29e anniversaire du rapatriement de la Constitution

Un enjeu fondamental pour les Québécois

Élections fédérales - 2011 - le BQ et le Québec


Lors du débat des chefs du 13 avril dernier, le chef du Bloc québécois a rappelé qu'en 1982 la Constitution a été rapatriée de Grande-Bretagne contre la volonté du Québec. Ce dernier a alors perdu son droit de veto et une Charte des droits lui a été imposée. Répondant à Gilles Duceppe, le chef libéral Michael Ignatieff a déclaré que nous étions en 2011, que cette question relevait du passé et que personne ne lui en parlait. Le chef conservateur a abondé dans le même sens en disant que les Québécois ne veulent plus entendre parler des vieilles chicanes constitutionnelles.
Rien ne saurait être plus faux. Faut-il rappeler ici ce qui est une évidence, à savoir que la Loi constitutionnelle de 1982 s'applique au Québec même si elle date de 29 ans? C'est grâce aux dispositions linguistiques de la Charte qu'en 2009 les juges de la Cour suprême, nommés par Ottawa, ont invalidé la loi 101 à une quatrième reprise, cette fois dans le dossier des écoles passerelles.
Accommodements
Cette décision a été condamnée unanimement à l'Assemblée nationale et on se moque des Québécois en disant que «cette vieille chicane» ne les intéresse pas. C'est encore grâce à la Charte, notamment en vertu de son article 27 sur le multiculturalisme, que le plus haut tribunal du pays a permis une multitude d'accommodements dits raisonnables au cours des dernières années, par exemple le port du kirpan dans nos écoles ainsi que l'octroi de congés payés supplémentaires pour les employés issus de minorités religieuses.
Ces décisions ont pour effet de réintroduire la religion dans la sphère publique, ce qui va totalement à l'encontre du processus de laïcisation du Québec amorcé depuis la Révolution tranquille. Ce n'est pas pour rien que sondage après sondage, les Québécois s'y opposent par une très grande majorité.
Statut du Québec
Ce n'est pas un hasard si au cours du débat en anglais Gilles Duceppe a été le seul à pourfendre le multiculturalisme, tandis que les trois autres chefs l'ont encensé à qui mieux mieux. Ce principe a été introduit dans la Constitution par Pierre Trudeau, avec pour but de banaliser le statut du Québec à l'intérieur du pays et d'effacer le concept des peuples fondateurs. L'ancien premier ministre souhaitait faire naître de toutes pièces un nouveau Canada en effaçant les traditions et la culture du pays pour le transformer en un méli-mélo bilingue et multiculturel coast to coast, première étape d'une croisade universelle d'effacement des nations dont le point de départ était le Québec.
Mettant en cause la laïcité et la francisation de ce dernier, cet ambitieux projet heurtait trop la majorité pour se réaliser dans la sphère politique. Trudeau a donc transposé ses objectifs dans une charte dont le but premier n'est pas de défendre les droits et les libertés, mais de donner aux juges fédéraux le mandat d'imposer au Québec le bilinguisme et le multiculturalisme contre sa volonté démocratique.
Deux poids, deux mesures
Les deux débats auront démontré que ce projet demeure au centre de l'expérience canadienne, quel que soit le gouvernement en place. Pour le premier ministre fédéral, la Constitution est soudainement importante quand ce sont les objectifs d'Ottawa qui sont en cause. Quand le Bloc demande que les entreprises opérant au Québec et relevant du Code du travail fédéral soient soumises à la loi 101, Stephen Harper répond qu'il s'agit d'une question de respect des compétences.
Il oublie du même souffle de mentionner que son gouvernement finance les procédures juridiques de contestation de la loi 101, notamment grâce à l'argent des contribuables québécois. Il fait aussi mine d'ignorer que dans le dossier de la création d'une autorité fédérale des marchés financiers, une autre vieille chicane qui n'intéresse pas les Québécois, son gouvernement essaie d'imposer ses vues aux provinces dans ce qui est clairement une de leurs juridictions exclusives.
Ce deux poids, deux mesures n'est pas nouveau. Les Québécois le subissent depuis le rapatriement de la Constitution en 1982, événement fondateur qui lui vaut aussi des attaques incessantes contre des aspects fondamentaux de son identité. Le plus ironique toutefois est de voir Harper et Ignatieff déplorer l'inutilité du Bloc tout en balayant du revers de la main les revendications du Québec. Comme si la popularité de ce parti n'avait rien à voir avec l'insatisfaction que suscite leur politique du refus.
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Frédéric Bastien - Historien, l'auteur prépare un livre sur le rapatriement de la Constitution

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Frédérick Bastien4 articles

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L’auteur est chercheur postdoctoral au département d’information et de communication de l’Université Laval et membre du comité rédactionnel de l’observatoire sur le journalisme « ProjetJ.ca »





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