Un comité d'éthique sur le vieillissement

Questions de société


La révolution de la longévité et le vieillissement occuperont le tout premier rang des mutations qui changeront la vie des personnes, les rapports entre les générations et l'organisation sociale dans l'avenir prévisible. Entre le déclin annoncé par les uns et la célébration d'«une vie en plus» célébrée par les autres, un vaste espace est ouvert pour la production de pensées nouvelles susceptibles de contribuer à la compréhension de ce qui vient, d'éclairer les enjeux qui déjà nous sollicitent et de déterminer les choix qui en découlent.
La prolongation de la vie est une donnée commune à l'ensemble des sociétés dites développées, dont la nôtre. En moins d'un siècle, la durée de la vie a été multipliée par deux. Pour l'avenir prévisible, on estime qu'elle se prolongera de deux années par décennie. Un enfant sur deux qui naît aujourd'hui deviendra centenaire.
Cette longévité en expansion pulvérise la conception traditionnelle du vieillissement. Elle n'en est ni la prolongation ni la négation. Ce qui vient ne ressemble en rien à ce que les générations successives ont expérimenté. Ce n'est pas la vieillesse qui s'allonge, c'est la durée de la vie qui s'accroît, et les effets de ce progrès sont considérables.
- Sont et seront bouleversés la conception des étapes traditionnelles de la vie, les formes de la responsabilité entre les personnes, les exigences familiales et les rapports entre les générations.
- Sont et seront bouleversées les proportions consacrées à la part active de la vie et à la retraite.
- Sont et seront bouleversés les systèmes sociaux dédiés aujourd'hui à la partie la plus âgée de la population. L'idée selon laquelle l'extension de ce qui existe répondra aux effets de la longévité est inadéquate et dangereuse. Si nous nous en tenions à cette extension, la prolongation de la vie, qui «est une bonne nouvelle pour les personnes, serait une catastrophe pour la société». La longévité appelle une redéfinition en profondeur de nos politiques sociales, y compris de celles qui encadrent la formation continue, le travail, la retraite, la sélection et l'intégration des immigrants, la santé et les soins aux personnes en perte d'autonomie.
- Sont et seront bouleversés les arrangements fiscaux actuels et les programmes financiers de soutien à la vieillesse. Ces derniers devront intégrer une conception de la solidarité tenant compte de données inédites: la vitalité, la capacité et, en conséquence, la productivité de groupes d'âge hier encore dépendants.
L'urgence de la non-indifférence
La révolution de la longévité au Québec se déploie dans un contexte singulier et inquiétant. Elle est en effet indissociable d'une condition démographique qui, ces dernières décennies, a été une des plus faibles du monde. Le Conseil des aînés a résumé la situation dans une phrase lourde de sens: «Aucun pays n'est encore parvenu à un tel degré de vieillissement démographique.»
Certains faits suivants méritent un bref rappel. Du côté du vieillissement, sachons que si les personnes de 65 ans et plus représentaient, en 2001, 13 % (965 143) de la population, cette proportion atteindra 21,3 % en 2021 (1 703 582) et 26,95 % en 2031 (2 183 655).
Du côté du prolongement de la vie, on peut avancer que pour la même période, la proportion de la population âgée de 75 ans sera presque multipliée par deux, de 415 742 personnes à 726 631, alors que celle âgée de 85 ans et plus passera de 95 325 à 202 522.
De toute évidence, au Québec, le ralentissement de l'arrivée de la mort n'est pas compensé par le volume d'arrivée de la vie. Cette fracture amplifie tous les bouleversements désignés précédemment.
À moins d'un changement de nature de certaines de nos politiques, on pense notamment au volume et à l'accompagnement des immigrants qui viennent enrichir notre société, il se pourrait que la révolution de la longévité constitue une catastrophe pour le Québec et que cette bonne nouvelle pour les personnes se tourne contre elles. Cette éventualité doit être renversée. Telle doit être la priorité des priorités pour tous les Québécois.
Une pensée nouvelle
Composé de citoyens tous bénévoles et interpellés par les questions multiples et capitales que posent la révolution de la longévité et le vieillissement individuel et collectif au Québec, le Comité national d'éthique sur le vieillissement et les changements démographiques, créé par le Conseil des aînés,
fait le pari de la non-indifférence, de la capacité et de la volonté des Québécois à produire de la pensée nouvelle.
- Pour que la vie prolongée soit heureuse et que la contribution à la société des personnes qui en sont les bénéficiaires soit acceptée, repensée et perçue comme étant utile et précieuse.
- Pour que les stéréotypes sur la vieillesse soient remplacés par une vision réaliste de la vitalité, de la capacité et de la productivité des personnes qui seront touchées par la révolution de la longévité.
- Pour que soient aménagés les espaces publics en conformité avec les nécessités et les besoins de cette catégorie de nos concitoyens.
- Pour que soient respectés les droits des personnes de toute catégorie d'âge et confortée la solidarité des personnes et des générations les unes pour les autres. La guerre des générations que certains annoncent avec légèreté équivaudrait à un suicide collectif.
- Pour que soient pris en compte les besoins éthiques accompagnant le très grand âge: respect des rythmes apaisés du corps et de l'esprit, passage à la dépendance dans la dignité, soif d'humanité et d'affection, conditions et moment du départ et, sans doute, quelques autres inquiétudes plus intimes qui interpellent les personnes qui s'approchent de la fin et auxquelles nous nous joindrons un jour.
Les gens intéressés par les travaux du Comité d'éthique peuvent faire connaître leurs préoccupations et leurs points de vue à l'adresse courriel ou au numéro de téléphone sans frais suivants: aines@conseil-des-aines.qc.ca ou 1 877 657-2463.
***
Jean-Louis Roy, Président du Comité national d'éthique sur le vieillissement et les changements démographiques et chercheur invité au Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal
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Jean-Louis Roy, Chercheur invité au Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal, secrétaire général de l'Agence intergouvernementale de la Francophonie de 1990 à 1998 et actuel président du conseil d'administration du Centre de la francophonie des Amériques.





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