Alexandre Shields - Les réactions étaient généralement mitigées hier à la suite de la nomination de Michael Sabia à titre de président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec. On se dit à la fois sceptique quant à sa capacité de faire face à la musique et étonné par la rapidité de la désignation de ce dernier comme dirigeant du «bas de laine» des Québécois.
L'ancien premier ministre Bernard Landry a été le premier à décrier ce choix. «C'est plus qu'une erreur, c'est une faute qui s'approche de la provocation», a-t-il lancé quelques minutes à peine après l'annonce. «Cet homme-là, en dépit de ses mérites économiques, était le dernier profil à choisir pour diriger cette institution. Je pense que le gouvernement commet une sorte de provocation, et même dans les rangs des libéraux québécois, ça ne devrait pas être bien accueilli», a ajouté celui qui a déjà été ministre des Finances du Québec.
M. Landry a pris soin de souligner que sa critique n'avait «rien à voir avec le lieu où est né M. Sabia», qui est originaire de l'Ontario. «C'est son parcours, sa culture socioéconomique et sa culture nationale, qui est canadian. Il nous l'a d'ailleurs prouvé encore dernièrement. Il était l'artisan du transfert à Toronto de BCE, qui est un des fleurons de l'appareil décisionnel économique de Montréal, avec toutes les conséquences que cela aurait pu avoir.»
Selon lui, il aurait plutôt fallu choisir «quelqu'un qui aurait passé sa vie dans la culture socioéconomique québécoise, qui épouse le modèle québécois» pour diriger «la plus grande institution financière du Québec, avec toute la symbolique qu'elle représente».
«Offensant», dit Yves Michaud
Le fondateur du Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires, Yves Michaud, a quant à lui insisté sur le caractère «cavalier» et «offensant» de cette nomination «à la limite de la légalité». «Je n'ai jamais vu ça qu'un conseil d'administration amputé de la moitié de ses membres fasse une recommandation au gouvernement qui, lui, passe un décret sans avoir nommé tous les nouveaux membres du conseil d'administration», a-t-il insisté.
Il a du même coup réitéré sa suggestion selon laquelle le choix du dirigeant de la Caisse devrait se faire aux deux tiers des députés de l'Assemblée nationale. M. Michaud ne souhaite cependant pas juger M. Sabia avant de voir ce qu'il fera à la tête de l'institution.
Ancien président-directeur général de la Caisse de dépôt et placement du Québec de 1980 à 1990, Jean Campeau s'est pour sa part dit «sceptique» quant à la nomination de M. Sabia. «Pour être dirigeant de la Caisse, il faut avoir la passion du Québec, il faut avoir une attitude missionnaire dans le développement régional, et je me demande si M. Sabia a ça en lui», a-t-il dit au journal Les Affaires.
La performance de M. Sabia lorsqu'il était à la tête de BCE, de 2002 à 2008, amène en outre M. Campeau à douter de ses qualités de gestionnaire. «On rapporte qu'il est incapable de prendre des décisions, qu'il blâme les autres pour ses échecs, est-ce que c'est vrai? Je ne le sais pas, mais j'espère que non.»
De son côté, l'investisseurs Stephen Jarislowsky a surtout tenu à rappeler l'ampleur de la tâche qui attend Michael Sabia, et ce, malgré sa grande expérience en tant que gestionnaire. «S'il veut être cuit, je crois que c'est un bon choix», a-t-il laissé tomber à un quotidien montréalais.
L'analyste Michel Nadeau, qui a déjà été le numéro deux de la Caisse, a rappelé que M. Sabia n'a peut-être pas toutes les cordes à son arc pour diriger l'institution. «Il a trois grandes carences. Il ne s'y connaît pas en placements, sa performance dans la gestion n'a pas été très bonne et sa connaissance du mandat [de contribution à l'essor économique du Québec] est très, très faible.» Selon lui, «le gouvernement voulait arrêter l'offensive péquiste» sur la gestion de la Caisse en procédant à cette nomination dès maintenant.
Un choix qui suscite beaucoup de scepticisme
Selon lui (B. Landry), il aurait plutôt fallu choisir «quelqu'un qui aurait passé sa vie dans la culture socioéconomique québécoise, qui épouse le modèle québécois» pour diriger «la plus grande institution financière du Québec, avec toute la symbolique qu'elle représente».
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