Jean Charest, face à Ottawa, est sûrement le moins revendicateur de tous les premiers ministres du Québec depuis Adélard Godbout, au tournant des années 1940. Et ce n’est pas un compliment.
Les dossiers s’empilent dans le contentieux Ottawa-Québec et le gouvernement Charest demeure d’une discrétion lamentable sur la place publique. M. Charest se refuse à utiliser le levier de l’opinion publique, comme même un Robert Bourassa n’hésitait pas à le faire, sachant bien qu’il est toujours rentable politiquement au Québec de casser du sucre sur le gouvernement fédéral. À peu près seul le ministre des Finances, Raymond Bachand, un transfuge du Parti québécois, prône un vigoureux nationalisme économique. Ses collègues, à l’exemple de leur chef, évitent de faire des vagues.
Ou Jean Charest ne veut ainsi pas donner des munitions aux souverainistes, ou le Capitaine Canada du référendum de 1995 suit cette ligne de conduite par conviction personnelle, sa loyauté première allant au Canada et au gouvernement qui le dirige.
Des milliards en jeu
Des milliards sont pourtant en jeu pour le Québec. Le député péquiste de Marie-Victorin, Bernard Drainville, critique de l’opposition officielle en matière d’affaires intergouvernementales, a dressé une liste d’une dizaine de dossiers à forte connotation financière, présentement en suspens.
Le retard dans l’harmonisation de la TPS et de la TVQ nous ferait perdre deux milliards; le traitement discriminatoire des redevances versées par Hydro-Québec, 250 millions de dollars en péréquation; la compensation à la suite du grand verglas de 1998, 421 millions; le litige sur l’exploitation des fonds marins représente également des milliards à long terme; l’aide ridicule de 350 millions pour l’industrie forestière dans l’ensemble du Canada, comparativement aux 8,7 milliards pour l’automobile, concentrée en Ontario, a pénalisé grandement le Québec. Ce qui représente un manque à recevoir de 200 millions de dollars pour l’informatisation des dossiers personnels en santé; des contributions de 100 millions et de 120 millions qui se font attendre pour le CHUM et Sainte-Justine; une commission des valeurs mobilières unique concentrée à Toronto qui fera perdre des emplois de qualité à Montréal, etc.
Soubresauts
M. Charest a parfois des soubresauts. Il a, par exemple, signifié fermement son désaccord quant au financement fédéral d’un câble sous-marin entre la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve, qui voulait accéder de la sorte au marché de l’électricité de la Nouvelle-Angleterre. Il est alors monté à la défense des intérêts du Québec.
Il a aussi donné quelques jambettes circonstantielles à Stephen Harper.
Mais on ne décèle pas de fil conducteur dans ses relations avec Ottawa, sinon de l’attentisme, et surtout pas le nationalisme bien affirmé de ses prédécesseurs, libéraux comme péquistes. Même dans le névralgique secteur de la culture, la ministre Christine Saint-Pierre semble fière de simples lettres à son vis-à-vis fédéral, comme on en a été témoin hier à l’Assemblée nationale, dans le dossier des droits d’auteur.
Opportunisme électoral
Des élections fédérales seront vraisemblablement tenues en 2011, dans la foulée de la présentation du prochain budget. Stephen Harper a un pressant besoin de sièges au Québec; Jean Charest a un pressant besoin de se faire du capital politique.
Qu’attend M. Charest pour exiger « qu’Ottawa nous rende notre butin» , formule qui a porté la carrière d’un autre bleu, Maurice Duplessis.
Rendez-nous notre butin
Jean Charest, face à Ottawa, est sûrement le moins revendicateur de tous les premiers ministres du Québec depuis Adélard Godbout, au tournant des années 1940. Et ce n’est pas un compliment.
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