la réalisation impossible. En attendant, il fallait se concentrer sur l'économie, la santé, l'éducation.
Joseph Facal partage sans doute l'exaspération de son ex-collègue devant la valse-hésitation du PQ, qui semble se satisfaire d'attiser l'insatisfaction à l'endroit du gouvernement Charest, sans oser s'attaquer aux «vaches sacrées» qui plombent le «modèle québécois».
Il est vrai qu'avec un gouvernement aussi impopulaire, l'avance du PQ dans les intentions de vote devrait être plus considérable. C'est précisément pourquoi il risque de devenir plus timide encore. Plus les élections vont approcher, plus la tentation de ne pas faire de vagues va être forte.
M. Facal est indéniablement un «lucide» qui croit à l'urgence d'un sérieux coup de barre, mais il voit aussi la souveraineté comme une pressante nécessité, sans quoi le Québec est voué à la folklorisation, en attendant l'assimilation.
On dit que le débat sur la souveraineté a accaparé trop d'énergie depuis quarante ans. On peut en tirer deux conclusions diamétralement opposées: M. Legault estime que sa mise en veilleuse permettrait de s'attaquer aux problèmes difficiles auxquels le Québec est confronté; M. Facal pense au contraire qu'il faut la réaliser au plus vite afin de pouvoir enfin passer à autre chose.
Après avoir lu son dernier livre, Quelque chose comme un grand peuple, il est très difficile de l'imaginer militer au sein d'un parti, encore moins participer à un gouvernement qui n'en ferait pas une priorité.
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En 1998, Jean Charest s'était lancé en campagne électorale sans programme constitutionnel. Cela traduisait très bien son peu d'intérêt pour la question, mais il a vite compris qu'il s'agissait d'une figure imposée pour quiconque aspire à gouverner le Québec.
Même s'il n'y a pas plus d'appétit pour une nouvelle série de négociations que pour un autre référendum, il n'existe malheureusement pas de limbes constitutionnels où il est possible de se réfugier et de faire abstraction de la dynamique fédérale-provinciale pour se consacrer uniquement aux «vrais problèmes».
Par rapport à ce que l'on a connu dans le passé, les années Harper sont relativement tranquilles sur le front constitutionnel. Rien à voir avec le rapatriement unilatéral de 1982 ou la Loi sur la clarté.
Pourtant, les intérêts du Québec sont continuellement menacés, que ce soit par les changements proposés à la composition de la Chambre des communes, le projet d'une commission des valeurs mobilières pancanadienne ou encore le jugement de la Cour suprême sur les écoles passerelles. Pour s'y opposer, un gouvernement où fédéralistes et souverainistes se paralyseraient mutuellement serait sans doute la pire des solutions.
L'effondrement de l'ADQ depuis le départ de Mario Dumont peut donner l'impression d'un vide sur la scène politique québécoise, mais ce n'est pas en proposant une nouvelle «troisième voie», celle de la gestion pure, qu'on va le combler.
On s'est moqué de Raymond Bachand quand il a déclaré que l'objectif n'était pas d'équilibrer le budget, mais d'être heureux comme peuple. Si Lucien Bouchard avait dit la même chose, personne n'aurait ri. Ce n'est pas d'un nouveau parti que le Québec a besoin.


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