Un chèque en blanc

Élection Québec 2012



Dans l'un de ses «entretiens» avec le journaliste Gilles Toupin, publiés il y a un an, Gilles Duceppe déclarait: «Que l'on ne parle plus de la date d'un référendum ou d'une stratégie très précise et que l'on parle davantage du fond des choses. Je suis entièrement d'accord avec Pauline Marois et avec le Parti québécois là-dessus.»
M. Duceppe répète depuis des années qu'il ne veut pas faire de «stratégie ouverte», mais ceux qui sont prêts à se jeter dans ses bras devraient quand même se demander s'il en a réellement une. Et, dans l'affirmative, en quoi elle diffère de celle qu'ils reprochent à Pauline Marois.
Évidemment, s'ils sont prêts à tout accepter pour autant que les sondages soient bons pour le PQ, il est inutile de poser la question, mais il faudra en conclure que les critiques de la «gouvernance souverainiste» préconisée par Pauline Marois sont simplement un prétexte.
Quand cette nouvelle approche avait été soumise au conseil national en juin 2010, le chef du Bloc québécois avait déclaré que la réclamation de nouveaux pouvoirs était «la bonne stratégie» pour les souverainistes.
«Actuellement, c'est l'immobilisme le plus complet et il importe, je pense, qu'un gouvernement du Parti québécois fasse avancer le Québec, tout en sachant que notre option, c'est la souveraineté», avait-il expliqué. Mme Marois ne saurait mieux dire.
M. Duceppe avait fait valoir que «les trois gros gains depuis 40 ans» avaient été obtenus par des gouvernements péquistes: l'entente Cullen-Couture sur l'immigration (1978), l'entente sur la formation de la main-d'oeuvre (1997) et l'amendement constitutionnel qui a permis la création des commissions scolaires linguistiques (1997).
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Tout le monde peut changer d'idée. Croit-il maintenant qu'un gouvernement souverainiste devrait renoncer à arracher de nouveaux pouvoirs à Ottawa en attendant le jour où la souveraineté permettra de les rapatrier tous? Jusqu'à présent, il a toujours dit que la politique du pire était la pire des politiques.
Jacques Parizeau, qui a toujours manifesté sa grande estime pour l'ancien chef du Bloc, l'avait tout particulièrement encensé pour «la clarté remarquable» d'un discours prononcé à Washington en octobre 2010.
Ce n'était qu'une question de temps avant que le PQ ne reprenne le pouvoir et tienne un autre référendum, avait dit M. Duceppe, ajoutant que les États-Unis auraient tout intérêt à reconnaître rapidement la souveraineté du nouvel État au lendemain d'un oui.
On peut comprendre que cela ait été de la musique aux oreilles de M. Parizeau, mais cette «clarté remarquable» laissait dans la plus complète noirceur la façon dont il faudrait s'y prendre pour promouvoir et réaliser la souveraineté.
Pour le chef d'un parti condamné à l'opposition perpétuelle à Ottawa, mais généreusement subventionné par l'État canadien, il était facile de parcourir le monde en annonçant le grand soir. C'est une autre affaire pour celui qui se retrouve à la tête d'un gouvernement à Québec. Quelqu'un pense-t-il sérieusement que M. Duceppe serait plus pressé que Mme Marois de tenir un référendum?
Il est peut-être un «as» dans la manche du PQ, mais ceux qui le tiennent pour un kamikaze risquent de déchanter. Avant de lui faire un chèque en blanc, il serait peut-être bon d'en savoir un peu plus long sur ses intentions. Les militants péquistes en avaient signé un à Mme Marois en 2007. On voit aujourd'hui le résultat.
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À défaut de pouvoir donner au Québec le statut politique qui assurerait la pérennité du français sur son territoire, la chef péquiste a promis une «nouvelle loi 101». Gilles Duceppe a bien réclamé que les institutions relevant du gouvernement canadien et les entreprises à charte fédérale soient assujetties aux dispositions de la Charte de la langue française, mais il savait parfaitement qu'il s'agissait d'un combat perdu d'avance. C'est seulement à Québec qu'il est possible d'imposer les mesures nécessaires à la protection du français.
Sur la question linguistique, M. Duceppe n'a jamais été un faucon. Il partageait plutôt l'approche modérée de Lucien Bouchard. En 2001, il avait même désavoué le mémoire que l'aile jeunesse du Bloc québécois avait présenté à la Commission des états généraux sur la langue.
Se disant «en continuité avec la tradition nationale canadienne-française», les jeunes bloquistes réclamaient notamment l'abolition de la loi 86, qui avait rétabli le droit à l'affichage commercial bilingue, de même que l'extension des dispositions de la loi 101 au niveau collégial.
À l'époque, le PQ s'opposait également à cette mesure, mais le congrès d'avril dernier l'a officiellement inscrite à son programme. Sous prétexte qu'il oeuvrait sur la scène fédérale, M. Duceppe a refusé de se prononcer, mais il n'a jamais été très chaud à cette idée.
Plutôt que la laïcité intégrale de l'État qui interdirait le port de signes religieux ostentatoires à tous les employés de l'État, comme le préconise le PQ, il a toujours favorisé une laïcité dite «ouverte», nettement plus souple. Les militants péquistes seraient en droit de savoir si sa pensée a évolué depuis.


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