Dans Le Devoir de ce matin, l'ex-juge Bastarache - président de la commission chargée par Jean Charest d'étudier le processus de nomination des juges au Québec -, en a beaucoup dit. Et il a beaucoup parlé aux médias depuis quelques jours.
Pour Me Bastarache, le fameux «devoir de réserve» semble être un concept un tantinet abstrait...
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«Nommer un juge est un geste politique», dit-il en entrevue au Devoir. Mais il faudrait, selon lui, distinguer cela d'une «nomination partisane».
Mais la frontière entre les deux, semble-t-il, est fort mince. À preuve la liste qui s'allonge de juges nommés par le gouvernement qui, en plus de leurs belles qualités professionnelles, ont aussi été soit proches du parti au pouvoir, soit qu'ils l'ont financé, soit qu'ils ont été «poussés» par des financiers du parti, etc...
Même le criminaliste Me Jean-Claude Hébert, à Tout le monde en parle, racontait qu'il avait voulu être nommé juge par Ottawa il y a une dizaine d'années, mais qu'il lui manquait un petit quelque chose: «Et là, une personne en très haute autorité m'a dit «avez-vous des appuis politiques?»....
Mais en bout de piste, contrairement à ce que semble avancer Me Bastarache, l'important dans un tel processus, pour reprendre ce qu'en dit le professeur de droit à la retraite Patrice Garant, dans le Globe and Mail de ce matin, est ceci: «The question is whether if someone who was not politically active has as much a chance of being appointed judge as someone who is.» (La question est de savoir si une personne qui n'a pas été active politiquement a autant de chances d'être nommé juge qu'une personne qui l'est.)
Relisez cette citation. Ça vaut la peine. Elle dit tout.
Ce qui compte aussi est de savoir si l'«argent» - comme dans fonds collectés et/ou donnés à un parti - exerce ou non une quelconque influence sur la nomination d'un juge. Et de savoir qui, dans les faits, se mêle directement et indirectement du processus.
Ces questions sont plus que pertinentes. Du moins, dans la mesure où l'on chercherait vraiment à s'assurer que le processus de nomination soit le plus dépolitisé possible et donc, le plus protégé possible du genre d'influences indues qui surpasseraient l'importance accordée aux compétences des candidats et candidates. De toute évidence, le processus de nomination, tel qu'on le «pratique» ici, ne semble pas rencontrer tout à fait ce genre d'exigences...
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Au Devoir, Me Bastarache dit aussi s'inquiéter de «l'espèce de frénésie qui s'est emparée des gens pour écarter tout le monde qui a touché de loin ou de près à la politique». Frénésie?...
Tellement loquace, Me Bastarache, que certains ont même commencé à le comparer à John Gomery, l'ancien président de la commission du même nom sur le scandale des commandites. Pas pour ses bons coups, par contre, mais parce qu'il a été blâmé en 2008 par la Cour fédérale pour certains propos qui auraient manqué d'«impartialité».
Ironiquement, des propos que Me Gomery avait tenus, entre autres, dans les médias.
De fait, il fut surtout «blâmé» par la Cour fédérale pour avoir donné l'impression que son «idée» était en partie faite avant que sa commission ne termine son travail.
Et s'il ne prend garde, certains propos de Me Bastarache dans les médias pourraient créer une impression semblable.
Dans sa décision sur John Gomery, le juge Max Teitelbaum de la Cour fédérale avait d'ailleurs affirmé ceci: «Même dans le cadre d'une enquête publique où l'objet des procédures est d'éduquer et d'informer le public, il n'appartient pas aux décideurs d'intervenir de manière active dans les médias. (...) Un décideur s'exprime par la décision qu'il rend. C'est là le seul endroit où un décideur devrait énoncer ses conclusions.»
Des paroles fort sages à méditer....
En fait, tellement loquace avec les médias, Me Bastarache, qu'il semblerait qu'on lui aurait fait comprendre qu'il serait mieux pour lui dorénavant de se concentrer sur la préparation de sa commission plutôt que de multiplier ses entrevues dans les médias.
En effet.
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Addendum: http://www.cyberpresse.ca/dossiers/allegations-de-marc-bellemare/201004/20/01-4272462-bellemare-se-retranche-dans-le-mutisme-le-plus-complet.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B4_manchettes_231_accueil_POS1
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@ Caricature: Garnotte, Le Devoir.
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