Si les événements de la Catalogne ont occupé l’avant-scène politique et médiatique depuis le référendum du premier octobre dernier, la quête de souveraineté (pleine ou partagée) est plus vaste que cette seule manifestation.
Cette quête est portée par des dizaines de communautés dans toutes les régions du monde. Récemment, elle s’est notamment manifestée en Asie, dans l’espace kurde irakien ; en Afrique, chez certains membres de la communauté anglophone du Cameroun ; en Europe, dans des régions de l’Italie sans oublier le Brexit qui, selon ses adeptes, vise la reconquête de la souveraineté britannique.
On le sait, elle est dormante à travers le monde, de la France au Royaume-Uni, de la Belgique à l’Allemagne, de l’Italie à l’Espagne à nouveau, celle du Pays basque. Elle l’est aussi dans de nombreux pays africains, de la Casamance, au Sénégal à l’Oromia, en Éthiopie ; en Amérique latine, des zapatistes au Mexique aux indépendantistes portoricains ; en Asie, des Tibétains en Chine aux Tamouls au Sri Lanka parmi tant d’autres.
Ce qui vient de se produire en Espagne est déshonorant pour toutes les parties qui sont les premières victimes de leurs stratégies irresponsables. Tout doit être mis en oeuvre dans les consultations référendaires à venir pour éviter cette fréquentation des gouffres : violence extrême des services de police du gouvernement espagnol ; déclaration d’indépendance de la Catalogne hors des balises constitutionnelles et des règles édictées par son propre Parlement, déclaration fondée sur des résultats politiques nettement insuffisants ; destitution du gouvernement de Barcelone et mise sous tutelle de ses compétences et services ; exil de leaders catalans, dont le chef du gouvernement menacé de 30 années de prison.
Ce gâchis a été rendu encore plus tragique par les déclarations des autorités européennes qui, telles des spectatrices désengagées, n’ont rien offert aux partis — aucune plateforme de rencontres — hors toutes pressions d’un camp ou de l’autre. Toujours si prompte à juger les difficultés politiques des anciennes colonies de ses États membres et à décliner les conditions de la légitimité de leurs gouvernements, l’Union européenne n’a rien vu venir et rien vu se produire sur son propre territoire où se multipliaient distorsions des valeurs démocratiques et manipulations des règles de l’État de droit. D’autres voies sont possibles.
Un acte politique sans équivalent
Confronté récemment à de fortes demandes de sa minorité anglophone, dont certains éléments évoquaient leur éventuelle indépendance, le gouvernement du Cameroun a serré la vis puis multiplié les initiatives : création d’une commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme, missions auprès de la diaspora camerounaise, création de deux comités ad hoc chargés d’examiner les revendications des syndicats d’enseignants et celles des avocats. Le gouvernement a aussi libéré certains leaders anglophones mis en prison à la suite de manifestations houleuses, envoyé des négociateurs dans les régions anglophones, dont le premier ministre, anglophone lui-même, à la rencontre des groupes qui, à tort ou à raison, croient que leur communauté n’a pas sa juste part des ressources et responsabilités publiques. Dans ce pays où cohabitent de grandes familles ethniques (Peul, Bétis et Bamiléké), de grandes communautés spirituelles et religieuses (animiste, chrétienne et musulmane), un choix a été fait, celui de la délibération comme voie privilégiée de règlement de crise.
L’accession à la souveraineté constitue un acte politique sans équivalent tant sa signification et ses effets, internes et externes, sont considérables. À cet acte politique sans équivalent doivent correspondre des normes qui soient, elles aussi, sans équivalent : distinction entre minorités et communautés nationales ; entente négociée entre les parties ; consultation populaire inattaquable ; consentement majoritaire indiscutable des citoyens et des parlementaires. Vote majoritaire ou obligatoire ? Majorité qualifiée des électeurs votants ou des électeurs inscrits et aussi pour la représentation nationale ? À débattre.
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