Fédéralisme canadien

Un carcan et des oeillères qui nous empêchent de voir clair

L’indépendance, c’est tout sauf un choix de pauvres

Chronique de Richard Le Hir

À force de se faire dire et de répéter nous-mêmes qu’on était nés pour un p’tit pain, on a fini par le croire. Pourtant...
Le Québec est riche. Très riche. On n’a peut être pas les sables bitumineux, mais on a autre chose, beaucoup mieux.
D’abord, si le pétrole est l’or noir, l’eau, c’est l’or bleu. C’est une richesse dont nous apprécions déjà la valeur à travers celle que nous consommons, celle dont nous jouissons dans nos loisirs, et l’hydro-électricité. Nous avons en plus la chance qu’il s’agisse d’une ressource renouvelable à la différence du pétrole, et pour le moment non tarifée. C’est sur ce dernier point que je vais m’arrêter.
Il est tout de même curieux que tous les scénarios de privatisation d’Hydro-Québec qui aient paru au cours des derniers mois n’évoquent jamais la valeur de la rente sur la ressource. En effet, si l’Alberta touche une redevance sur le pétrole extrait de son sol, il semble procéder de la même logique que le Québec devrait toucher une redevance sur son eau s’il fallait privatiser Hydro-Québec. Et dans ce cas, le chiffre de 52 milliards qui est le plus couramment avancé comme représentant la valeur d’Hydro-Québec dans un scénario de privatisation est largement en deçà de ce qu’il devrait être.
Soit qu’il faudrait envisager la transaction comme une concession accordée pendant un certain nombre d’années à un concessionnaire-exploitant qui paierait alors le droit d’utiliser les installations existantes et la ressource, soit qu’il y aurait vente effective des installations existantes, plus paiement d’une redevance annuelle sur l’eau. À partir de ces deux scénarios, il devient possible d’en échafauder plusieurs autres, mais il faut retenir des deux premiers que l’utilisation de l’eau pour la production d’électricité doit se payer si l’exploitant n’est pas l’État.
C’est là qu’on mesure tout ce qu’il y a d’abusif à avoir consenti à l’Alcan une exception au monopole de l’Hydro-Québec en la laissant exploiter à son profit un certain nombre de centrales au Saguenay-Lac-St-Jean pour alimenter en électricité à très bon marché ses alumineries de la région. Ses concurrentes ont amplement matière à se plaindre de l’avantage concurrentiel qui lui est ainsi accordé.
On voit ainsi que s’il fallait tenir compte de la valeur de la ressource dans l’établissement de la valeur d’Hydro-Québec, on aboutirait à un chiffre beaucoup plus élevé que celui qui est mis de l’avant en ce moment. Et il faudrait également appliquer une redevance sur toute eau utilisée à des fins industrielles, que ce soit pour des opérations de trempage, de rinçage, ou d’embouteillage. Il n’y a aucune raison que qui que ce soit s’enrichisse avec nos ressources sans en payer le juste prix. Je vous garantis que ça paraîtrait dans le budget du Québec et sur votre compte de taxes. Dans le bon sens.
Cela veut donc aussi dire que le Québec est beaucoup plus riche qu’on tente de nous le faire croire.
Et les bonnes nouvelles ne s’arrêtent pas là. En effet, il y a aussi du pétrole et du gaz au Québec. En fin de semaine dernière, au congrès du Parti Québécois sur la création de richesse, on a évoqué les réserves de l’estuaire du St-Laurent qui sont considérables. Et encore mieux que le pétrole sous-marin, il y a des réserves importantes de gaz dans les Basses-Terres du St-Laurent qu’on connaît depuis les années 1965 à 1980 où Soquip a mené une importante campagne de reconnaissance géologique et même exploité un puits pendant une dizaine d’années dans la région de St-Flavien.
Seulement voilà, le gaz des Basses-Terres est emprisonné dans une formation schisteuse (les Utica shales) et les techniques de forage traditionnelles à la verticale ne permettaient pas d’en tirer tout le potentiel. Depuis quelques années, les techniques ont évolué, et plusieurs formations schisteuses semblables à celle du Québec ont révélé un potentiel énorme, déclenchant un véritable boom gazier aux États-Unis et dans l’Ouest canadien.
Les nouvelles techniques, telles la fracturation hydraulique en plusieurs étapes et le forage horizontal, facilitent la production de gaz de schistes et ce, à des coûts beaucoup plus bas qu’autrefois. Ces techniques sont désormais utilisées au Québec, et le Globe & Mail et le Calgary Herald apprenaient tout récemment à leurs lecteurs, respectivement les 23 et 28 février dans un article signé Nathan van der Klippe, qu’un puits foré au Québec, à 75 km au sud-ouest de Québec, par Questerre Energy et Talisman Energy (anciennement BP), produisait au rythme de 12 millions de pieds cube par jour depuis la fin janvier, faisant de ce puits un « gusher » dans le jargon du métier, ce qui signifie qu’il produit beaucoup, avec force, et qu’il se compare aux plus gros. Le cours de l’action Questerre a bondi de 36 % à l’annonce de la nouvelle !
Or vous ne trouverez aucune trace de cette excellente nouvelle dans les médias Québécois. Serions-nous des demeurés ? Le pétrole du Québec serait-il l’affaire exclusive de non Québécois. Ou voulait-on cacher aux Québécois une bonne nouvelle pour les ramollir encore plus à l’approche du budget provincial ? Bien sûr, une hirondelle ne fait pas le printemps. Mais nous n’en sommes justement plus à la saison des hirondelles en la matière.
Il est bien certain que le message de certains « lucides » de notre connaissance perdrait de sa pertinence - si tant est qu’il en eût jamais - si les Québécois savaient à quel point le Québec regorge de richesses. Duplessis l’avait compris, Daniel Johnson père l’avait compris, Lesage et Lévesque l’avaient compris, Bourassa l’avait compris, et il faut lui rendre hommage, il en tirait une grande fierté. Curieusement, c’est une notion qui s’est perdue dans les vingt-cinq dernières années. Quant à Bouchard, il s’est présenté chez Standard & Poor’s en mendiant. Pas étonnant qu’il se soit senti humilié. Quant à Charest, pas un jour ne passe sans qu’il ne ratatine le Québec et les Québécois. Pour les ramener à sa hauteur, peut-être ? C’est le plus provincial des premiers ministres que le Québec n’ait jamais eus. Dans tous les sens du terme.
Lors du prochain référendum, les Québécois n’auront pas à choisir entre la richesse d’un côté (le fédéralisme) et la misère de l’autre (l’indépendance). Ils auront à choisir entre se faire manger la laine sur le dos par le fédéral et les exploiteurs qui le tiennent en vie au mépris de leur langue, de leur culture, de leur identité, de leurs valeurs et de leurs intérêts, ou choisir d’exploiter pour eux-mêmes leur immense richesse, en mettant en valeur leur langue et leur culture, dans le respect de leur identité et de leurs valeurs.
Le choix ne saurait être plus simple et la réponse plus évidente.


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8 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    12 avril 2012

    Bonjour et merci pour ces belles secondes de détente et de culture.
    Nombreuses sont les choses qui me font vibrer sur internet, votre blog en fait partie. Direct en bookmark!
    A bientot et bon courage, continuez ainsi..
    Mon blog: jeu de grattage

  • Jacques Vaillancourt Répondre

    18 mars 2010

    Oui, il y a du gaz naturel dans la région du Lac-St-Pierre. Le gaz naturel est situé dans les sables quaternaires bien triés reposant sur le soc rocheux à 80 mètres de profondeur. C’est le résultat des explorations faites par les sociétés Laduboro, SOQUIP et Junex.
    Le gisement de Pointe-du-Lac, situé sur la rive-nord du lac Saint-Pierre, a été découvert au milieu du XXe siècle. En 1955, Joseph Auger termine le forage d’un puits entrepris en 1948 à 60 mètres de profondeur. À la suite d’une venue de gaz, il en perd le contrôle et recourt à des experts pour l’obturer. Pendant l’éruption, qui dura 72 jours, on estime que 10 millions de mètres cubes se sont échappés du puits.
    Cependant, on estime que ce puits après une période production est épuisé, selon les trois sociétés mentionnées. Rien n’indique que l’on ne pourrait trouver d’autres puits dans cette région du Lac St-Pierre couverte par l’ancienne mer Champlain.
    Je voudrais raconter une expérience vécue dans ma prime jeunesse. À Yamachiche, à quelque dizaine kilomètres de Pointe du Lac, il m’arrivait d’aller chez des parents vivant à la campagne, qui s’éclairaient au gaz naturel puisé à même le sol sous leur demeure. Ce qui relayait au second plan la traditionnelle lampe à l’huile. La consigne évidemment, était qu’il était interdit de fumer au sous-sol . Évidemment je ne puis témoigner de la sécurité de leur installation
    Je ne crois pas que cette consommation soit à la source de l’épuisement du puits de Pointe du Lac.
    C’était bien sûr avant l’électrification rurale de Duplessis d’avant 1950, une vraie révolution dans le monde agricole.
    **

  • Archives de Vigile Répondre

    18 mars 2010

    Le choix il est si simple: ou demeurer une province canadienne pauvre qui mendie à tous les ans sa maigre pitence de péréquation, ou devenir un pays riche et envié de par le monde.
    En ce qui a trait à toutes nos richesses naturelles non exploitées (gaz naturel et pétrole non-bitumineux d'excellente qualité) dont le Québec regorge, je trouve quand même très curieux qu'une certaine presse fédéraliste (Gesca et radio-canada) garde un mutisme complet sur la question. Pourtant nous pourrions rapidement régler notre problème d'endettement et de pauvreté si nous les exploitions un tant soit peu. Alors pourquoi pareil mutisme? Je vous laisse le soin d'en deviner la réponse.
    Vive un Québec riche et libre!
    Jacques L. (Trois-Rivières)

  • Archives de Vigile Répondre

    18 mars 2010

    Les profits de Gaz Métro sont de 160 millions et la valeur boursière de 2 milliards. 12 fois les profits donc
    Les profits d'HQ sont de 3 milliards, ce qui ne donnerait que 36 milliards. Mais tout le monde sait que les tarifs n'ont rien à voir avec le marché. En Ontario, ils sont 70% plus élevés...
    Si on augmentait les tarifs de 50%, les revenus passeraient de 14 à 21 milliards. En ajoutant le milliard qu'on pourrait aller chercher en rationalisant le fonctionnement d'Hydro (trop de monde), c'est 11 milliards que l'actionnaire pourrait aller chercher. A 12 fois les profits, ça donnerait donc une valeur de 132 milliards. De quoi régler la dette duGouvernement du Québec...

  • Marcel Haché Répondre

    18 mars 2010

    Il est impossible que l’indépendance soit un échec. Le Québec n’est pas un pays ni une société en émergence.
    C’est très exactement parce que la société québécoise est riche, immensément riche, en richesses naturelles, mais aussi en ressources humaines, que l’indépendance est devenue une alternative à portée de main.
    Le fédéralisme est devenu un frein. L’immigration outrancière, une menace à notre cohésion nationale.
    L’indépendance n’est pas seulement « nécessaire », elle est devenue le coup de pouce dont a besoin la vielle société des Tremblay d’Amérique.
    Il est là le Québec que Nous méritons, et nulle part ailleurs.

  • Archives de Vigile Répondre

    18 mars 2010

    Charest a bradé ces droits d'explorations.
    Dans Le Devoir aujourd'hui; le fédéral nous empêche d'exploiter nos ressources dans le St Laurent :
    http://www.ledevoir.com/politique/quebec/285197/le-vieux-harry
    Pour trancher le litige avec le fédéral il suffit de reprendre le contrôle complet de notre territoire c'est à dire faire la souveraineté. Avant que que l'on siphonne, avec des forages horizontaux, nos ressources qui valent des centaines de milliards !
    L'argument économique pour la souveraineté est il assez clair
    Les droits d'explorations pétroliers et gaziers, qui appartenaient à Hydro Québec (sous le PQ) ont été bradé par Charest à des petites entreprises, dont une appartient à un ex ministre libéral (Gastem). On parle ici de dizaine de milliards de dollar:
    http://www.vigile.net/Les-Liberaux-font-mains-bass
    Pour Mme Marois, le modèle à suivre, la Norvège, :
    M Landry avait établi une stratégie qui s'apparentaient à celle de la Norvège (les plus performant au monde , pour tirer le maximum de ce bien publique ). Charest l'a scrapé pour brader le bien publique au profit de son réseau.
    Le fait de ne pas vouloir d'exploitation de la ressource ne veut pas dire qu'il faut l'abandonner au privé. Au contraire il faut en garder la propriété publique pour avoir ce choix.
    .......
    JCPomerleau

  • @ Richard Le Hir Répondre

    18 mars 2010

    Décidément, il y a de ces coïncidences qui vous donnent froid dans le dos.
    En ce matin du jeudi 18 mars, pas moins de quatre (4) articles paraissent dans Le Devoir reprenant chacun un des thèmes du texte que j’ai fait parvenir à Vigile hier :
    1. Dans sa chronique du jour, Michel David aborde la question du pétrole http://www.ledevoir.com/politique/quebec/285197/le-vieux-harry
    2. Le compte-rendu de l’assemblée annuelle de Gaz Métro au cours de laquelle il a été question du gaz des Basses-Terres http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/285186/assemblee-annuelle-de-gaz-metro-oui-au-gaz-quebecois-si-gaz-il-y-a
    3. Une libre-opinion sur la problématique environnementale de l’exploitation du gaz de schiste dans les Basses-Terres http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/285161/exploration-des-gaz-de-schistes-dans-la-vallee-du-saint-laurent-un-projet-qui-n-a-rien-de-vert
    4. Une autre libre-opinion qui propose d’utiliser notre important surplus d’énergies vertes pour en faire un des principaux leviers économiques du Québec au XXIe siècle http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/285160/briser-les-mythes-du-secteur-energetique
    À tous les soupçonneux qui ne croient guère aux coïncidences, non, je ne suis pas branché sur la salle de rédaction du Devoir, et je n’ai pas non plus assisté à l’assemblée annuelle de Gaz Métro.
    Je rajouterai toutefois qu’il est toujours gratifiant de voir ses idées validées par d’autres, et surtout aussi vite !

  • Archives de Vigile Répondre

    18 mars 2010

    Sa dette est de 38 milliards, ca donne pas un gros rendement sur 50 ans....
    Lors de la dernière campagne électorale, Mario Dumont estimait la valeur d'Hydro Québec à 125 milliards.
    Les profits bruts d'Hydro sont de 14 milliards par année. Avec un multiple conservateur de 5 à 6 fois, ca donne 70 à 84 milliards. En augmentant juste un peu les tarifs, on pèterait les 100 milliards facilement. Mais on ne peut pas dans le Canada actuel puisque ca ferait baisser les paiements de péréquation.